Dans les sombres soirées de Seikusu, on dit qu'on ne pouvait pas faire trois ruelles sans tomber sur des amants s'embrassant follement, leurs hormones et phéromones dégageant cette odeur distincte alors qu'ils engageaient cette danse charnelle, clamant leur amour haut et fort. Ailleurs, cela serait traité comme de l'indécence publique, mais à Seikusu, il n'y avait aucune loi qui interdisait les ébats en public. Diantre, cette ville de dégénérés n'avaient commencé à condamner les rapports avec des mineurs que quelques années plus tôt, ce qui avait donné un sacré choc à l'industrie du tourisme sexuel. Moralement, c'était une excellente nouvelle, et si Hadrian voyait le genre humain comme une race défaillante et corrompue, il y avait quelque chose de rassurant de voir que même dans une société de dégénérés, il y avait quand même des standards. Financièrement, ça avait définitivement mis fin à un attrait qui attirait la clientèle dans une ville pourtant fort banale. Fort heureusement, la principale source de revenus d'Hadrian était davantage orienté vers le divertissement, donc il ne s'en était jamais vraiment soucié, hormis que maintenant, ses directeurs étaient forcés d'acceptés la présence d'un représentant du département japonais de la protection de la jeunesse sur les sites de tournage pour éviter tout abus. Et ce même représentant était lui-même surveillé par... eh bien... des goules. Hadrian avait davantage confiance en l'incorruptible qu'en l'être humain.
Hadrian était plus ou moins au courant de tout ce qui se traficotait, en bien ou en mal, dans le monde des affaires, et malgré leurs précautions, cela affectait également la multinationale Omcorp. Seikusu était le territoire de sa secte, et en tant qu'homme de main du Prince local, il était important qu'il garde un oeil sur toutes les activités suspectes qui se déroulaient. Lorsque ses hommes lui avaient rapporté l'arrivée d'un colis de la part de cette entreprise, l'homme d'affaire s'attendait à une arme biologique, ou du moins quelque chose de dangereux. À la place, c'était une jeune femme. Une employée, peut-être? Une petite enquête, un coup de fil et voilà qu'il se rendait compte qu'il n'y avait aucune information sur cette jeune femme. Il y avait bien des papiers, mais ils n'avaient jamais été utilisé avant son arrivée. Aucun compte en banque, aucun emploi antécédent ou de résidence. Cela n'arrivait que dans deux scénarios; soit cette femme était un assassin de haut niveau qui n'a jamais laissé une trace de ses déplacements par le passé, ou alors elle n'avait eu aucune vie sociale en dehors d'un groupe très restreint de personnes qui contrôlait chaque aspect de sa vie. De manière générale, dans le monde d'Hadrian, la dernière option était la plus fréquente.
Hadrian n'aimait pas qu'on se mêle de ses affaires, et il aimait encore moins laisser un danger potentiel voler sous son radar. Est-ce que cela voulait dire qu'il allait surveiller personnellement Seki pendant quelques semaines, histoire de s'assurer personnellement qu'elle n'était pas dangereuse? Assurément pas. De fait, le fait même qu'ils se croisèrent alors que le Tremere rentrait tranquillement du boulot tenait de la coïncidence pure et dure. Après tout, ce n'était pas tous les soirs qu'il passait dans ce coin; normalement, son travail, et son appétit, le guidait plutôt vers les quartiers huppés de la ville.
C'est Lilyanne qui, assise sur la banquette de la voiture, avait remarqué Seki se diriger vers un sous-bois. Peut-être était-ce son appétit qui avait attisé la curiosité de la vampirette, ou simplement sa surprenante habileté à percevoir le danger. Les deux maîtres de la nuit se regardèrent un moment avant qu'Hadrian n'ordonne au chauffeur de se garer sur la droite pour les laisser descendre. Une fois hors de la voiture, il prit la main de Lilyanne et traversa la rue. Il ne fut pas long avant que les deux mort-vivants n'atteignent le sous-bois, et maintenant qu'ils étaient sûr qu'il n'y avait plus personne pour les voir, la petite vampirette grimpa dans les arbres, histoire de pouvoir avoir une meilleure vue, et alors que le maître s'avançait vers la source d'une conversation plutôt agressive et chargée de testostérone, la gamine le suivait, hors de vue, prête à bondir.
Les premiers des deux hommes se mirent à courir en sa direction, et il aperçut alors ce qui s'était passé; Seki gisait au sol, dans une flaque de sang. Hadrian n'aimait pas la couardise, et le fait qu'ils étaient prêt à laisser quelqu'un mourir simplement pour éviter leur responsabilité lui donna toute la motivation nécessaire et la justification qu'il recherchait pour relâcher sa constante vigilance sur sa propre sauvagerie; les mains du maître vampire se relevèrent et il fit quelques pas pour se retrouver devant les deux hommes, qui tentèrent bien de l'éviter, mais il ne comptait pas les laisser s'échapper. Les mains du vampire trouvèrent naturellement le visage des deux hommes, les agrippèrent brutalement et alors que leurs jambes continuaient leur course, ils basculèrent vers l'arrière, et le maître fracassa leur crâne contre le sol d'asphalte, éclatant l'ossature crânienne et endommageant irréversiblement le cerveau, qui ne tarda pas ensuite à cesser de fonctionner.
