Promenade en forêt [PV]

Cette partie de la forêt qui bordait la périphérie Est de la ville était vraiment agréable, surtout en cette période de l'année. L'air chaud et doux donnait envie de se balader dans les bois clairs où perçaient de jolis rais de lumière qui traversaient le faît des arbres aux troncs moussus parmi lesquels jouaient des gamins rieurs qui se battaient pour de rire à coups de bâton ou, plus cruellement, en s'envoyant des bogues de châtaignes qui roulaient à terre après avoir piqué les sensibilités et fait naître des éclats de rire. La forêt était un endroit à la fois convivial et isolé : on pouvait sans trop de mal se tenir à l'écart des zones les plus fréquentées pour flâner en solitaire sans être dérangé, tout en sachant que les chemins balisés étaient très aisés à retrouver. Ce que les gens avaient tendance à préférer, c'était la petite clairière du centre. Un espace vert accueillant et grand, parsemé ça et là de bancs et autres tables de pique-nique. Certaines de ces installations chevauchaient l'orée des bois et garantissaient même une sorte d’intrigante intimité, à la fois romantique et perverse : combien de jeunes gens se donnaient rendez-vous dans ces pauvres petits îlots pour se bécoter et découvrir les trésors dissimulés dans le tissu de leurs culottes.

Point de loup dans ces bois, comme s'en interrogeaient parfois les plus jeunes. Mais il s'y trouvait bien un prédateur ô combien plus dangereux, qui rôdait là sous la forme d'un superbe et inquiétant doberman au pelage plus sombre que la nuit. L'Asshaï n'était pas ici par jeu, ou pour le frisson de la traque d'une âme quelconque. Il appréciait ces bois pour leur tranquillité, pour cette facilité qu'ils lui offraient de se fondre dans les ombres. Une sorte de sanctuaire pour le démon canidé, qui ne manquait pas de s'offrir pour autant quelques sucreries si l'envie lui en prenait. Un peu d'insistance et quelques caresses linguales bien calées pouvaient souvent ouvrir quelques jeunes filles aux perversions de la zoophilie... Et Asshaï savait bien évidemment en tirer partie.

Ce jour là, il se trouvait non loin de la clairière, dissimulé à la vue des humains dans l'ombre d'un bosquet touffu. Ses yeux d'or scrutaient parfois les gens qui allaient et venaient, quand le molosse ne se laissait pas aller à une sieste tranquille. Bientôt il retournerait aux Enfers pour reprendre l'organisation de sa moisson d'âmes, et ses journées seraient autres. Bien différentes...
Une odeur peu ordinaire vint à sa truffe, charriée par le zéphyr qui faisait bouger les branchages. Une odeur de femme, oui, comme il y en avait tant d'autres. Mêlée à une effluve plus désagréable et bien moins charnelle, qu'il identifia sans trop y croire lui-même comme mécanique. Etrange, intriguant. La curiosité le poussa à quitter sa tanière improvisée à la recherche de la source de son émoi olfactif, l'animal se déplaçant d'un pas fluide et discret. Bientôt, il trouverait sa  proie et pourrait tenter de comprendre le pourquoi de cette odeur furieusement inorganique mais pourtant intéressante : l'excitation de la découverte le faisait déjà se lécher les babines, alors qu'il léger afflux de sang sollicita quelque peu l'organe sexuel toujours sage dans son fourreau.

La ville de Seikusu n’était vraiment pas celle qu’elle avait connue chez elle, sans compter ce système étrange de passage s’ouvrant et fermant entre la Terre et cet autre monde nommé Terra. Pour le moment elle avait décidé de rester quelque temps sur terre, déjà car c’était probablement moins dangereux qu’ailleurs. Car bon, après des combats sans fin pour aider une rébellion du peuple contre son oppresseur elle était fatiguée. En plus elle voulait profiter un peu de sa nouvelle moto et qu’importe qu’elle ne colle pas avec ce monde ! Son énorme engin de course était donc parqué dans le parking arrière du parc. Au pire elle attirerait les regards des curieux, mais d’un autre côté personne ne pourrait la lui voler puisqu’elle ne démarre qu’avec une interface propre à son monde. Enfin pour le reste elle avait décidé de passer du temps au parc, déjà car elle pourrait s’y reposer un peu, et puis, car c’était un endroit ou pour une raison étrange il y avait moins de monde que dans les rues. Ce qui s’expliquait sans doute par le fait que les gens travaillent dans des bureaux ou font des livraisons.

