La vie d’un guerrier, qu’il soit un soldat tout à fait normal ou un affranchi révolté comme Lamnard, n’était pas une vie tranquille. Le vieux dicton, « qui vit par l’épée périt par l’épée », était une réalité on ne peut plus cruelle. Beaucoup d’histoires circulaient même sur des soldats ayant vu le bout de leur service, après de longues campagnes, rentrant chez eux travailler leur terre, seulement pour subir un accident fatal à cause d’une vieille blessure de guerre. La Mort était une compagne familière du guerrier. Dans la culture de l’ancien esclave, l’importance du combat et de la mort était primordiale, ce qui l’aidait à accueillir la mort de ses compagnons, comme la perspective de sa propre mort, avec un certain détachement mêlé de fatalisme.
Venir s’installer au Tapis Soyeux était une excellente idée pour faire passer l’amertume des idées noires et couper court à l’introspection. Kystrejfter comme Ingrid avaient bien mangé et bien bu. Le pirate célébrait le départ de son ami et le remède au risque de scorbut, un mal qui planait toujours au-dessus du marin aventureux, en se délectant avec appétit des divers délices que l’établissement offrait à sa clientèle. Il tendit sa coupe avec un sourire paisible quand la succube lui proposa un peu plus de vin, laissant le récipient se remplir avant de le porter à son nez. Les Zangabalis semblaient assaisonner leur vin de divers épices exotiques qui plaisaient au Nordique, comme elles préparaient son palais aux mets à leur disposition.
« J’ai perdu un ami et j’en ai trouvé un autre aujourd’hui ! », lança-t-il tout en se tournant dans les coussins mous et volumineux vers la belle jeune femme qui l’accompagnait. « A une belle femme et à une vraie guerrière ! Ingrid, tu m’as sans doute sauvé la vie ce soir, et tu peux me demander ce que tu veux. »
Tandis qu’il prononçait ces mots, avec une sincérité manifeste et presque touchante, il parvenait à trouver son assise en s’approchant d’elle, leurs corps se faisant proches et son bras libre traînant derrière elle sans pour autant la toucher. Sous l’effet de l’alcool et maintenant que l’action était passée, il prenait le temps d’admirer les arguments qui avaient poussé feu Athmar Phong à capturer cette jolie fleur pour lui seul, délicieusement mis en valeur par la robe avec laquelle elle avait choisi de fuir de la demeure de l’ignoble individu.