Le troisième homme, voyant cela, eut le bon sens de filer de l'autre côté, mais il ne fut pas assez rapide; une petite forme blanche et noire s'abattit sur lui, le faisant tomber au sol. Il tenta d'appeler à l'aide, mais dans le sous-bois, personne ne l'entendrait avant qu'il ne soit forcé au silence. Il tenta bien de lutter, agrippant les cheveux de la gamine pour essayer de l'arracher de son cou, mais elle était nettement plus forte que prévu, car il eut beau tirer sur ses cheveux, vêtements, ou tenter de la pousser, elle ne bougeait pas d'un centimètre. Ses hurlements s'étouffèrent dans un gargouillement lorsque Lilyanne lui arracha la trachée d'un coup de dents pour se gorger de sang frais. Comme elle était plus petite et menue, la jeune demoiselle était moins prudente avec ce qu'elle se mettait sous la dent; à sa taille, il valait mieux se satisfaire de ce qui lui venait plutôt que de faire dans la sélection.
Comme un bon magicien, d'un geste de la main, le maître vampire fit apparaître un mouchoir, qu'il cachait évidemment dans sa manche, et le tendit vers la jeune demoiselle une fois qu'elle finit de se repaître. Elle agrippa le mouchoir et se frotta le visage plutôt agressivement, mais elle ne parvint tout au plus qu'à étaler le sang. Avec un soupir, Hadrian fouilla dans sa poche pour en tirer une petite pochette de lingettes humides qu'il frotta sur le visage de la gamine. Une fois présentable, il se tourna plutôt vers Seki. Si telles sont les armes biologiques promises par le futur, je devrais être encore tranquille pour un mois ou deux. Se dit-il en se grattant le crâne. Le vampire examina l'abdomen ensanglanté de la jeune femme et, malgré l'abondance de sang qui s'en échappait, elle ne semblait pas vraiment perdre de couleurs. Étrange.
Plus étrange encore était de voir sa peau bouger et chercher à se refermer, comme ça, sous ses yeux. Un humain serait déjà mort avec une telle hémorragie. Ca, et les humains n'avaient pas une peau capable de se refermer aussi rapidement.
"Hm... Intéressant."
D'un geste de la main, il força le sang à stopper son évacuation. Pas qu'il s'attendait à ce que cela lui sauve la vie, mais plus parce qu'il ne voulait pas se salir. Il souleva alors la jeune femme dans ses bras et la porta jusqu'à la sortie du bois.
"Tu vas en faire quoi?" demanda la vampirette.
"Je ne sais pas encore. Mais j'ai quelques idées."
Il examina le visage de Seki, pour voir si elle recommencait à percevoir son environnement, tout en continuant de marcher vers la sortie.
**Quelques heures plus tard**
Lorsque Seki reprit connaissance de son environnement, elle n'était plus dans un sous-bois. Elle n'était pas chez elle non plus, à moins qu'elle ne se soit prise d'une soudaine envie de redécoration qui aurait laisser certaines vedettes de la télé plutôt pantoises; ce n'est pas tous les jours qu'une rénovation inclut un rehaussement du plafond et une restructuration complète de la répartition des pièces.
Hadrian l'avait ramenée dans un appartement de luxe du quartier Ichifuku, un quartier reconnu pour ses appartements de luxe. Juste le lit dans lequel elle reposait était couvert d'une soie douce et confortable, avec des oreillers moelleux, doux et confortables. Les rideaux obstruaient complètement la fenêtre, empêchant la lumière solaire ou lunaire de pénétrer dans la pièce, et pourtant, dès qu'elle ferait un mouvement, les lampes s'allumeraient et baigneraient la pièce dans une lumière sombre, histoire de ne pas déranger l'occupant. Elle ne portait plus ses vêtements de sports, mais un pyjama de soie dans lequel elle flottait librement; il était beaucoup trop grand pour elle.
De son côté, Hadrian avait fait raccompagné Lilyanne dans un autre de ses abris, histoire d'éviter un fâcheux accident où Seki serait transformée en un petit casse-croute avant d'aller dormir. Le vampire était assis dans le salon de la pièce à côté, une cigarette à la main et une pile de documents dans l'autre. Il ne lui faisait évidemment pas dos; si cette femme avait la moindre chance d'être un assassin ou une arme biologique à forme humaine, il n'était pas prêt à en faire les frais.