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Richard soupira, son souffle formant une buée froide et opaque devant ses lèvres entrouvertes en un rictus peu joyeux. L’homme aux cheveux bruns portait un regard où se dépeignait le désespoir et la culpabilité à mesure qu’il conduisait sur la route rocailleuse menant à l’asile de Redwood. La piste montagneuse était occultée par une épaisse et inquiétante brume, rappelant quelques ambiances de vieux films d’horreurs où les miasmes de quelques lugubres cimetières cachaient des êtres de cauchemars assoiffés de sang qui surgissaient en hurlant entre deux éclairs tonitruant. Même les arbres n’échappaient pas au décor sordide. À les voir, une imagination un peu trop poussée les auraient confondus avec des silhouettes torturées, tendant des bras noueux aux griffes crochues pour happer le malheureux qui aurait l’imprudence ou la folie de passer trop près.
Un spectacle peu accueillant en somme, mais Richard savait que ce n’était rien comparé à ce qu’il allait devoir voir. Ou plutôt, revoir. À cette idée, un frémissement le parcourut.
Le son des roues crissant sur les cailloux qui jonchaient le sol rappelait curieusement à Richard les descriptions que l’on racontait au sujet du Purgatoire. Par ailleurs, c’était l’unique bruit qui se faisait entendre, les lieux étant étouffés par un silence de mort peu avenant.
Quelques minutes plus tard, les phares illuminèrent enfin l’entrée de l’asile, un vieux grillage noir qui aurait servit à merveille comme décor pour la demeure d’un comte vampire. À son approche, la porte s’ouvrit, lui livrant le passage vers la cour centrale, avec ses jardins et sa fontaine qui trônait fièrement au centre. Un petit côté féerique dans ce paysage morbide.
L’homme sortit de sa voiture et frissonna. L’air était encore plus froid qu’à l’intérieur, et il eut le réflexe primaire et instinctif de se frotter les mains pour générer de la chaleur. D’un pas rapide, l’homme aux cheveux bruns rejoignit la grande porte de bois vernie qui menait à l’intérieur de l’édifice imposant. Par trois fois, il frappa. Un silence lui répondit, suivit d’un bruit électrique, une sorte de bip agaçant comme le bourdonnement d’une guêpe.
La porte s’ouvrit alors, et Richard rencontra deux agents de sécurité. Des armoires à glace à la mine patibulaire et au regard moqueur. Des brutes épaisses que l’on qualifierait volontiers de gorilles tellement ils ressemblaient à ces primates poilus.
« Ah, Mr. Nixon. On vous attendait. »« Il y a le docteur Allan qui vous attend depuis un moment. C’est très urgent selon lui. »« Vous devriez aller vite voir ce que c’est. Le Doc n’aime pas attendre, vous le savez. »Richard porta son regard vers chacun des mastodontes humains qui lui parlaient de leurs voix bourrus, et se contenta d’hocher rapidement la tête avant d’aller au pas de course vers l’ascenseur central, ignorant le décor de luxe qui l’entourait. Ces meubles raffinés, ces lustres splendides, ces peintures dignes d’un musée … il avait apprit depuis longtemps que tout ceci n’était qu’une peinture d’or censée cacher toute la décadence et la pourriture qui rongeait le cœur de cet endroit.
Il entra dans l’ascenseur métallique et appuya rapidement sur le bouton menant au rez-de-chaussée. Cela dit, il appuya aussi sur une série de six numéros, le code qui lui permettrait d’aller
plus loin.
La descente débuta alors, une longue descente à mesure que les étages souterrains défilaient, atteignant des niveaux inattendus pour le commun des civils. Il fallait savoir que l’asile cachait un complexe scientifique sous-terrain digne des vieux films d’espions dans la guerre froide.
L’ascenseur s’arrêta puis s’ouvrit lentement, découvrant un couloir entièrement peint en blanc, cette couleur si pauvre en vie , si vide. Un agent de sécurité était disposé prés d’une porte, et il hocha la tête en guise de salut pour Richard avant d’ouvrir cette dernière. L’homme suivit une série de couloirs et de bifurcations labyrinthiques, passant à côté de salles closes où, des fois, on entendait quelques hurlements à vous faire glacer l’échine.
Un bon quart d’heure plus tard, il pénétra dans une grande salle circulaire, ressemblant à un large dôme. Des machines se trouvaient au centre d’un vaste cercle de verre blindé, et tout autour nombre d’ordinateurs et autres appareils encerclaient le verre, sur lequel s’affairaient plusieurs personnes dans une frénésie digne d’une fourmilière.
Parmi eux, le docteur Allan regardait d’un air fort intéressé quelque chose derrière sa couche protectrice de verre. Richard s’approcha de l’homme. Il portait une tenue scientifique recouvrant tout son corps à l’exception de son visage, où les rides démontraient un âge fort avancé. Le docteur sourit avant d’inviter Richard à s’approcher d’un ordinateur à proximité.
« Enfin Richard, on attendait plus que vous. Vite mon ami, nous avons un énorme souci. L’un des tubes d’alimentation relié au patient 32 ne marche plus, et les ingénieurs n’y peuvent rien. Je suis sûr que vous avez la solution, mais dépêchez-vous, sinon on va le perdre. »Nixon prit place devant l’ordinateur et se mit aussitôt à taper une série de commandes sur le terminal de l’ordinateur. Brusquement, une vidéo s’afficha sur le coin de l’écran, révélant ledit patient dans sa bulle protectrice. Le spectacle était épouvantable.
Un homme nu, les yeux fous et le corps recouvert de tuyaux enfoncés dans ses orifices. Le pauvre dément était secoué de violents spasmes à mesure qu’il tentait de se libérer de sa position fœtale si abominable. Richard afficha une expression où horreur et dégoût se mêlaient, mais il fut coupé de sa contemplation horrifiée par la main du docteur contre son épaule.
« Un problème, Richard ? »« N .. Non, Monsieur. J’arrange cela sur le champ. »Reprenant son calme, il exécuta encore quelques commandes, trouva la source du problème et la régla en moins d’une minute. Le terminal lui indiqua que tout était correct, et derrière lui le docteur poussa un rire satisfait.
« Félicitations Richard. Une fois de plus vous nous prouvez votre utilité. Nous sommes fiers de vous avoir parmi nous. »Richard ne répondit pas sur l’instant, son regard braqué vers la vidéo où l’homme avait reprit un état de léthargie.
« Merci … »