Affalée plus qu’assise. Dans ce fauteuil inconfortable. Le bureau de mon manager est fonctionnel plus qu’accueillant. Il ne supporte pas que les gens tardent auprès de lui. Il déteste lorsqu’on reste, qu’on squatte, son antre. Il me fixe depuis un moment maintenant. Je sais qu’il regarde le satin de ma peau qui apparaît et disparaît lorsque je croise les jambes. Que je les décroise. Les doigts joint devant le bas de son visage, il réfléchit. Ses yeux semblent méchants lorsqu’il se concentre. Je le trouve beau.
« Mona… » Il inspire, expire. Je sais ce qu’il va dire.
« Il faut que tu prennes ta décision. »« Je sais. »[/color] J’inspire…
« Je sais. » J’expire.
« Mais je suis en deuil. »« Arrête tes conneries. Je sais que tu aimais beaucoup Johnny...mais ton assistant à trouvé une place dans un magazine. Tu es heureuse pour lui. Fin de l’histoire. Il te faut un assistant. Une assistante. UN ROBOT…même. J’en m’en contre-fou. Mais bientôt, il y a pas mal de choses qui vont bouger et tu vas être débordée. » Il a l’air inquiet. Mon assistant s'appelait Jona.
« Je ne veux pas que tu fasses une dépression. »« Je sais Danny. Tu es inquiet. » Il ouvre la bouche, mais je sors sur le même temps qu’il aurait employé pour me demander.
« Mon traitement me convient. Il suit son cours et mes séances chez la psy, c’est le pied. Ne t’en fais pas. » Il me regarde en fermant les lèvres. Se masse l’arrête du nez. Un grand nez. Danny, c’est un grand nez qui se glisse dans votre nuque pour humer la racine de vos cheveux pendant l’amour.
« Arrête de te faire du souci pour moi sans cesse. C’est vexant. Je n’ai pas quatorze ans. Je ne suis pas ta petite sœur. »Je croise et décroise les jambes à n’en plus finir. Parce que je sais qu’il aime lorsque je fais ça. Il peut apercevoir les
dessous que j’ai mis. Il me les a offert il y a quelques mois. Il croit que c’est pour lui que j’ai fait tout ça. Je le sens dans l’air et le vois à sa manière de fixer le bas de mon corps.
Je glisse mes pouces entre le faux daim de mes chaussures et le satin de ma peau et je tire sur mes
cuissardes pour les replacer. Je le fais lentement, les yeux baissés. Je sens mes cheveux retomber le long de mes épaules et glisser sur ma
robe sombre.
« Je sais. Heureusement. » Il sourit, je souris. Nous restons un instant silencieux. Seul trouble, nos respirations communes. Elles sont rapides et enflammées. Seulement, je n’ai pas envie de lui. Pas aujourd’hui. Mon obsession est ailleurs.
« Car nous ne pourrions pas… »Il se lève, contourne le bureau. Je décroise les jambes, lentement. Si lentement que Danny a le temps d’arriver jusque derrière mon siège. Il se penche et je sens ses doigts qui écartent le rideau de mes cheveux. Son grand nez. Danny est un nez. Qui glisse contre ma nuque. Sa respiration brûlante contre la racine de mes cheveux. Je frissonne et il sourit, me mordille.
« Jouer ensemble. »« On ne devrait pas… »« Je sais. »Ses doigts glissent le long de ma robe. Il caresse le bouton, seul objet fermant le vêtement. Il sait que de deux doigts, il dévoilerait des sous-vêtements qu’il connaît, des sous-vêtements qu’il a choisis. Pourtant, il ne fait rien. Danny se contente de continuer de glisser. J’ai la sensation qu’il éprouve mes nerfs, tout en s’imprégnant de mon odeur. Je tente de rester de marbre. C’est une chose qui l’excite de savoir que je me retiens.
« Mais je m’en fous. » Il me mord plus fort. Il me fait mal.
