Dans les années 1980’s,
Crystal Lake Camp, un agréable camp de vacances dans les Rocheuses, avait fermé suite à un feu de forêt qui avait dévasté une bonne partie de la colonie, et provoqué la mort de plusieurs enfants. Il y avait eu, à l’époque, un procès, qui avait duré des années, plusieurs expertises. Le petit camp de vacances avait été fermé pendant des années suite à ce drame, mais, en définitive, après une longue saga judiciaire, l’incendie avait été décrété comme un évènement naturel, et le camp avait pu rouvrir. Après tout, il n’y avait plus aucun témoin datant de l’époque pour expliquer l’origine précise de cet incendie originel, mais il avait été à l’origine de beaucoup de racontars et de légendes, ce genre d’histoires qu’on se racontait au coin du feu pour se faire peur.
Suite à la réouverture, un lycée avait décidé d’y passer deux semaines. C’était un coin idéal, qui permettait autant de se reposer que de travailler. Une sorte de classe verte lycéenne s’organisant autour d’un chalet central. Une classe entière s’était rendue sur place, effectuant divers activités. Canyoning, escalade, tyrolienne, randonnée en forêt… L’idée était de mettre face à la nature de jeunes citadins, de leur montrer la beauté du monde naturelle, sa diversité, et aussi de parfaire leur éducation physique.
Crystal Lake Camp ayant été l’objet d’un procès pendant des années, il était réellement coupé du monde. Il n’y avait aucune antenne satellite, aucune borne WiFi, de sorte que les téléphones portables ne passaient pas. Il n’existait qu’une seule ligne téléphonique, ancestrale, qui permettait de parler avec le monde extérieur depuis le hall du chalet central.
Plus personne n’avait entendu parler de l’histoire tragique de la famille Voorhees, et les responsables du camp s’étaient bien gardés d’en parler au procès, dissimulant toutes les preuves de ce drame, ce drame qui, en réalité, avait été à l’origine de l’incendie. À l’époque des faits, le camp avait embauché une nouvelle cuisinière, Pamela Voorhees. Elle était venue avec son fils, un jeune enfant qui souffrait d’une paralysie faciale, Jason Voorhees. Quand le père de Jason, Elias, était revenu du Vietnam, et avait vu son fils, il avait refusé de le reconnaître. Ils avaient divorcé, et Pamela avait dû, non seulement se nourrir, mais aussi s’occuper de son enfant, dont la paralysie faciale, située sur le côté droit, lui donnait un air continuel de malade mental, puisqu’elle étirait ses lèvres vers l’arrière, dans un rictus sinistre de sourire. Un visage à vous foutre les jetons, tout simplement.
Jason était le souffre-douleur des gamins de la colonie, d’autant plus que tout le monde savait que sa femme avait été abandonnée par son mari. On l’accusait d’avoir forniqué avec des communistes, car c’était ce qu’Elias avait avancé pour pouvoir divorcer de sa femme, en affirmant que ce « monstre », qui était supposé être son fils, ne pouvait être, au vu de son visage hideux, que le fruit adultère d’un communiste et de sa femme. À l’ère du reaganisme, et dans une petite communauté WASP, Pamela avait été contrainte de déménager, mais sa malédiction l’avait toujours poursuivi… Jusqu’à ce jour fatidique où Jason avait été chahuté par d’autres garçons, sur un pont en bois surplombant un rapide avec une cascade. Ils avaient fini par le pousser, et son corps n’avait jamais été retrouvé.
Quand Pamela avait appris ça, toute sa frustration était ressortie. Elle avait massacré les colons, et déclenché un incendie. Pamela avait été tuée, et, après ce drame, les organisateurs du camp avaient maquillé ces histoires, prétextant un feu de forêt lié à une sécheresse momentanée. Les experts avaient été en ce sens, et l’histoire avait été étouffée par les autorités locales, qui avaient besoin des revenus provenant de
Crystal Lake Camp.
La réalité, c’est que Jason n’était pas mort. Il avait survécu à sa chute, et avait ensuite grandi dans la région comme un enfant-sauvage. N’étant pas bien cultivé à la base, mais très costaud, il n’avait jamais cherché à quitter la région, et s’était rendu dans le camp en feu. Il y avait eu de nombreux cadavres, que Jason avait récupéré, y compris le corps de sa mère. Elle avait été décapitée par l’une des colons, et Jason avait commis son premier meurtre sur cette femme. Elle était la seule survivante du massacre, une jeune femme répondant au nom d’Alice, que Jason avait neutralisé à l’aide d’un caillou, en l’attaquant dans le dos, alors qu’elle venait de tuer sa mère, la seule personne que Jason n’ait jamais aimé.
Le jeune homme avait amené le cadavre de sa mère dans une grotte, et avait créé une sorte d’autel, constitué de branches d’arbres, et d’ossements, avec la tête de sa mère dessus. Même aujourd’hui, il priait devant tous les jours. Jaosn avait ensuite récupéré les cadavres qui n’avaient pas été carbonisés, et, quand la police était venue, ainsi que les autres, il était prudemment resté à l’abri, encore trop jeune pour protéger son territoire. Pour se nourrir, il avait mangé les cadavres, et avait ensuite appris à chasser, et à vivre dans la forêt.
