- Tu n'es pas obligée d'y aller toi-même, tu le sais ?- Oui, mais je préfère aller la récupérer moi-même. Je pense être la plus apte à ramener quelques échantillons sains et complets. Je pourrai rajouter des observations lors de la cueillette également.Miuggrayd acquiesce, même s'il affiche une mine inquiète. D'après ce qu'il m'a dit avoir trouvé dans des vieux grimoires de la grande bibliothèque, je vais devoir voyager pendant une bonne grosse semaine avant d'atteindre ma destination, et une fois sur place, cela ne sera pas de tout repos. La
Centella Brumatica, également appelée le « Souffle de vie », est une plante que l'on trouve dans un environnement de type inhospitalier. Rares sont les plantes qui fleurissent dans des marécages, et celle-ci est encore plus difficile à trouver. La plante semble être utilisée pour guérir des maux dits incurables, mais les informations sont bien trop minimes pour les valider et pour savoir s'il s'agissait des racines, de la tige, des feuilles, des pétales ou de la plante dans son entièreté qui renfermaient ces dons de soin.
Alors je vais devoir prendre plusieurs spécimens, les plus complets possibles. Il va falloir que je prenne des fioles de conservations aussi...Mh. Je sais lire toutes les pensées qui traversent l'esprit du Miuggrayd. Son visage avait beau être des plus impassibles, j'ai pu apprendre durant toutes ces années, à lire le moindre de ses traits et le plus minime de ces changements. Haaa...Mon père avait les mêmes quand je voulais m'aventurer seule, loin de tous et surtout, sans l'aide de mes frères.
- Tout ira bien, ne t'en fais pas.- Mon inquiétude ne s'en ira pas parce que tu me le dis, jeune fille. Les années ont beau passé, tu resteras la jeune Nunaat que j'ai ramassé, pleine de neige.- Rooh ! T'exagères ! , ruminais-je.
Je n'ose pas lui dire plus, au risque de lui balancer des mots blessants, juste parce que ce genre de remarques m'agace. J'suis plus une gamine ! Il n'était pas mon père biologique, mais un de substitution, et moi...La fille colérique et désagréable qu'il rêvait d'avoir. Cela me fait penser que...Je ne lui ai jamais demandé pourquoi il ne trouvait pas quelqu'un pour fonder une famille. Il a beau être un elfe déjà âgé, il était frais comme un gardon ! Il pouvait toujours se créer ce petit foyer entouré de proches de son propre sang. Bref...
- Je reviendrai en un morceau, avec quelques cicatrices en plus, peut-être. De toute façon, si je ne reviens pas, tu vas m'ram'ner par la peau du cul !Miuggrayd s'approche de moi, sourire aux lèvres, puis me fait une tape à l'arrière du crâne. Je bougonne un peu mais je le comprends. Son geste m'arrache un grognement puis un léger sourire étire mes lèvres foncées. Je ne suis pas la plus familière avec les gestes d'affection, mais on se comprend, lui et moi. Je m'éloigne un peu de lui, préparant mon sac à dos avec mes outils de récolte comme mon sécateur et un plantoir. Je me saisis également de fioles contenant des potions de conservation magique. Il faudrait peut-être que je prenne un deuxième sac pour installer les plantes dedans pour éviter qu'elles ne s'abîment en contact de mes instruments. En voilà une bonne idée !
Je demande aussi à mon ami immortel s'il peut me procurer une reproduction de la plante sur papier, avec une description précise, histoire que je ne me trompe pas lors de la cueillette. Je le laisse s'éloigner, le suivant pour quitter ma chambrée. Alors que lui part vers des salles d'études, je me rends vers les cuisines, allant me préparer des vivres et les ranger dans mon sac. C'est bon, j'ai tout. Une fois que tout est préparé, je me rends à l'entrée de l'Académie où m'attend déjà Miuggrayd. Je lui fais mes adieux, pas de câlins hein, au grand elfe, ainsi qu'à Lenwë, que je ne verrai que dans quelques semaines. Je m'enfonce à grandes enjambées dans les sillons enneigés, traversant les hauteurs familières sans difficulté, à force d'habitude...
Le voyage fut mouvementé. Si le début du périple fut plus aisé parce qu'il s'agissait de terrains que j'avais déjà arpentés, le reste des contrées rendait l'excursion plus ardue. Moi qui avais plus coutume des landes enneigées et des simples forêts et clairières, me voilà dans des terres arides où tout cherche à me bouffer ! Heureusement que ma hache ne me quitte jamais, et que, même sous ce soleil brûlant, ma magie de glace fait son petit effet. Koz-Tarela, terre de tous les dangers ? Du pain béni pour moi, oui ! Mais on ne va trop s'y attarder. J'ai beau avoir plus d'un tour dans mon sac, je ne suis pas venue pour séjourner dans cette savane dangereuse. Mon objectif est bien plus loin, dans cette masse au loin, paraissant telle un mur sombre, comme un orage près à éclater.
Le changement d'ambiance est...grisant. Adieu le soleil tapant sur ma peau claire, bienvenue dans l'empire des moustiques et autres crapauds ! Ce n'était pas une grande touffe d'herbe immense et étouffante qui allait me faire peur ! On tire et on arrache par ici, un coup de machette par là, et ça fait le travail ! Cela avait beau être un tout nouvel environnement pour moi, cela ne faisait que gonfler ma poitrine d'une excitation et d'un engouement que j'avais oublié avec le temps, à force de fouler le sol des mêmes paysages. Mais bon, je ne suis pas là pour la rigolade, ou bien même, pour me défouler. Bien que des bruissements discrets chatouillaient mes oreilles, le silence du marécage ne me trouble pas. J'avance tout de même d'un pas mesuré sur ses terres spongieuse. Je me fiche de cette moiteur oppressante, ni des volées d'insectes avides de goûter à mon sang. Mon regard glacial balaie les environs, analysant chaque détail avec une précision chirurgical. Il faut dire qu'avec le peu d'informations que j'ai sur la
Centella Brumatica, je me dois de regarder partout et d'être atte...
- Et merde...Je n'arrive plus à lever ma jambe gauche...Ni la droite. Mon corps se fait de plus en plus lourd, comme si on se mettait à me tirer exprès vers le fond. Putain de marais et ses boues comme des sables mouvants ! Bon, ne paniquons pas et ne bougeons pas trop non plus. Mes yeux se baladent de droite à gauche, de haut en bas, tout autour de moi à la recherche d'une branche, d'une liane, d'UN TRUC QUOI, qui pourrait m'aider à me sortir de ce merdier ! Je me penche en avant pour agripper du bout des doigts une branche mousseuse, presque glissante. Je m'y accroche comme je peux, tirant avec force pour essayer de sortir mes sabots, mais rien n'y fait. Je ne peux même pas utiliser ma magie, vu que la glace risquerait d'emprisonner mes cuisses et que le sol deviendrait si friable que je m'enfoncerai davantage jusqu'à en créer un énorme trou, pour ne pas dire une tombe...Bon, ainsi agrippée, au moins, je ne m'enfonce plus, mais là, faudrait pas que je m'éternise dans cette position et trouve assez rapidement une solution. Manquerait plus qu'une créature des marécages vienne me faire chier...