Bref, ce n’était pas bondé, il faisait pourtant bon et hormis quelques familles, sans doute, en congé et un tas d’enfants il n’y avait pas bien grand monde. Voyant une forêt ou des enfants jouets elle se décida à s’y rendre, cependant elle le fit en passant par le plus de buissons possible. Car oui, elle portait sur elle son manteau qu’elle avait plié et ne portait à bout de bras, une culotte et un short par dessus, et pour le haut un t-shirt blanc et aucun soutien-gorge au-dessous. Ce n’est pas comme si elle en avait vraiment besoin, de toute façon sa poitrine était fausse. Mais de fait elle devait cacher ses jambes et bras au maximum pour ne pas qu’on la prenne pour un robot. Enfin elle termina sa course proche des petites installations artificielles qui servaient d’abris pour les couples et enfants qui voulaient jouer. Pour sa part elle s’enfonça un peu hors des chemins, cherchant avant tout un endroit tranquille pour bricoler un peu ses prothèses et faire le point.

Parcourant le lieu et s’enfonçant, de plus en plus elle se pensa tranquille. Véronika se stoppa donc dans l’un de ses petits points de repos à l’écart, entouré de buisson. Elel s’y posa tranquillement le cul sur l’herbe et croisa les jambes devant elle pour les examiner. Elle entendait plein de bruit, tout autour, des pas, des cris, pas vraiment moyen de favori si on l’avait pistée. Heureusement il n’y avait qu’une seule entrée à son petit abri qui était avant tout pensé pour fournir un peu d’intimité aux gens qui y viendraient. D’un côté elle avait très bien ce qui pouvait se passer dans ses endroits, de pourquoi on conseillait aux enfants de ne jamais aller dans les buissons trop à l’écart. Entre les pervers et les couplent qui copulent difficile de protéger les enfants et les innocents. Mais elle ne craignait pas les pervers, sans doute à cause de son côté plus fort que les humains, ou bien le fait qu’elle portait dans son dos une mitrailleuse légère cachée dans son sac à dos...

- Qui va là ?

Dit-elle en voyant une ombre se profiler devant l’entrée à laquelle elle faisait face, passa presque immédiatement aux infrarouges pour s’assurer de ce qui se cachait dans l’ombre. Mais rapidement la forme d’un chien se dessina, un beau et puissant chien, mais pas tout à fait le genre qu’elle avait connu dans sa vie. C’était donc ça, un chien avant les retombées atomiques ? À bien le regarder, il était trop puissant pour être un simple chien de ville, non ? Repassant sur la vue normale, elle le fixait toujours, lui et ses yeux orange.

- T’es plutôt intéressant toi, un très gros doberman ? Viens par ici que je te caresse !

Bha, oui, elle voyait juste là un gros chien un peu effrayant, et quand on croise ce genre de chien il faut rester calme et surtout ne pas montrer de la peur. Cela dit elle n’avait vraiment pas peur de lui, elle avait juste envie de jouer avec, lui faire des caresses et pourquoi pas s’en servir de confident, bon il ne la comprendra sans doute pas... Mais parler même à un chien pouvait faire du bien pour la conscience.

Sa tête aux oreilles pointues s'était dessinée dans l'ouverture du petit abri de bois et, l'espace d'une fulgurante seconde, le molosse avait fixé la jeune femme de ses yeux d'or. Deux tâches dorées et surnaturelles sur une silhouette d'ombre, qui s'était découpée plus naturellement le temps d'un battement de cil. Asshaï était arrivé là sans un bruit et se régala à l'avance du terrier que son petit lapin de proie c'était trouvé, juste assez à l'écart pour éviter quelques gêneurs intempestifs qui pourraient croire qu'un dangereux chien sauvage en avait après la mignonne qui s'était terrée là. Sauvage et dangereux, le doberman l'était. Bien plus que quiconque ne pouvait le soupçonner même en s'arrêtant sur son corps d'un noir de suie, pelage ras sous lequel se dessinait délicieusement les muscles puissants qui œuvraient et lui permettaient de se mouvoir. Assurément, l'Asshaï était un bel animal. Racé, élégant, attirant comme peuvent l'être certains représentants du monde des bêtes... A vrai dire, si il avait dû être un homme, il aurait incarné un superbe et désirable mâle.

Tout à fait conscient de chaque mot que prononçait l'étrange petite -elle avait des bras et des jambes en fer !- le molosse savait qu'il lui fallait jouer une comédie à laquelle il était parfaitement rôdé. Pour elle, il n'était qu'un errant et une menace tout à fait probable. A traîner ici, ce n'était certainement pas un gentil toutou domestique ! Avançant avec prudence les crocs légèrement dévoilés pour donner le change, presque en position d'attaque, l'Asshaï fit quelques pas dans le petit abri. La jeune femme s'y retrouva coincée alors que la truffe du molosse s'approcha d'elle pour humer l'air. Ses jambes, sa ceinture abdominale... Pour la forme, Asshaï gronda de façon menaçante. Son esprit, quant à lui cherchait à comprendre. Il n'avait jamais rencontré une créature semblable, même sur Terra. Là-bas, on disait que les tekhanes avaient d'incroyables machines. Qu'elles pouvaient guérir grâce à la mécanique, qui limitait les handicaps et déjouait la nature. Était-elle issue de cette civilisation ? Peut-être. Dans ce cas là, le chien aurait tout intérêt à se méfier. Ainsi se décida t'il à la jouer plus fine.

