Un pas? Non. Une foulée. Rythmée, régulière. Un souffle. Rythmé et régulier lui aussi. Quoi de mieux qu'un petit jogging par ce temps adéquat? Pas de chaleur harassante, pas de froid engourdissant... Vraiment, le temps idéal. Et Eric s'en donnait visiblement à coeur joie. Visiblement? Oui, tout à fait, visiblement. C'était un homme aux épaules carrées, aux muscles saillants sous le tee shirt noir qu'il arborait, collé à sa peau par la sueur. Depuis combien de temps pouvait-il courir, lui, un homme de sa stature, pour être dans cet état alors qu'il avait indéniablement l'habitude de se dépenser, de faire du sport? Lui-même l'ignorait, et justement c'était ça qui l'amusait. Plus il courait, mieux il se sentait. Ses tennis étaient confortable, son jogging large... Bon, admettons que le tee shirt trempé le gênait quelque peu. Ça faisait froid à même la peau, et s'il devait admettre que sur le coup c'était agréable, il n'était pas sans ignorer que ça pourrait lui valoir un beau rhume pour le lendemain. Quoiqu'il en soit, les écouteurs de son mp3 sur les oreilles, Genesis et autres groupes à la REM, Depech Mode et U2 à fond dans les oreilles depuis au moins deux bonnes heures, Eric était heureux comme un roi.
Le fait est, aussi désagréable soit-il, que toutes les bonnes choses ont une fin. En l'occurrence, les jambes du pilote commençaient à fatiguer et pour couronner le tout, il se mettait à bruiner. Ralentissant la course pour ne plus se mettre qu'à marcher d'une façon active, avec rapidité, pour finir par calmer le jeu progressivement, c'est à pas lents qu'Eric délaissa les tréfonds du parc pour s'en retourner vers des coins plus "conventionnels". L'endorphine présente dans son organisme, libérée par la pratique intensive de la course à pieds était toujours présente et le faisait arborer un large sourire d'homme ravi. Il passa une large main dans ses cheveux diaphanes, trempés, et les tira vers l'arrière pour qu'ils ne l'empêchent pas de voir.
Mais de voir quoi au juste? La ravissante jeune femme, du moins elle semblait ravissante vue de dos, sous le kiosque où certains groupes de jazz jouaient les soirs d'été? Un regard un peu plus appuyé l'informa qu'elle buvait un verre de vin. Ni une ni deux, armé uniquement de son culot, il couru jusqu'au banc de Miss Beckett et sauta par-dessus avec aisance, ratterrissant d'une façon si nonchalante que c'était à se dire "il l'aurait voulu, il n'y serait pas arrivé", une jambe croisée largement sur l'autre et un bras en longueur du banc, bien évidemment pas dans le dos de Mademoiselle Beckett, c'aurait été inconvenant.
Bonjour. J'en prendrai volontiers un verre mademoiselle si vous acceptiez de me faire l'honneur.
Qui ne tente rien n'a rien comme on dit, en l'occurrence, Eric risquait beaucoup plus de se prendre une claque mais comme disait sa grand-mère "il vaut mieux demander pardon que la permission"! Curieusement, elle avait changé de discours quand elle l'avait vu essayer de faire du rodéo sur son aspirateur... Quoiqu'il en soit, c'était beaucoup plus intéressant de faire des conneries, de s'éclater à les faire surtout, plutôt qu'être déçu si on nous dit "non" quand on demande. Et on dirait non, parce que dire oui à une connerie ça en retire tout le fun de la chose!
Mais pas si rustre pour une fois, Miss Beckett eut quand même droit au sourire le plus aimable dont Eric était capable, ce qui n'était pas rien même si les endorphines y étaient pour beaucoup.