Avait-il réussi à marquer des points ? Reto ne le savait pas encore. Il avait fait avancer les choses, mais il avait bien compris qu’il allait devoir compter à part entière sur cette Kelly. Elle était futée, bien plus que ce qu’elle voulait lui faire croire. Son sourire mielleux était tout simplement trop beau pour être vrai, pour être totalement sincère. Le Russe ne dit donc rien, tout en écoutant Kelly dire qu’elle comptait lui montrer sa gratitude. Il laissa un léger sourire s’échapper ses lèvres. Sa gratitude... Pensait-elle à la même chose que lui ? Kelly devait sûrement savoir qu’elle était très belle, et que sa plastique était toujours un argument intéressant envers les hommes. Reto, quant à lui, savait aussi qu’il n’était pas totalement laid. Musclé et costaud, il aimait se dire qu’il attirait bien des regards féminins. Quoi qu’il en soit, Reto savait qu’il avait offert à Kelly une porte d’espoir, une lueur dans ses soucis, dans sa quête contre Alex’, pour récupérer son fils, et pour pouvoir enfin se pavaner dans la richesse et les beaux vêtements. Reto n’était pas suffisamment idiot pour ne pas le voir : Kelly aimait la compagnie des hommes puissants. Elle aimait être près d’eux, se sentir importante, riche... Il pouvait comprendre ça, et, de fait, ça ne le dérangeait pas. Arrogant aussi, Reto s’estimait suffisamment intelligent pour ne pas se faire avoir... Même maintenant, alors que ses propres machinations étaient en train de se retourner contre lui, qu’il était en train de progressivement s’engluer dans sa propre toile, Reto espérait pouvoir toujours résoudre la situation.
L’homme se releva alors, et glissa sa main dans sa poche intérieure, tendant un autre papier vers la femme.
« Voici mon numéro personnel, Madame Brooks... Si jamais votre mari décide de vous jeter dehors, ou si quoi que ce soit vous arrive, n’hésitez pas à m’appeler. Je vous l’ai dit, Madame Brooks, je vous respecte... Votre dévotion, votre courage... C’est admirable, sincèrement. »
Reto regarda, encore une fois, son enfant. Il hocha lentement la tête, puis tendit sa main vers la jeune femme. Il avait dit tout ce qu’il avait à dire, les cartes étaient maintenant partagées. À Kelly d’appeler, à Kelly de le suivre, mais, en même temps, ce n’est pas comme si ses options étaient multiples. Elle était au pied du mur, essayant de jouer contre un homme puissant, dans une société où elle serait très facilement vue par les juges et par les médias comme un cancer, comme une parasite cherchant à déshonorer l’honorable réputation d’un homme d’affaires. Kelly avait peu d’alliés, et elle ne devait pas négliger ce qu’elle avait.
« Au plaisir de vous revoir, Madame Brooks... »
Reto sortit ensuite. La nuit s’était abattue, et il entreprit de descendre, l’esprit encore un peu embrumé par le corps de cette femme. Il commença dans l’escalier à donner des coups de fil. Reto avait le sentiment d’avoir enclenché quelque chose, comme s’il était face à tout un jeu de dominos. Il venait d’en pousser un, et, un par un, tous les dominos allaient tomber. Il devait juste s’assurer que tous les dominos tomberaient, et qu’aucun ne s’arrêterait malencontreusement en cours de route.
Voilà ce qui serait difficile.