Sa gueule s'approchant de l'une des mains artificielles, l'Asshaï y donna un petit coup de langue timide puis un autre plus franc, avant de lever vers l'inconnue un regard très humain. Il semblait lui demander la permission de rester et en vint finalement à s'allonger à côté d'elle, calme mais encore à l'affût. Il ne pouvait pas se permettre de lui faire croire qu'elle était tout à fait en sécurité, mais il ne devait pas non plus l'inquiéter trop. C'était un juste milieu savant dont il équilibrerait l'assiette pour arriver à ses fins -les hormones femelles étaient tout à fait organiques et émoustillantes, elles. Mais d'ici à ce qu'il commence vraiment son numéro, le jeu serait plus calme. Et observer les réactions à son encontre était toujours quelque chose qui l'amusait follement.

Véronika l’observait encore et encore, ce chien était un peu étrange tout de même, il avait presque l’air normal, seulement un ou deux choses semblaient différentes. Ses yeux bien sûr étaient une évidence, mais son regard aussi la laissait perplexe, et bien qu’il ait un air menaçant elle n’en avait pas trop peur. Ce n’était qu’un chien au final, non ? Le voyant approcher, elle sourit un peu amusée par son regard sur les prothèses, il ne devait sans doute pas comprendre et avoir un peu peur de cela. Elle le vit renifler l’air et ne s’en offusqua pas, aucune raison de le faire, ce n’est qu’un chien. Elle était coincée avec lui, mais elle ne se sentait pas vraiment prise au piège, même s’il faisait le dur ce chien aussi étrange soit-il lui ressemblait. Oui, il semblait ne pas tout à fait être à sa place par ici, cherchait-il une femelle ? Ou bien peut-être était-il perdu ? Si c’était le cas pourquoi ne portait-il pas de collier ? C’était tout de même notable, cela devait être un chien errant ou, alors, peut-être un chien laissé en liberté. L’observant, elle hésita à le caresser, mais pour le moment mieux valait éviter les gestes brusques. Bien que l’idée de se faire mordre les doigts ne l’effrayait pas du tout en fait. Mais elle ne voulait pas qu’il se fasse du mal en mordant dans le métal de ses prothèses, et s’il se cassait une dent ? Ce serait tout de même idiot !

Mais le voilà qui approchait justement de sa main gauche, elle l’observa en souriant un petit peu, reçut le coup de langue, mais cela ne lui fit rien de particulier. C’était du métal après tout, et ce n’était sensible qu’à la pression, non la chaleur.

- Tu veux des caresses mon grand ? Oui c’est ça, tu dois vouloir des caresses...

Elle sourit un peu en agitant alors sa queue dans son dos, maintenant cela devait se voir pleinement, elle avait une queue et des oreilles de chat. Elle n’était pas humaine, ou pas totalement en fait, et puis d’aussi près ses yeux en pouvaient sans doute plus tromper. Elle n’avait pas d’iris humain, elle avait quelque chose qui imitait les humains, mais elle n’avait pas d’yeux d’humains. Caressant le chien qui était maintenant couché, elle se laissa à penser qu’il était plus gentil qu’il ne devait en avoir l’air. C’était souvent le cas chez les chiens en plus.

- Tu n’as pas de collier, tu te caches aussi des terriens ?

Elle ignorait même s’il la comprenait, mais comme parler à quelqu’un aidait à faire passer le temps et à se détendre... Non pas qu’elle soit nerveuse, mais plutôt soucieuse, elle venait vraiment d’ailleurs et cet endroit n’était pas la terre qu’elle avait connue non plus. Enfin elle s’étira, levant bien haut les bras, mais rien ne craqua dans son corps, avait-elle seulement encore des os et de la chaire ? Bien sûr, entre ses cuisses c’était encore humain, malgré son côté hybride, et sa queue était tout à fait vraie comme ses oreilles. Bien que ces dernières soient légèrement modifiées pour améliorer ses perceptions. Regardant son sac, elle se demanda si elle avait de quoi le nourrir, mais rapidement elle se souvint qu’en dehors de quelques armes à feu et grenades elle n’avait pas de nourriture. Faudra qu’elle pense à en voler ce soir pour se nourrir tout de même. Enfin elle reprit ses caresses sur le dos du molosse à l’air dangereux et sembla trouver cela apaisant pour elle-même.