Je regardai au loin. Mes espions avaient vu juste, elle était là, aux cotés du général, belle et fière, sa légère armure moulant parfaitement son corps, qui déstabilisait quelques hommes de mon armée. Quel idiot j'ai été de croire en elle, quel idiot j'ai été de lui accorder ma confiance, de lui avoir promit de lui rendre ses pouvoirs. Au loin, comme une étoile dans un ciel qui n'en a pas, elle semblait être la seule personne qui m'intéressait. J'ai senti mon cœur se fendre, sachant que d'une manière ou d'une autre, je devrai pourfendre une amie. J'avais de la puissance, certes, de la puissance en grande quantité, une armée plus qu'appréciable et une connaissance parfaite du terrain, comme chacun de mes hommes. Aucun trou ne pourrait nous faire trébucher, aucune racine ou arbre viendrait nous nuire, nous connaissons ce territoire comme nous connaissons le goût de la chair de nos femmes et le sale caractère de nos enfants. Nul ne pouvait nous battre chez nous, comme nul ne pouvait les battre chez eux. Ce n'est pas pour rien que Nexus et Ashnard restent toujours sur un pied d'égalité. Ashnard a besoin de Nexus et Nexus a besoin d'Ashnard.
À ma droite, mon second s'approcha, l'air grave. Je le sentais anxieux et surtout impressionné par l'armée qu'Ashnard nous avait envoyé. Il me murmura à l'oreille, pour que les autres ne se fassent pas d'illusions ou de faux espoirs que l'armée du Seigneur Vrealcroft devrait être en chemin à l'heure qu'il est. Je ne doutais pas de la bonne foi du bon Seigneur, mais je doutais de son courage. Je crois bien que j'aurais affaire à un héraut ou un truc du genre. Tout pour se protéger les fesses des lames et les mains du sang ennemi. "Ce n'est pas avec des mains propres que nous gagnons le respect du peuple! Il faut combattre à ses cotés, lui faire comprendre que ce qu'il ne craint pas, nous ne le craignons pas, sinon, nous deviendrions très vite un festin pour les vers à la première rébellion qui se produirait." Vrape recula après avoir confié son message à mes oreilles et alla rejoindre son régiment. Je poussai un soupir et je mis pied à terre, faisant cliqueter la maille sous mon armure, empoignant mon casque et en le mettant sur ma tête. Je regardai une dernière fois mes troupes. Nous étions deux milles contre une force de nombre inconnu, mais ô combien supérieur. Je leur adressai un clin d'oeil et tous sourirent avant d'éclater d'un rire franc, moi également, comme si un idiot dans mes rangs avait prononcé une blague excellente. En fait, nous riions pour chasser l'anxiété et la peur de la mort qui nous habitait. Leur souriant et les laissant derrière mois, toujours hilares comme de grands nigauds bienheureux, je m'approchai seul de l'ennemi.
L'angoisse me tenaillait les entrailles et mon cerveau ordonnait à mes jambes de faire demi-tour, mais mon coeur m'ordonnait le contraire; continuer jusqu'à être au quart de la distance qui séparait mon armée de celle de mes ennemis. La coutume de Terra voulait que les commandants et leurs seconds en viennent à un accord diplomatique profitable pour les deux camps pour ainsi éviter une effusion de sang. Vrape m'avait rejoint. Cet elfe était vaillant, mais guère, comme tout être sensible aux consciences qui quitteront ce monde pour le néant, doté de l'âme d'un guerrier. Nous stoppâmes notre marche. Encore une nouvelle vague d'angoisse, et cette fois, c'est une voix apaisante d'homme sage qui murmura à mon esprit de rester calme. Je sentis mes muscles se relaxer, mes mains se détendre sur le pommeau de mes katana, et les muscles de ma mâchoire se délièrent, la rendant apte à la conversation.
-Général Arthas Moebius. Je suis le Seigneur Kamui de Meisa, protégé de la Dame de Meisa, Eldeveil chez les elfes, Dragverk chez les nains, Shu'tar chez les Orcs et Ostan chez les Drows, races qui peuplent ce territoire. Ici, en ce jour, tu es venu sur mes terres avec le poing de la guerre comme guide. Je viens devant toi pour te demander d'écouter la voix de la raison et de ranger les armes. Je ne désire point souiller la terre que je cultive le matin, le midi et le soir du sang de tes hommes et surtout de mes gens. Cette bataille n'est en rien nécessaire à nos objectifs respectifs, car cet endroit est paisible. Le vin, la nourriture et la vie y sont bons, je te prie de ne pas détruire ce monde dans un acte belliqueux. En tant que maître de ce domaine, je te demande de rebrousser chemin. Si tu refuses, nous t'affronterons, et avec nous toute la magie et la puissance de la nature pour nous assister.
Un peu plus derrière, un mage d'apparence noire, recouvert d'une cape à capuchon, l'air fragile et vieux malgré ses traits juvéniles, aux cheveux argentés lui tombant mollement hors dudit capuchon, s'approcha de moi, s'aidant d'un bâton ressemblant un peux au caducé d'Hermes, dont les quatres serpents dorés se refermaient sur un saphir luminescent. Il leva sa jeune tête vers sa consoeur, la belle Mélisende, puis regarda de son air fatigué le puissant général. Un soupir désabusé fut exhalé de ses lèvres pâles qui s'étirèrent ensuite dans un rictus cruel. Darimon. Darimon Darslow, Archimage de la Tour des Anciens Prêtres de la Reine Noire (tirée de Dragonlance. Pour les incultes; à essayer.), et conseiller direct de la Dynastie Vreamsolari, maîtres des terres arcaniques flottant au-dessus du monde. S'il y avait bien un homme en qui on ne pouvait avoir confiance, c'était bien en cet homme, mais cette homme était en fait le meilleur ami du précédent moi-même. Il était venu à moi, sans raison réelle, et m'avait offert ses services. Mon autre moi-même avait été étonné de voir l'ancien mercenaire, maintenant puissant mage, revenir vers lui après tant d'années... et aussi inchangé. La voix sombre du mage s'éleva.
-Tu ne feras que contribuer à un massacre inutile. Les âmes ici vivent en paix avec les deux camps. Tu trouverais parmi nous certains réfugiés Ashnardiens blessés au combat. Pourquoi combattre quelque chose qui ne te veut aucun mal, général? Serais-tu prêt à salir ton nom du massacre d'innocents? D'une contrée paisible et sans la moindre animosité à l'encontre de votre royaume? Où serait le sens d'une telle bataille? Ashnard est déjà nourrie de ces terres, et rien de ce que vous pourriez y apporter n'améliorera cette terre en quoi que cela soit.
Puis, s'inclinant profondément, il fit demi-tour. Seule Mélisende se rendrait probablement compte du danger que représentait Darimon. Si moi, j'étais dangereux, Darimon l'était davantage. Encore plus que moi et Lucifer réuni. Comme lui, je m'inclinai devant mes ennemis et je m'éloignai vers mes troupes pour attendre leur réponse. Mais je savais qu'elle serait négative, malheureusement. Juste POSSÉDER cette terre était une raison suffisante pour massacrer tous les habitants de ces terres. Des forêts jusqu'aux lacs, des montagnes jusqu'aux profondeurs. Elfes, sirènes, nains, orcs, et encore d'autres créatures regardaient attentivement le camp de l'ennemi de leurs frères de territoire, ne sachant pas encore s'ils devaient ou non participer à ce combat. J'espérais secrètement que leur indécision ne nous coûte pas la victoire.