À cet instant, qui pourrait croire que là, cachée derrière ce buisson, se tenait Calypso Wymfire, cette demoiselle pourtant encore pleine de manières il y a de ça quelques années, cette enfant vivante qui faisait la fierté de son père ? Qui pourrait croire qu'elle avait été pourtant élevée comme tout être humain bien aisé ? Humain...C'était bien là le problème aujourd'hui. Le sang qui restait dans ses veines n'avait plus rien à voir avec celui qui la faisait vivre jusqu'à ce fameux soir. La demoiselle était devenue jalouse de ce qui respirait normalement, de ceux qui vivaient normalement, qui vivaient tout court...Jalouse de ceux qui pouvaient ressentir la chaleur qui réconfortaient leurs corps, même de ce froid qui venait les engourdir...Toutes ces choses que la sang-froid n'avait plus droit. C'est la gorge serrée et ce goût amer qui venait lui râper le palais, que ces pensées venaient la hanter sans jamais lui laisser un quelconque répit.
À cet instant, qui pourrait croire que derrière cette bête apeurée, se cachait autant de souffrance ? Miss Wymfire avait, tant bien que mal, essayé de survivre dans ce monde qu'elle ne connaissait guère. La voici, recroquevillée derrière un buisson. Elle n'avait vraiment rien d'une humaine à ce moment-même, et d'un côté, c'était tout ce qu'il y a de plus normal. Le liquide de vie ne coulait plus dans ses veines, mais...La demoiselle tenait plus de l'animal, du fauve qui se crispait, prêt à bondir, à se défendre et protéger son repas. Son regard ne cessait de fixer cet intrus, ce trouble-fête qui venait gâcher sa pauvre collation, alors que celui-ci s'approchait de plus en plus d'elle sans vraiment la voir. Tout son être respirait la tension, son corps crispé sous ses haillons, clairement sur la défensive. Jusqu'à ce que...
Un craquement se fit entendre plus loin, faisant sursauter la jeune Calypso, bondissant sur le côté comme un chat qui prend peur, mains et pieds au sol. Et apparemment, ce bruit eut un tout autre effet sur l'autre individu. Celui-ci se mit à hurler, faisant bondir le cœur de la demoiselle dans sa poitrine, celui-là même qui le battait plus. Il restait là à crier sa peur pendant de longues secondes, un long moment douloureux pour la jeune femme, qui prit soin de protéger ses oreilles de ses mains. Qui diable est cet énergumène ? Déconcentrée, Calypso remarqua néanmoins que cet homme n'était pas réellement un inconnu. Ses longs crocs...Elle savait pertinemment ce que cela signifiait : un autre sang-froid. Quelle horreur. S'il y avait bien quelqu'un ou quelque chose que la vampire fuyait, c'était ses semblables. Ceux qui plantent leurs crocs dans le cou frais de leurs victimes, pour leur soutirer ce nectar ferreux...
Après ce moment interminable, un long silence perturba Calypso. Un nœud la prit à la gorge, tout comme à l'estomac, comme si elle se préparait au pire. Tout pouvait arriver, mais clairement, elle ne s'attendait pas à la suite. L'éphèbe se mit à rire, à gorge déployé. On aurait dit un enfant, quand Miss Wymfire le vit presque plié en deux, le doigt pointant vers elle. Est-ce que...Se moquerait-il d'elle ? Stupéfaite par ce rire incontrôlable dans un premier temps, elle prit son courage à deux mains pour lui faire face, sortant des buissons sur ses deux jambes, le regard mauvais.
« Pourquoi te moques-tu de moi ? Ça te fait sourire, un autre mort comme toi ? »
Une grimace déforma son visage, son sale mais si beau visage. Cette moquerie, elle ne la comprenait que trop bien. Ce n'était pas la première fois qu'un autre sang-froid se gausse face à son comportement des plus étranges, celui de ne pas survivre en buvant le sang pulsant la nuque d'humains ou de tout autre être pensant. Calypso avait déjà fait face à ce genre de grands et puissants vampires qui la rabaissaient de par son choix. Pour autant, elle se sentait réellement et profondément blessée...La solitude avait ce quelque chose de lourd, il est vrai, mais recevoir ce genre de piques, de méchancetés, cela ne l'avait pas manqué.
« Laisse-moi tranquille maintenant. »
Un soupir s'échappa lentement de ses lèvres, alors que son regard tombait à ses pieds. Le cadavre de son premier lièvre se trouvait devant l'inconnu. Sa chasse avait été perturbée par cette carcasse. C'était une très mauvaise décision de laisser ça ainsi. Alors, elle devait le faire disparaître. Très lentement, sans brusquer cet homme qui semblait presque...fou, elle s'approcha de lui, dans ses habits miteux, pieds nus, pour tenter de récupérer les restes de sa pauvre proie, afin de les cacher et ne plus refaire la même faute.