Même si j'adorerai ne pouvoir me consacrer qu'à mes recherches ésotériques, ce n'est malheureusement pas possible. La magie coûte cher, la magie nécessite l'accès à des ressources et des informations qui sont souvent difficiles à obtenir. Voilà pourquoi il est naturel que les gens de ma profession cherchent à mettre leurs talents au service de gens qui en ont l'usage et surtout qui en ont les moyens. En d'autres terme : des puissants. Les capacités uniques que nous proposons, notre propension naturelle à la discrétion et notre absence de moralité sont de grands atouts. C'est un fait prouvé et historique. Les trônes derrière lesquels se trouvent un sorcier sont plus solides que les autres. Hommes de pouvoirs et occultistes sont faits pour s'entendre.
Les quelques premiers mois passés en ville ont été fructueux. Des gens commencent à me connaître et le bouche à oreille dans certains cercles a fait son chemin. Mon nom est arrivé à l'oreille d'un groupe d'hommes très influents et très secret. Un trône derrière lequel j'espère réussir à me glisser pour notre plus grand bien mutuel.
Des premiers contacts discrets ont eu lieu. Une première prestation a été convenue. La récompense promise est généreuse. Aujourd'hui, c'est donc en qualité "d'employée" que j'agis. Même si à la réflexion je peux plutôt être considérée comme une fournisseuse de denrées très rares. Mon objectif ? Fournir à ces messieurs drogues et jeunes victimes. Car oui, encore et toujours, voilà la préoccupation des puissants. Du sexe. Des sensations fortes. Des tabous à renverser. Jouir de l'impunité accordé par leur rang en franchissant toutes les limites morales possibles. Je pourrais dire qu'il est regrettable que mes immenses talents servent à des choses aussi triviales mais qui suis-je pour juger ? Chacun poursuit ses objectifs.
Au vu de ma rémunération, mon savoir est visiblement pris très au sérieux. Raison de plus pour me montrer satisfaite et faire preuve de professionnalisme. Première étape donc : Fournir la matière première. Trouver des jeunes femmes dont l'absence pendant quelques heures ne déclenchera pas trop de remous. Est-ce que l'idée de capturer et livrer mes semblables aux appétits les plus vils de mes employeurs me cause le moindre problème moral ? Pas une seconde. La seule importance est de faire les choses bien et discrètement. Même si mes employeurs ont assuré pouvoir gérer les éventuels problèmes, lié à la disparition de mes victimes, je veux prouver qu'en faisant appel à mes services, ils gagneraient en tranquillité.
Infiltrée dans le monde Lycéen de par ma couverture quotidienne, j'ai pu prendre le temps d'observer mes victimes potentielles. J'ai au bout du compte jeté mon dévolu sur des proies qui me paraissaient isolées et accessibles : Les filles du club d'Astronomie. Celles-ci on prévu ce soir une nuit d'observation des étoiles sur le toit du Lycée. Personne ne les attend donc avant au moins demain matin. Elles sont isolées, vulnérables et donc parfaites.
Je les trouve à l'endroit convenu en train de régler divers instruments d'observations stellaires. Trois filles : une grande blonde aux cheveux carrés (probablement teints) et à la silhouette sportive, une brune aux airs rêveurs qui porte des cheveux longs et une plus petite à lunettes, portant une paire de couettes. Sans doutes la plus jeune du lot. Emmitouflées dans des plaids, elles ont amené glaciaire, sacs de couchage, lampe torches et livres d'astronomie. Je m'avance vers elles d'un pas tranquille sans me cacher particulièrement.
- Bonsoir ! Je ne vous dérange pas ?
Des années de duperie m'ont appris à imiter à la perfection un sourire chaleureux et une voix engageante. Elles se retournent vers moi, interrogatives.
- Salut ! (La grande blonde sportive)
- Bonsoir ... (La brune rêveuse)
- Hello ! (La jeune à lunettes)
- T'es du club toi ? Qu'est-ce que tu fiches ici ??
Sourire convenu. J'ai bien sûr préparé ma réplique.
- Désolée de vous interrompre ! Je n'en ai pas pour longtemps. Les surveillants ont besoin que vous veniez signer une décharge pour occuper le toit.
Mon prétexte fait froncer des sourcils mais les trois finissent par approcher.
