Cette nuit, l’ambiance était au rendez-vous dans le squat. Un petit festival s’était improvisé, réunissant la communauté punk de Seikusu dans cet ancien hangar désaffecté. Le chanteur des Vicious Sirens avait enchainé quelques-unes de ses chansons favorites au micro. L’endroit avait tout de même pu accueillir presque une cinquantaine de personne, ce qui était un bon chiffre à la vue du secret de l’endroit et de sa configuration. C’était un squat qui commençait à avoir de la gueule. Le Phoenix, son pote et dealer qui tenait la baraque à peu près droite, était au bar à servir la boisson aux fans de hard rock qui se trouvaient là. Jake était comme à son habitude tout de noir vêtu, maquillage agressif. Il se posa au comptoir et sortir une cigarette de son paquet. Le Phoenix, lui posa une bouteille de bière en face de lui. C’était leur deal, Jake ne payait pas l’alcool, mais en échange il jouait gratuitement. Comme il n’y avait plus grand monde à servir pour l’instant, le grand chevelu qui faisait office de barman se posa en face du chanteur et s’offrit lui aussi une bière. Il sortit aussi de quoi fumer, mais la cigarette était faite maison. Surprise, il n’y avait pas que du tabac.
« Alors, on profite de la soirée, Ricci ? »
C’était un des noms de scène de Jake. Ce dernier lui répondit tout en décapsulant sa bouteille avec son briquet.
« On peut dire ça. Y a du monde ce soir, ça risque d’attirer les flics. »
« J’ai bien isolé phonétiquement l’endroit. Et puis, y a plein d’usine autours qui tourne la nuit et font bien plus de boucan que nous. Qu’il y ait quelques voitures sur le parking du hangar, de l’extérieur, ce n’est pas étonnant. Merci pour avoir retaper le groupe électrogène. Il tourne sans claquement maintenant. »
« Il fallait changer les coussinets de bielle. Je t’avais déjà dit que ton moteur était vieux et qu’il fallait faire sa révision, j’aurais pu intervenir avant qu’il y ait autant de dégât. »
« Pour la peine, t’as accès illimité au cruising ce soir ! »
« Hum. Offre tentante. Tu parles de la cave, que tu aménagé en « fuck room » ? »
« Ce n’est pas une « fuck room » ! C’est un labyrinthe sombre, avec gloryhole, et set de bondage. Bref, rien à voir. »
« Bien sûr, rien à voir. »
Jake parcourait la salle du regard. Il avait, comme tout les soirs, envie de vivre une expérience folle, de l’excitation bien comme il faut. L’alcool et la drogue s’était avéré pauvre en résultat. La plus puissante des méthodes restait les rencontres humaines. Bon, un peu de vodka permet de pimenter tout de même la situation, il fallait bien l’admettre. Jake remarqua un attroupement inhabituel, certain présent semblait s’agglutiner autour d’un jeune homme musclé, qui lui se montrait bien content d’avoir autant d’attention. Tirant une latte de sa clope, l’électricien et chanteur demanda au barman.
« C’est qui lui ? »
« Un catcheur, ou boxeur. Je crois. C’est une petite vedette dans le coin. Il a la réputation d’être un gars à embrouille, je n’étais pas chaud pour l’accueillir, mais je ne suis pas le seul à décider dans ce squat. »
« Tu devrais taper du poing sur la table plus souvent. Y a quasi que toi qui fais en sorte que ce squat tourne, les autres ne foutent rien à part se torcher la gueule et se plaindre à tout bout de champ. »
« On est un squat anarchiste, Jake. On n’est pas là pour reproduire un système hiérarchique et technocratique. Je préfère ne pas être écouté que devenir un connard dirigiste et autoritaire. »
Jake réfléchissait si cet homme était une proie intéressante. Il riait fort, semblait bomber le torse à la moindre occasion et se la ramenait un peu trop à son gout. Non, ce n’étais vraiment pas son genre, en tout cas pas ce soir. Se resservant une gorgée, il tira après une moue de déception. Le barman sembla le remarquer.
« Et bien ? On fatigue l’ami ? »
« Bof. Je m’ennuie, c’est tout…J‘adore la fête pourtant, mais je ne sais pas. En ce moment je trouve les gens…insipide. »
« Bienvenu dans le monde réel. Tu sais j’ai un pote qui devrait te plaire. Il adore ta musique et…»
Jake eut du mal à entendre la suite. A vrais dire, par-delà le fond sonore des basses crachant du rock et des discussions à droite à gauche, des voix semblait s’élever et des mouvements de foules aussi. Agacé, le chanteur se retourna vers l’origine du bruit. Le Phoenix, lui, pesta.
« Et voilà ! C’était trop tranquille, il fallait que ça tourne en bagarre ! »
« Qu’est ce qui se passe ? »
« Ya môsieur le catcheur qui commence à foutre la merde. »
« Ah. Bon, pas mon problème. »
Le Phoenix sembla lui lancer un regard insistant. Jake fronça un sourcil.
« Crache le morceau, tu veux quoi ? »
« Tu sais, ici, on n’a pas de service de sécurité. Si SEULEMENT on avait un maniaque qui se promène toujours avec un taser sur lui pour ramener le calme… »
« Tu te fous de ma gueule, hein ? Tu as vu marqué « Acolyte » sur mon front ? »
« Rooooooh Allezzzzzzzzzzzzzz ! Steuplait, je t’en devrais une, il va foutre le bronx dans tout le squat ! »
Jake grommela, mais en vrais, ce n’était pas une bonne idée de laisser gangréner une situation comme celle-ci dans le squat. Il écrasa son mégot dans le cendrier puis se dirigea vers la scène de grabuge.
Il y en avait du bruit. Il ne comprit pas vraiment ce qu’il se passait, à coté de lui, une foule en chaleur semblait se mettre en cercle autour de deux personnages. Jake était toujours autant surpris par l’engouement de l’humain d’être aussi excité à la vue de combat. Il bouscula quelques-uns pour se rapprocher au plus proche du cercle et examina la situation. Il vit bel et bien le catcheur, qui avait retiré son masque de star de scène tout souriant en un visage de colère rouge. Il fixait une autre personne, que Jake ne reconnu pas. Le chanteur leva un sourcil en examinant la scène.
« Mais c’est qui celle-là ? Marmonna-t-il. »