Et, aujourd’hui, bien des années après, il avait vu la colonie approcher. Mais, contrairement à jadis, Jason était maintenant entraîné. Il était prudent, sage, et avait vu ces étrangers entrer dans
son territoire. La tête de sa mère, qui n’était maintenant plus qu’un crâne décrépi, ornait toujours sa grotte, et il avait commencé à chasser. Les premiers étaient tombés dans les pièges qu’il avait placé dans la forêt pour débusquer des lapins. Il avait dû les tuer rapidement, et avait à chaque fois ramené les cadavres chez lui. Jason aimait bien la viande de lapin, mais il aimait encore plus la viande d’humain.
«
C’est bien, Jason, ne les laisse pas s’emparer de notre territoire. Ou ils te feront souffrir, comme ils l’ont fait jadis. »
Même morte, sa mère veillait toujours sur lui. C’était grâce à elle qu’il avait pu survivre, qu’il avait pu piéger les humains. Il lui arrivait parfois d’en capturer, des chasseurs isolés, des touristes ou des alpinistes à la recherche de sensations fortes. Mais là, c’était un véritable festin, aussi excitant que dangereux.
«
Si tu les laisses faire, ils vont nous repérer, ils te traqueront, et ils te tueront, comme jadis. »
Jason écoutait soigneusement ce que sa mère lui disait. Elle était intelligente, elle savait ce qui était bon pour lui. Il savait qu’il ne devait jamais retirer son masque de hockey. Jamais, jamais. Même quand il était petit, il portait toujours un masque sur son visage, et c’était d’ailleurs les autres qui lui avaient forcé à le retirer, se moquant de lui en voyant sa paralysie musculaire.
«
Tu ne dois jamais le retirer ! JAMAIS ! Ne les laisse pas voir ton visage, Jason, ne les laisse pas voir le MONSTRE que tu es ! Tu ne vois pas la merde dans laquelle tu me fous ? Je t'ai donné, sale merde, et c'est comme ça que tu remercies ta Mère ? Quand me montreras-tu donc le RESPECT auquel j'ai droit ? J'ai tout sacrifié pour toi, TOUT ! »
Sa mère l’avait battu jadis. Pour son bien. Parce qu’il était idiot, faible. Qu’il avait montré son visage une fois à la belle Candy, à la maternelle, et, alors qu’il voulait juste la faire rire en lui faisant une grimace, elle avait hurlé comme une folle, les yeux écarquillés par la peur. Même aujourd’hui, Jason se rappelait encore du visage de Candy quand elle l’avait vu, voyant en lui un monstre. Et sa mère l’avait sévèrement puni le soir. Elle le battait régulièrement, avec un bout de bois tranchant, ou en écrasant sur son dos ses mégots de cigarettes. Mais tout ça l’avait endurci, il avait compris que son visage était monstrueux, et qu’il devait donc porter ce masque de hockey, afin de le protéger.
Ce soir, c’était son grand soir. Il avait été prudent, comme sa mère le lui avait enseigné. Il avait saboté le moteur du bus, et coupé la ligne téléphonique, les isolant, et avait mis des pièges partout. Ses ennemis savaient qu’ils étaient attaqués, mais lui ne faisait que se défendre. Et ils n’étaient pas très malins. Il les avait piégés, usant des techniques de sa mère. Par exemple, il avait attaché à la porte du chalet l’un des cadavres, le pendant, avec la moitié de la tête en moins. Ils s’étaient regroupés dans le chalet juste avant ça, puis avaient finalement fui, se dispersant dans la forêt.
Implacablement, il les traquait, les tuant rapidement, récupérant ensuite les cadavres pour les conduire dans sa grotte. Et, maintenant, il n’en restait plus que deux. Un homme et une femme. Un couple. En les observant, en les étudiant, Jason avait vu des choses étonnantes.
Il avait vu ce couple faire des choses étranges dans leur lit, et, surtout, en tuant des adolescents dans une tente isolée, avait fouillé leurs affaires, à la recherche d’outils utiles, et avait vu un étrange magazine. Il l’avait emmené avec lui, et, à sa grande surprise, sa mère avait été silencieuse. Mais, en regardant les images, il avait senti une raideur à hauteur de son sexe, la même qu’il ressentait quand il traquait ses proies, mais plus forte encore… Et il avait aussi ressenti cette troublante raideur en voyant ce couple se faire l’amour, ce qui lui avait rappelé les réveils qu’il faisait, où, de plus en plus fréquemment, son sexe était dur, et douloureux. Il le calmait alors en le massant fortement avec sa main, provoquant en lui quantité de frissons agréables, jusqu’à ce qu’il crache un liquide blanc. Perturbé, Jason ne savait pas ce que ça voulait dire. Pour lui, le sexe était une grande inconnue.
Mais cette femme qu’il avait vu… Elle était particulière. Son physique lui rappelait celui de sa mère, tel qu’il se l’imaginait. Et, alors qu’il envisageait de tuer tous les autres, même les autres filles, elle… Quand il pensait à elle, son sexe lui faisait mal, plus mal que jamais, et, là, sous la pale clarté de la lune, alors qu’il traquait le duo, et qu’il savait qu’ils allaient tomber dans l’un de ses pièges, son sexe lui faisait plus mal que jamais.
Tout ça était mystérieux, mais, du coup, il ne pensait pas tuer cette femme… Car il avait envie de faire ce qu’il avait vu dans le livre, ou à travers la fenêtre.
Alors, il les pistait, excité, sa machette sanguinolente à la main, de multiples traces de sang sur le corps. Pas le sien, évidemment, mais, en une nuit, il avait dû tuer plus de quinze personnes, de sorte qu’il y avait quand même du sang un peu partout sur son corps…