- Je pensais qu'on avait rempli toutes les autorisations pour l'école ...
- Il s'agit là de la surveillance de l'internat ... Ce sont deux entités à part. J'ai besoin de votre signature, toutes les trois.
C'est suffisamment plausible. Les trois s'approchent, se penchent au dessus du petit écritoire que je leur tend. Et pendant que leur attention se focalise sur mon faux formulaire, je lève la paume contenant une fine poudre argentée et je souffle doucement dessus. Les trois ont un mouvement de recul, toussent, se protègent les yeux.
- Ca pique !
- Mais qu'est ce que ?!
- Heyy !
Mais le mal est déjà fait. Je prononce une simple formule magique, et leur regard à toutes les trois changent. Leurs gestes s'interrompent et elles me regardent, calmes et interrogatives.
- Voilà ! Je vais vous demander de bien vouloir enfiler ces colliers et de me suivre maintenant, d'accord ? Des gens meurent d'impatience de vous rencontrer.
Dociles, charmées par ma magie, les trois membres du club d'astronomie se passent elle même un collier autour du cou. Une espèce de ras le cou noir gravé de fines runes argentées. Sitôt fermé, les deux extrémités de chaque collier semblent se souder. Je leur souris avec chaleur.
- Venez ! Vous allez vivre une grande soirée !
Et telle la flûtiste de hamelin, j'entraine mes trois petites souris à ma suite. Nous faisons un détour par les vestiaires où j'invite mes victimes à revêtir des tenues plus divertissantes pour mes employeurs. C'est une initiative personnelle, rien ne m'a été spécifié à ce sujet dan le contrat. Mais j'imagine que des survêtements de sport et les sweat à capuche n'ont rien de bien engageant ! Mieux vaut qu'elles portent ces petites jupes largement au dessus des genoux, ces paires de bas et ces débardeurs un tout petit plus révélateurs ainsi qu'un bien discret maquillage. Je demande ensuite aux trois filles de se recouvrir d'un grand manteau à capuche, histoire de ne pas attirer des attention indésirées une fois dehors.
Ce n'est qu'une fois prêtes que nous nous rendons jusqu'eu lieu de rendez-vous fixé. Les choses se passent sans encombres. L'itinéraire est prévu, calculé. Aucun passage devant la moindre caméra de surveillance.
Il s'agit d'un grand bâtiment entouré d'un parc, lui même ceinturé par un haut mur de pierre. Un endroit à la fois discret et luxueux, le siège d'un ancien consulat. A moitié tombé dans l'oubli mais visiblement encore entretenu. Nous passons par un petit portail arrière, laissé ouvert à notre attention. Les choses sont si faciles quand les proies sont dociles ... Sur le fronton de la villa, beaucoup de très belles voitures sont garées. Des berlines, des voitures de sport luxueuses et même une voiture de police. (Un détail qui me fait sourire). L'intérieur est éclairé et visiblement occupé.
Je mène notre petite bande jusqu'à la porte des dépendances à l'arrière. Le temps pour moi d'enfiler un masque vénitien noir, j'y frappe. Trois fois, comme convenu. Il n'y a plus qu'à attendre.
Même si ca ne sera pas moi la star de la soirée, j'ai tenu à me vêtir convenablement. Je porte une grande robe noire de soirée qui laisse mes épaules nues, de longs gants noires qui gainent mes bras. Je suis coiffée avec distinction. Même si je suis jeune et si j'entre dans un lieu de pure débauche débauche et de perversion, je reste avant tout une aristocrate et je tiens à ce que ca se voit. L'image que je renvoie est parfaite et maîtrisée.
C'est grâce à elle et avec un travail exécuté à la perfection que j'obtiendrai le respect de mes employeurs.
Un judas finit par s'ouvrir. Je m'annonce.
- Mademoiselle V. J'ai apporté ce qui était convenu.
Oui un pseudonyme. Les masques, les gens puissants souhaitant rester discrets. Il est naturel que l'anonymat soit conservé, même le mien. Même celui du "grand président" de cette assemblée, même si nos premières rencontres ce sont faites à visage découvert, sous nos couvertures civiles respectives. Nous feindrons pour cette soirée de ne pas nous connaître, ce sera mieux ainsi.