« Tu fais chier. » Je sens qu’il sourit contre ma nuque. Son sourire en coin. Son grand nez.
« Je sais. » Il est fier.
Ses mains remontent et se placent en coupe. Elles accueillent mes seins comme si leur place est là depuis toujours. Il les fait rebondir. Il est satisfait. Je crispe mes mains sur mes cuissardes, me mordant la lèvre inférieure. Ses doigts glissent le long de ma cuisse. L’intérieur. Il parvient au sous-vêtement noir et tente de décaler le tissu. Je le repousse en douceur, mais avec une certaine fermeté. Il bat en retraite, bien que déçu. Je vois avant qu’il ne se replace derrière son bureau, son érection fulgurante. Malgré un grand nez, Danny à un sexe de taille convenable. Il n’est pas très long. Mais je devine son épaisseur et je me retiens. Je veux garder mon excitation pour avoir la force de subir les entretiens de cet après-midi. La frustration sexuelle pour carburant.
« Hhhh…Mona. »« Je suis venue ici dans le seul but de te dire qu’aujourd’hui, tu auras ta réponse pour mon nouvel, ma nouvelle, assistant ou assistante. Ou ROBOT. Est-ce que ça te convient ? »« Ce qui m’aurait convenu… »« Ne dis rien. »« Mais ça fait longtemps Mona. Et tu as mis les sous-vêtements… »« Je sais. »Danny me fixe intensément, puis se tourne dans son siège. Je souris encore lorsque je sors du bureau, silencieuse sur la moquette, avant de claquer les talons sur le lino des bureaux. Je déteste ce lino.
Dans mon bureau, il y a du parquet. Il grince un peu par endroit, mais j’aime ce bruit. Et ainsi, personne ne peut me surprendre dans mon antre. La porte est vitrée, mais il y a des stores. Je préfère, au vu des activités que je pratique ici parfois. Bouquiner avec une luminosité à vous arracher la rétine, ce n’est pas…hum. Évidemment que je parle lecture depuis le début ! Voyons…
Je ne suis pas fan des bibelots, mais j’aime ce qui est ancien. Mon mobilier est en bois brut et mes sièges sont confortables. J’ai enfin fait changer les canapés et ils ressemblent à ces sièges de boudoir que possédaient les femmes à l’époque victorienne. Je crois que les deux petits fauteuils qui accompagnaient le canapé lors de l’achat, s’appellent des crapauds. Ou grenouilles. Gargouilles ? Bref. Tout est dans des tontes vert sombre et bois. Le tapis rond sur lequel reposent les fauteuils et la table à thé, est d’un vert tendre, en peluche, très doux. J’aime bien trop me promener pieds nus dans ces lieux.
Dans un coin, à côté de l’énorme bibliothèque qui prend tout un mur, à droite de l’entrée, il y a une petite porte qui donne sur une salle de bain. Petite, mais fonctionnelle. Comme moi. Toilette et cabinet de douche, lavabo. On y tient à trois, mais pas plus et seulement si on en met deux dans la douche. Fonctionnel plus que confortable, contrairement à mon lieu de travail. Mes chiottes, c’est le bureau de Danny.
En attendant mon dernier rendez-vous de la journée, je suis tentée de retirer mes bottes et me balader pieds nus.
« Lorsque les lèches-bottes s’en vont, on doit se laver les pieds. Jeter les bottes souillées. Quand les lèches-cul arrivent…il faut se laver le derrière et être prêt à se confesser. »Hahaha. Je ris seule dans le grand bureau. La luminosité à l’extérieur à baissée et mon rendez-vous ne devrait plus tardé. J’ai eu ma dose cet après-midi et personne ne fait l’affaire. Danny est passé plusieurs fois pour m’encourager ou voir si j’avais quelqu’un en vue. Exaspéré, il m’a menacée de choisir à ma place. J’ai mis mon dévolu sur un type. Plus excitant qu’intelligent. Mais il est mieux que cette fille AB-SO-LU-MENT FAN de ce que j’écris. Ses ongles trop longs. Et la manière qu’elle a eue de draguer Danny. Je ne suis pas jalouse, mais je n’aime pas que l’on gratte dans mon assiette quand je suis dans les environs. Danny le sait et il s’est retenu. Mais je sais qu’en sortant, il lui a pris son numéro. Je le sais. J’aurais fait pareil si elle n’avait pas été hétéro.
