La frustration était à son comble – autant physique que psychique. Physique, car tout son corps ne désirait qu’une chose, retirer l’œuf enfoncé entre ses chairs, pour s’adonner à des activités et des plaisirs beaucoup moins chastes. Psychique, parce qu’elle avait espéré démasquer son maître chanteur, et qu’en réalité, cette attente s’était soldée par une grosse déconvenue. Un autre jour, peut-être. Les opportunités se présenteraient à nouveau, surtout s’il comptait poursuivre son chantage, continuer à la tourmenter. Et son petit doigt lui soufflait qu’il n’en avait pas terminé avec elle.
Toute personne normalement constituée s’attendrait à ce qu’en rentrant chez elle, Emi fasse taire cette frustration. D’autant plus qu’elle avait tous les accessoires nécessaires pour cela. Des jouets à gogo, de la lingerie à n’en plus pouvoir, et une imagination très fertile. Pourtant, à la place, Emi prit une douche rapide, avant de se changer, enfilant un débardeur blanc, un short moulant couleur safran, léger et pratique, et une paire de baskets. Quelques minutes plus tard, elle claquait la porte derrière elle, les écouteurs vissés aux oreilles, filant droit vers la salle de sport, où elle se rendait habituellement.
Elle s’épuisa volontairement à la tâche pendant près de deux heures, enchaînant les exercices sans répit : course, squats, renforcement musculaire, étirements. Et parce qu’elle ne perdait pas le nord, notre Emi, elle n’oublia pas son rôle de modèle et ses réseaux sociaux. Entre deux séries, elle attrapa son téléphone pour immortaliser sa séance, choisissant avec soin l’angle et le moment. Elle se plaça dos à son téléphone, bras levé au-dessus de la tête dans un étirement étudié, quelques gouttes de sueur glissant de ses épaules et de ses clavicules.
Le clou du spectacle ? Son débardeur blanc, trempé, qui collait à sa peau, laissant deviner plus qu’il ne cachait. Et surtout, son short, tendu sur sa taille, qui soulignait la fermeté de ses fesses, résultat d’un travail acharné. Un cliché que ses abonnés fidèles apprécieraient, sans aucun doute.
En rentrant, elle refit un tour par la case salle de bain, mais se prépara un rapide repas, qu’elle mangea sans vraiment y prêter attention. Après tout, son live commençait dans moins d’une heure, et elle devait encore se préparer. Sa lingerie, choisie depuis plusieurs jours déjà, l’attendait dans un recoin de son armoire. Et si elle pensait qu’elle allait pouvoir l’utiliser à sa convenance, comme à son habitude, Dante semblait en avoir décidé autrement. Elle terminait son assiette lorsqu’elle reçut son message, et ce dernier lui fit froncer les sourcils, tandis que les battements de son cœur s’affolaient. Non pas de peur, mais bien de fureur et d’agacement. Et puis quoi encore ?
« Bien sûr, chaton, et après, je vends mon cul pour dix balles au passant du coin. Les affaires, ce sont les affaires. S’ils veulent profiter d’une séance, qu’ils paient. »
Son deuxième message fut envoyé quelques secondes plus tard.
« Je suis sûre qu’ils seraient ravis que tu sortes la carte bleue pour eux, d’ailleurs. Je t’en prie, fais-leur ce plaisir. »
Son ton était mordant, acéré, saturé d’un sarcasme à peine contenu. Dante dépassait vraiment les bornes, à ce stade. Cet idiot s’attaquait tout de même à son business, à son gagne-pain.
C’est renfrognée qu’elle finit de manger, de ranger sa vaisselle, puis de se préparer. Et enfin, ce fut le moment d’allumer sa caméra et de lancer son live, vêtue de son éternel masque de chat, utilisé pour dissimuler son identité.