C’était un désert rocailleux, austère, où aucune végétation ne semblait pousser. Si l’activité humaine n’avait pas décidé d’y installer une base rebelle secrète, cette planète n’aurait jamais attiré le regard... Et, pourtant, son sol avait accueilli les pas du plus grand des guerriers. Il se tenait là, silhouette noire silencieuse, dont la cape flottait dans le vent, s’extirpant de la carcasse de son vaisseau, fixant silencieusement le ciel, sans bouger. Il les voyait approcher... Trois Y-Wings, les chasseurs-bombardiers de l’Alliance rebelle, puis de la République. Leurs terribles bombes ébranlaient les boucliers des destroyers impériaux, et leur cible n’était autre que cet homme échoué. Pour autant, et malgré la menace mortelle qui s’approchait, il se contentait de les regarder, ne cherchant guère à se cacher, ou encore à se rendre.
Le sol avait alors vibré autour de lui, tandis qu’il levait les mains. Comme si plusieurs séismes miniatures l’entouraient, le sol se fractura autour de lui, puis des blocs de pierre s’envolèrent. Les Y-wings se rapprochaient, prêts à tirer, que ce soit avec leurs lasers, ou leurs bombes. Un seul tir, et ils ne feraient qu’une poussière de leur adversaire. Les rochers amassés par l’homme s’envolèrent alors, comme des balles géantes, et frappèrent les vaisseaux, provoquant de terrifiantes explosions dans le ciel, les débris calcinés des chasseurs tombant, au milieu des hurlements de douleur probables des pilotes, même si l’enregistrement vidéo ne permettait pas de voir ça.
Puis la silhouette se mit à marcher. Même de dos, il était impossible de se tromper sur l’identité de cet être.«
Nous pouvons vous fournir l’Héritage de Vador, si vous nous aidez sur cette mission. »
L’Héritage de Vador... Le terme pompeux aurait pu la faire rire. Même plus d’un siècle après sa mort, le nom de Dark Vador faisait encore frémir d’un bout à l’autre de la Galaxie. L’invincible guerrier, réputé pour être le plus puissant des Sith n’ayant jamais existé, au-delà même de Dark Bane, était bien évidemment un individu dont la Twi’lek avait entendu parler. Lui et Sidious avaient réussi l’impensable : vaincre et éradiquer l’Ordre Jedi. Après leur purge, et les multiples traques menées par le Sith à l’armure noire, les Jedi survivants ne se comptaient plus que sur les doigts d’une seule main, eux qui, jadis, avaient été des milliers. Malgré le fait que son corps soit en grande partie métallique, la Force avait toujours été très forte chez Vador.
Sa biographie attestait que, après son échec à Yavin IV, et la destruction de l’Étoile Noire, l’Empereur l’avait mis en probation, afin de voir si Vador méritait toujours d’être son bras droit. Dark Vador avait alors lancé ses drones et ses hommes à la recherche des rebelles, ce qui l’avait amené sur une base rebelle, sur une planète abandonnée. Il s’était retrouvé, seul, face à une armée de Rebelles, et les avait massacré. Talon ignorait si cette partie de l’histoire était véridique ou légendaire, car l’Empire Galactique avait longtemps joué sur la propagande impériale, amplifiant les talents de Vador. L’homme en costume et à la peau bleue devant elle espérait sans aucun doute pouvoir convaincre Talon de les aider en lui proposant ce qu’il appelait «
Héritage de Vador », soit un ensemble de vidéos récupérés, et qui permettaient de clarifier certaines parties méconnues de sa biographie.
«
Cet enregistrement a été récupéré sur les débris du chasseur TIE que Vador pilotait. Nous avons également recoupé nos informations avec les carcasses des X-wings qui dérivaient dans l’espace. Les boîtes noires sont difficiles à exploiter, mais je vous garantis leur authenticité. -
Et que voulez-vous que je fasse de vos vidéos ? Les diffuser sur l’HoloNet ? -
Et bien... Euh... Ce sont des éléments appartenant à votre passé. Je... Pardonnez-moi, Madame, mais, si mes informations sont bonnes – et elles sont toujours bonnes, vous êtes une Sith... Et Vador... Enfin, je ne sais pas, moi, il est comme le Christ pour les Terriens. »
Talon ne connaissait pas ce Christ, mais elle saisissait l’allusion.
«
Je veux dire... Vous pourriez retrouver la merde ce Vador, faire croire qu’elle a des pouvoirs magiques, et la vendre à de vieux collectionneurs tarés qui sont shootés à l’oxygène pur de leur station spatiale pour des millions de crédits. Ce que nous vous proposons, Madame, ça vaut... Merde, je ne pourrais même pas vous dire combien ça vaut ! »
L’Héritage était leur argent. Une compilation vidéo que Talon, effectivement, pourrait revendre à des historiens... Si tant est que ça lui intéressait. Contrairement à ce que l’homme, elle, l’héritage sith, elle en avait, sincèrement, un peu rien à foutre. Dark Vador était pour elle un robot du passé, une relique qui avait échoué, comme l’Empereur, comme Bane, comme Tenebrae... Ou encore, plus récemment, comme Dark Krayt. Krayt, qui avait détruit l’héritage sith, comme la Règle des Deux, au profit de sa nouvelle conception du pouvoir, le Sith Unique. Elle avait été son esclave pendant des décennies avant de se libérer de son emprise, et de voyager de ses propres ailes.
