Timmy Misori avait toutes les raisons du monde d’être nerveux. Aujourd’hui, dans l’amphithéâtre du lycée, il s’apprêtait à recevoir sa récompense spéciale. Une récompense particulière, qui avait été instaurée très spécialement pour ce lycée, afin d’encourager les élèves à mieux réussir leurs études. Le lycée affichait en effet un taux de réussite catastrophique au
test Senta, ce fameux test préparatoire qui était une valeur cardinale pour permettre aux universités d’accepter tel ou tel candidature. C’était l’équivalent du Bac au Japon, un système rigoureux, fondé sur un principe de concours. Or, le lycée Kazuwa était l’un des plus mauvais établissements secondaires du Japon, à tel point que le rectorat envisageait sa fermeture.
Pour résoudre le problème, le conseil d’administration du lycée avait, il y a quelques années, décidé une mesure atypique, en organisant une concertation avec les associations de parents d’élèves, associations qui n’ont rien à voir avec leurs homologues occidentaux, puisqu’elles placent la réussite de leurs bambins au-dessus de toute autre prérogative. Elles ont donc approuvé l’initiative de ce lycée, très originale, illégale sous bien des aspects, mais de plus en plus encouragée. Après tout, le Japon était un pays en perte de vitesse, s’essoufflant face à la concurrence chinoise, et qui devait retrouver un nouvel élan, tant pour lutter contre l’abâtardissement de sa population, que contre le taux de procréation en forte baisse.
Ce système était officiellement une forme de tutorat visant à aider les élèves les plus mauvais, en les mettant sous le tutorat d’élèves plus talentueux. Concrètement, les dix élèves ayant les meilleurs résultats du lycée formaient les dix ayant eu les résultats les plus médiocres. Simple en apparence… Mais, dans les faits, cette formation était vraiment « totale », car elle allait au-delà de simples heures de formation. Le tuteur pouvait former son élève quand bon lui semblait, et notamment l’accueillir chez lui. L’élève à former devait en effet, selon le règlement, «
se mettre à la disposition complète, sous peine d’exclusion, du tuteur ».
En réalité, ce système était bien plus qu’un simple tutorat, mais une véritable mise sous tutelle, car le tuteur pouvait faire tout ce qu’il voulait. L’idée n’était pas tant de former les dix rebuts que de les humilier, et ainsi de montrer aux autres élèves ce qui arrivait à ceux qui échouaient. Dans un pays comme le Japon, où l’honneur était une valeur très importante, c’était un système qui avait fait ses preuves, car les tuteurs n’hésitaient pas à humilier cruellement les élèves tombant sous leur coupe.
*
Et c’est sur moi que ça tombe…*
Timmy était l’héritier d’une famille de riches propriétaires terriens qui disposaient d’une fortune considérable, grâce à de multiples résidences ici et là, leur procurant d’importants revenus. Le jeune Timmy était, de fait, un nanti, mais n’avait jamais été très arrogant. C’était même
tout l’inverse ! Timmy était incroyablement timide, une timidité maladive dont il n’avait jamais pu se défaire.
Seulement, non content d’être riche, Timmy était aussi très intelligent, un génie, dévoué, qui misait dans ses études pour outrepasser sa peur maladive des filles, et ses frustrations sexuelles. Car frustré, Timmy l’était, au point d’avoir des magazines pornographiques dans son casier, et même de s’adonner à ce plaisir, typiquement japonais, de collectionner les petites culottes, et de les enfiler. Aujourd’hui, sous son uniforme, il portait d’ailleurs une belle culotte rose à pois.
Étant le premier élève au classement, c’est à lui qu’incombait le premier choix.
«
Ces dix personnes sont la honte de notre communauté ! expliquait le Proviseur à l’ensemble des élèves, tous réunis ici.
Des cancres qui participent à l’avilissement de la société, à l’effondrement de nos valeurs, de notre civilisation ! Des gens qui préfèrent s’amuser et dormir plutôt que travailler et étudier ! Des gens qui, en réalité, ne sont pas capables de s’assumer eux-mêmes. »
Le Proviseur sortait son habituelle rengaine devant les dix élèves, prostrés devant l’estrade. Nerveux, Timmy attendait encore. Parmi eux, il y avait notamment
Koï, une camarade qu’il connaissait depuis l’enfance, et dont il ne s’expliquait pas la dégringolade, tant elle était talentueuse.
*
Mais je ne peux pas y arriver, je ne pourrais jamais choisir…*
Il ne voulait vraiment pas de ça, mais il n’avait pas le choix ! Ce système expérimental rencontrait un tel succès qu’il était, peu à peu, en train de se développer.
«
Misori-san ! C’est à vous ! -
Ohlàlà… »
Le jeune home déglutit nerveusement, et s’avança ensuite, quittant le couloir pour atterrir à gauche de l’estrade, devant un petit escalier permettant de la rejoindre, et commença à grimper, observant les dix élèves agenouillés devant lui…