Une ruelle sombre, bien trop sombre. Les lampadaires avaient été délibérément tous brisés. Mon oreillette en place, mon micro à la main, j’avais avancé prudemment en murmurant à cette petite boîte métallique tout ce que je voyais ou entendais d’anormal. À commencer par cette voiture qui n’avait pas la moindre raison d’allumer ses phares à mon approche.
Alors là agent 555, j’aimerais bien que vous soyez là pour voir ça, parce que j’ai Choupette en face de moi.
Choupette ? Vous voulez dire la bagnole dans les films ?
Yep. Elle ne se ressemble pas, c’est une Ford de ce que j’en vois, mais ses phares viennent de s’allumer, et il n’y a personne à l’intérieur.
En effet il n’y avait personne, en tout cas de là où j’étais. Je n’osais pas trop m’approcher de peur qu’elle m’attaque ou je ne sais quoi. On ne sait jamais, avec une voiture qui allume toute seule ses phares quand vous passez près d’elle…
Écoutez, agent 42. Choupette ou pas, cette voiture vous a repérée, vous feriez mieux de la surveiller.
Je me permets de ne pas suivre votre conseil et de me focaliser sur ma cible, très cher. Bon, à plus tard, j’ai pas envie de me faire prendre parce que je suis trop bavarde.
Bonne chance. Je reste sur écoute.
J’espère bien !
Je remis le boîtier dans ma poche et repris ma marche, restant prudemment à l’écart de Choupette 2. C’est là que je vis ma cible, et je pris soin de rester très discrète. Peut-être ne savait-il pas encore où j’étais. La voiture m’avait certes détectée, mais elle ne disposait sûrement pas d’un système télépathique. Euh… Une caméra rotative, par contre, c’était très possible… Quoiqu’il en soit, je restai parfaitement immobile, assise sur un bout de muret, observant comme si de rien n’était le travailleur de l’espace.
Justement, ce dernier savait que j’’étais là. Il releva la tête, mais visiblement il ne connaissait pas ma position exacte, et tant mieux parce qu’à si peu de distance il pouvait certainement filer avant que je n’aie eu le temps de le rejoindre. Toutefois, il agit comme si de rien n’était et alluma une télévision pour regarder… Tiens, Retour vers le Futur. Chouette film.
On avait l’air malins, tous les deux, à faire comme si tout était parfaitement normal ! Quelle belle paire d’idiots, vu de l’extérieur… Cette situation dura bien cinq minutes, puis j’en eus assez. Je me levai et me dirigeai vers Ludya.
Excellent choix de film. Oh, pardon si je dérange ! Bonsoir, y a-t-il moyen de discuter un peu ? Juste discuter, promis.
Un pari risqué mais qui pouvait valoir le coup s’il jouait le jeu…
Bon sang, mais on peut savoir ce que vous foutez, là ?! s’étrangla la voix d’Hiro dans mon oreille.
Je ne pouvais pas me permettre de lui répondre, aussi me contentai-je d’un sourire amical à Ludya, en croisant les doigts pour qu’il attende un peu avant d’essayer de me désintégrer ou whatever.