Les trois autres étaient des mecs. L’un d’eux m’a dragué de manière très lourde durant tout l’entretien, tandis qu’un autre semblait avoir un balais dans le cul. Le troisième n’était pas mieux. Il avait tout fait et tout vu. Il savait tout mieux que tout le monde et blablabla. Il a parlé modestie dans son cv. « En toute modestie, je suis…en toute modestie, je peux dire que je…en toute modestie… » son nom est modestie. Il est imbu de sa personne et si je le prends comme assistant, je l’encadre dans le mur avant la fin du mois. Du coup, il ne me restait que ce type. Pour rassurer les troupes. Et la fille qui doit venir ce soir.
Son dossier, je ne l’ai même pas lu. Il semblait léger dans l’enveloppe. Comme s’il n’y avait qu’une feuille. J’ai vu la photo de son profil et ça m’a suffi. On parle des patrons. Le droit de cuissage de ces gros porcs. On dit que les hommes ne s’attardent que sur le physique. Qu’ils n’ont pas assez de sensibilité pour…et moi, Mona Duval, j’ai craqué pour un corps. Un visage pâle et des cheveux sombres. J’ai craqué sur une fille que je veux dans mon lit avant d’avoir réfléchi si elle était faite pour le poste d’assistante ou non. J’ai réfléchi avec ma queue…du moins cette partie basse de mon corps.
Le bip du téléphone me détourne de la fenêtre. J’ai une jolie vue sur un parc que les japonais aiment visiter. Je les vois comme des petites fourmis qui déambulent. Lorsqu’il pleut un peu, comme aujourd’hui, ce sont des tâches de couleur que tous ces parapluies. Sous les noirs, il y a souvent des costards. Les décorés et originaux, tous les styles se pressent dessous. Couleurs ternes pour les timides qui seront quand même du genre à vous prêter leur parapluie ou profiter de la pluie pour se coller à vous sous cet abri de toile légère. Les pastels, les clairs, se sont les jeunes mamans. Les vieilles dames aiment les motifs. Les enfants les animaux. Les pauvres ont des parapluies de moins bonnes qualités ou abîmés. Tandis que les étudiants sans trop d’argent, ont ceux qui se plient face au vent.
Il fait presque nuit et les gens semblent être rentrés chez eux. J’essaie de leur imaginer une vie. Où est-ce que leurs pas les conduisent ? Est-ce qu’ils sont attendus ? Je fais souvent ça. Inventer des histoires aux personnages que je croise. Mes observations sont ma source d’inspiration. J’ai oublié le téléphone.
« Oui ? »« Mademoiselle Duval. Il y a votre rendez-vous qui vient d’arriver. »Sayako ne m’a jamais aimée. Elle me voit comme une petite métisse lubrique et sans aucune éducation. Elle déteste lorsque je fais les choux gras de la presse et déteste ce que j’écris. Son dégoût va jusqu’à tout ce que je représente en tant que femme écrivain. Pour elle, je devrais parler amour et encourager les jeunes filles à autre chose que l’onanisme. Heureusement, elle ne connait pas mon blog. Sinon, je vous assure qu’elle ne voudrait même pas travailler dans les mêmes locaux que moi. Je suis sa Némésis.
