Un sifflement étrange passa entre les lèvres de la lapine. Clairement inhumain, il évoquait quelque-chose à mi-chemin entre le cri de joie contenu et le rire.
– Je l'aurais eu mauvaise que tu répondes (elle prit une voix plus aiguë encore, à la limite du supportable) : « oh oui, j'en ai déjà eu bien assez. Je vais collaborer, je vais être sympa avec dame Valentine et je vais produire tous les spectacles qu'elle veut et ce sans condition parce que je suis un gentil petit mage apprivoisé ». Bien sûr qu'il fallait que tu résistes.
Elle se rapprocha du chat, qui récupérait toujours du choc électrique. Lui aussi, elle lui caressa la tête, avec la même douceur malsaine.
– Ce bon vieux Tim, ce n'est pas quelqu'un de rationnel. Tu le sais, hein ? Toi, t'aurais eu une réponse différente, à sa place. Je m'en doute, je t'ai observé… tu prends
presque toujours les bonnes décisions. C'est un peu pour ça que t'es là. Tu vas pouvoir donner des conseils à ton ami… Enfin, quand tu pourras parler.
La lapine se leva. D'un pas sûr malgré la route, elle se dirigea vers le fond de la camionnette. Du peu que les prisonniers pouvaient voir, il leur sembla qu'elle s'attachait elle-même les mains à quelque-chose. Elle termina son introduction en s'adressant de nouveau au souriceau :
– Mais c'est bien. Déjà, rien besoin de t'expliquer.
Puis elle le parla plus du reste du voyage. En fait, elle ne bougea même plus du tout. Samba avait finit d'habiter ce corps, au moins pour le moment. S'ils voulaient discuter, les prisonniers étaient libres de le faire.
Les hybrides eurent même beaucoup de temps devant eux : après que la camionnette se fut arrêtée, on les laissa dans l'attente pendant de longues heures. Si la peur ne le rongeait pas, Tim pouvait dormir – sa position n'était pas agréable, mais elle ne lui faisait pas trop mal non-plus. En revanche, attaché comme il l'était, chaque membre étiré, le félin aurait beaucoup plus de difficultés à trouver le sommeil.
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* *
Finalement, la porte de la camionnette s'ouvrit. La lumière du jour les éblouit aussitôt (le soleil était à son zénith), si bien qu'ils ne purent que deviner la grande silhouette de Frevo qui se dessinait. Il portait un débardeur et un pantalon militaire. Il parut hésiter un instant sur la procédure à suivre. Puis il eut un petit geste des deux mains, pointant le ciel de ses index, signe qu'il avait trouvé une idée qui lui plaisait.
– Amis hybrides, je remercie vos créatrices de vous avoir fait des appendices si pratiques. Je dirais à Samba de pas vous les couper.
Le mercenaire mit aussitôt son astuce à exécution, saisissant les queues des deux prisonniers. Puis il les tira vers lui. Il avait assez de force pour les soulever en partie. Toutefois, alors qu'il les traînait, leur crâne et leurs épaules frottaient quand même sur le sol – pas trop durement d'abord, car il s'agissait d'une pelouse… Puis ils glissèrent sur un carrelage blanc.
Le décors n'avait en fait rien de spécialement sinistre. C'était une très jolie maison au cœur de ce qui semblait être une zone agricole. En tout cas il n'y avait que des champs à perte de vue. Frevo leur expliqua sans réserve :
– J'ai bien négocié. J'avais besoin d'un lieu, et j'ai obtenu ici. C'est une villa qui est habituellement louée aux cadres supérieurs de Tech13, quand ils prennent des vacances avec leur famille. Les veinards. On m'a dit de pas trop salir et de rien casser… alors je compte sur vous pour pas énerver Samba.
Le ton du ravisseur était celui d'un travailleur consciencieux et de bonne humeur, mais il n'était évidemment pas dénué d'ironie. Il les déposa finalement dans le salon. On avait poussé tous les meubles sur les côtés, il restait au milieu un grand espace libre.
Frevo sortit un cran d'arrêt et commença à découper les vêtements des prisonniers. Sa lame était précise, il n'entailla pas leur peau. Leurs liens furent changés, pour ce qui étaient des positions plus commodes : mains jointes à l'avant, chevilles toujours immobilisées. Vêtements et accessoires réduits en lambeaux furent jetés dans un coin de la pièce. Rigoureux, le mercenaire récupéra même le traceur qu'ils avaient placé sur Marty. Bref, en quelques minutes à peine, les hybrides furent mis à nus.
Le colosse resta plusieurs secondes à contempler la nudité des garçons. Il était visiblement en proie à un conflit intérieur.
– Ce serait idiot de ne pas en profiter. Vous ne pouvez pas vous défendre, et personne ne me le reprochera. Au contraire.
Il hésita entre le souriceau et le chat. Aucun ne lui faisait plus envie qu'un autre. Mais finalement, il se dit que ce serait plus facile avec Marty – aussi, comme il ne s'était pas encore fait dessus, il sentait un peu meilleur. Le mercenaire défit son propre pantalon. Il était entièrement imberbe. Puis il s'agenouilla et retourna l'hybride, plaqua une main sur la nuque du félin. Il lui colla la tête contre le sol. Il tira encore sur sa queue pour le forcer à relever les fesses.
Enfin il le pénétra, sans faire cas de ses protestations éventuelles. Le geste était simple, le coup de bassin puissant. L'anus du chat n'était pas préparé, ni adapté à la taille du membre qui s'introduisait en lui, frappant sa prostate, sa vessie, déformant son rectum. Il saigna, mais pas assez pour inquiéter l'homme. Le viol fut en fait assez long. Au bout de dix douloureuses minutes pendant lesquelles il n'émit presque aucun son, Frevo se retira. Il n'avait pas joui, et paraissait en réalité davantage lassé par la scène que sexuellement satisfait.
– Mh, eh bien voilà, fit-il d'un ton absolument quelconque, en remontant son pantalon.
Il marcha vers la sortie, livrant une dernière explication :
– Croyez pas que vous convaincre n'est pas dans mes cordes. Je pourrais le faire. Samba est juste… meilleur. Son cerveau, il fonctionne différemment. Il est capable de choses vraiment… inhumaines. Allez, bon courage.
Une nouvelle fois, les hybrides furent seuls.