Elle avait été en repos à la Base Spatiale, après une mission d’exploration contre les Formiens, quand un homme l’avait contacté. Il était l’actionnaire principal d’une société-écran gérée par le Cartel Khan. Le Cartel Khan avait pour société centrale le
Concordance Extraction Corporation, ou CEC. C’était une société spatiale minière spécialisée dans la récolte minière de planètes mortes, grâce à des vaisseaux « brise-surface » capables de briser des mondes. Ces vaisseaux balançaient dans les profondeurs de planètes des bombes puissantes et grâce à une méthode brevetée et inventée par l’un des fondateurs du Clan, Hideki Ishimura. Talon avait fait ses devoirs.
«
Nous souhaitons que vous assureriez la sécurité d’une de nos récentes prises dans une planète tellurique morte... Une extraction dont les détails sont classifiés. Nous devons la faire convoyer dans l’un de nos vaisseaux, l’Uramettria, jusqu’à l’un de nos centres de recherche.-
Rien que ça ? »
Les services d’une Sith n’étaient pas gratuites, et, si le Clan était prêt à lui offrir leur compilation vidéo, c’est qu’il y avait, quelque part, anguille sous roche.
«
Notre base est dans un endroit dangereux du cosmos, envahi par un Ork... Nobosso. Ce gros tas est récent devenu le Big Boss d’une Horde d’Orks, et a choisi de s’implanter dans ce secteur. »
L’homme évitait sagement de dire que Nobosso devait surtout chercher cette base, et que, si le Clan n’avait pas fait appel aux services légaux ayant leurs succursales dans la Base Spatiale pour les chasser, c’était très certainement parce que des activités illégales devaient s’y dérouler.
«
Que des Orks ? Et vous engageriez une Sith juste pour des Orks ?-
Et bien, c’est un élément dont il nous faut tenir compte. Pour le reste... La cargaison a une forte valeur marchande probable, et nous pensons donc que des concurrents pourraient tenter d’utiliser des manœuvres commerciales... Agressives... Pour la récupérer.-
Comme arraisonner votre tas de ferraille, et massacrer tout l’équipage ?-
C’est une possibilité que nous n’excluons pas. »
Il lui cachait des choses... Comme le détail de cette cargaison.
«
On ne cherche pas à vous rouler. Vous êtes une Sith, vous avez travaillé pour Dark Krayt, et nous savons que vous êtes douée. Le Clan vous propose l’Héritage de Vador en titre de paiement, et nous connaissons des collectionneurs susceptibles de l’acheter. Nous avons déjà mis cette collection en vente sur l’HoloNet. Une mise aux enchères. Nous espérons pouvoir la vendre à plusieurs milliards de crédits... C’est Vador, quoi ! »
Elle avait hésité. Talon devait sa survie grâce à sa méfiance, et elle savait que cette mission
puait. Elle sentait le piège à plein nez.
Mais elle avait accepté.
L’insistance de l’Administrateur à vouloir se serrer Talon, alors qu’elle méditait, amena cette dernière, après la menace d’une attaque d’Orks, à réagir comme elle l’entendait.
Quand Lobb partit, Talon regarda Lak’aar Krii, et ce dernier se mit à déglutir sur place, en sentant l’air lui manquer. Il se mit à cligner des yeux, en portant les mains à son cou. Elle était en train de l’asphyxier, et elle le laissa encore gémir, suffoquant, jusqu’à ce qu’il sente des points noirs danser devant ses yeux. Tout son corps semblait convulser, alors que l’oxygène continuait cruellement à lui manquer. Il tentait d’articuler, sa bouche remuant sporadiquement, comme les lèvres d’un petit poisson qui aurait été privé d’eau en échouant sur la plage.
Talon finit par le relâcher, et l’homme s’écroula sur le sol, tellement épuisé que ses jambes n’arrivaient même plus à le porter.
«
Ma mission est de protéger cette marchandise, Administrateur. Pas d’assurer votre survie. Confondez-moi encore une fois avec l’une de vos esclaves, et je ne serai pas aussi gentille. »
Elle se retourna alors en sentant des perturbations dans la Force, et vit, depuis la baie vitrée de la pièce dans laquelle elle méditait avant d’être dérangée, plusieurs vaisseaux orks débarquer. Comme tout ce que les Orks faisaient, ils étaient d’une laideur repoussante. L’
Uramettria disposait de quelques chasseurs individuels, et Talon se retourna.
«
Je réquisitionne l’un de vos chasseurs. -
Q... Quoi ? Vous... Vous êtes folle ! Nous n’avons pas assez de vaisseaux contre eux ! -
Vous oubliez un point fondamental, Administrateur. »
Même la Sith ne pourrait pas empêcher cette flotte d’arraisonner le vaisseau, mais elle pourrait au moins en réduire un peu le nombre. Elle ouvrit la porte, avant de filer, en laissant planer ses derniers mots dans la pièce :
«
J’ai la Force avec moi. »