« Dites-lui de venir. »Pas même un bonsoir. Sayako déteste lorsque je ne réponds pas tout de suite au téléphone lorsqu’elle me bip. Elle ne supporte pas l’attente et pour elle, je devrais être scotchée à mon téléphone. Mais parfois je suis aux toilettes. Sous la douche. Je baise ou je suce. Je mange. Je dors. Je ne suis pas comme elle, les fesses rivées à mon siège de bureau, dans l’attente du prochain coup de fil ou du prochain rendez-vous. Elle hait que je sois un écrivain qui travaille avec son propre bureau. Pour elle, normalement, les écrivains sont chez eux. Ils travaillent devant leur ordinateur et ne viennent par ici que pour signer des contrats. Pas moi. Moi je pèse dans le game. J’ai droit à des privilèges, car mes livres se vendent bien. Danny est le fils du directeur et je couche avec lui. Je suis une petite arriviste il paraît. Une profiteuse.
« Bonsoir, entre seulement. Cela ne te dérange pas si on se tutoie ? » On a presque le même âge il me semble. Je lui tiens la porte, replaçant le col de ma robe pour que mes seins ne s’en échappent pas. J’ai l’impression que le bouton va craquer.
« Prends place où tu le sens. »Je lui désigne les sièges sur la moquette. Une petite table en bois sur lequel je dépose une boîte de petits macarons. Ils viennent de Paris, mais je ne le précise pas tandis que je demande à Sayako de nous apporter du café. Elle me dit qu’il est tard, que l’on devrait prendre du thé. Je lui dis cordialement d’aller se faire voir. Non. Ce n’est pas vrai. J’inspire lentement et je compte jusqu’à trois. La fesse en équilibre sur le bureau.
« Du café, Sayako s’il vous plaît. » Elle ne supporte pas que je l’appelle par son prénom. Je raccroche et lisse mes vêtements de deux mains, avant de rejoindre ma future potentielle employée.
« Si elle travaillait pour moi, je t’assure qu’elle serait partie depuis longtemps. »Je suis sérieuse, mais je le dis sur un ton doux. Je ne supporte pas le manque de respect. Je lui ai demandé gentiment et poliment du café et elle me parle comme à une adolescente capricieuse. Qu’elle aille au diable.
Avec un sourire, je m’installe en face de mon interlocutrice. Je croise les jambes, sans la quitter des yeux. Elle possède quelque chose d’indéfinissable. Ce n’est même pas la fille la plus belle que j’aie vu, mais son charisme à quelque chose de noble. Elle m’impressionne par sa posture. Lorsque la porte s’ouvre, Sayako vient poser les tasses et le plateau avec crème et sucre entre la jeune femme et moi. Elle ne nous regarde pas, ne fais que marmonner des politesses et sans réagir à mon « merci beaucoup », elle part, claquant légèrement la porte. Un silence suit, avant que je ne soupire.
« Pourquoi as-tu décidé de postuler ? » Je ne veux pas qu’elle se présente et je ne vais pas me présenter. Pas tout de suite. Je veux entendre sa réponse d’abord.
« Et est-ce que tu sais ce que va impliquer le poste d’assistante ? Tu as sûrement entendu parler de moi et de ma vie. Je suppose que tu sais que je ne suis pas facile à vivre. Un magazine m’a qualifiée de « petite salope effrontée et capricieuse ». Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer. A dire vrai, j’en ai beaucoup ri. Est-ce que tu te sens de travailler pour une salope ? »Je suis franche pour voir si elle est prête à travaille dans cette ambiance où le sexe est une activité dont on parle avec beaucoup de facilité par ici. Sauf Sayako. Danny est un manager libertin et la plupart des employés sont de milieu littéraire ouvert. Ils ne ressemblent pas au Japon qui fait fantasmer les européens.
Je décroise les jambes et les recroise. Lentement. Elle peut ainsi apercevoir, si elle regarde, la dentelles sombres de mon sous-vêtement. Je me penche pour mettre de la crème et du sucre dans mon café, le touillant lentement en écoutant ce qu’elle a à dire. Suivant où se dirigent ses yeux, j’aurai un premier indice sur ses préférences sexuelles.
Je me vois déjà avec une jolie assistante.
La fille qui a les cheveux très sombres.
La fille au regard de mystère.
J’espère qu’elle est faite pour ce poste.