La chute, les nerfs, la fatigue, le froid... A peine revenue, une serviette à la main, Mai découvre Anaé en pleurs. Elle s'est assise sur la première chaise venue, et éclate en sanglots, oscillant entre le rouge de la honte et le blanc du malaise, sans jamais perdre sa bouille attendrissante de fillette prise en faute.
"Je suis vraiment désolée, je ne l'ai pas fait exprès... J'y peux rien, j'aime pas être avec les autres à la piscine, je préfère être seule à cause des pensées qui me viennent dans les vestiaires avec les autres filles, donc je préfère y aller le soir, tard, lorsque la piscine est fermée parce que le gardien oublie toujours de bien fermer toutes les portes d'évacuation et d'éteindre toutes les lumières, alors je peux y aller sans craindre de rencontrer quelqu'un d'autre et d'avoir des pensées bizarres sur les autres filles, même si je sais que c'est pas ma faute et..."
"Je..."
"...et que ça peut arriver parfois, mais moi, mes pensées sont vraiment pas bonnes, donc je préfère être seule, sauf que ce coup-ci la porte par laquelle je suis entrée était fermée alors j'ai dû sortir par ailleurs, et j'ai même dû aller dans le sous-sol de la piscine qui fait super peur parce qu'il n'y a pas de lumière et que les filles disent qu'il y a le fantôme d'un pervers qui violait les nageuses, et j'avais vraiment peur, si peur que j'ai oublié de prendre mes sous-vêtements que j'avais laissés dans mon sac auprès de la porte qui s'est fermée je sais pas comment..."
"Mais tu..."
"...alors, il a bien fallu que je passe par le soupirail qui était un peu cassé, c'est comme ça que j'ai déchiré mon chemisier qui m'a couté cher, moins que le maillot, ça m'aurait vraiment trop fait pleurer, mais il faisait froid dehors et il y avait des flaques partout et il pleuvait un peu, et l'eau chaude des douches est coupée à la fermeture de la piscine, donc j'ai dû me rincer à l'eau froide, ce qui fait que je suis frigorifiée et que je suis une vilaine méchante fille d'être rentrée après l'heure de fermeture de l'internat alors que j'ai pas le droit mais je vous jure que je le referais plus et je veux pas qu'on me replace dans une famille d'accueil pour ne plus être la poupée d'un vilain pervers, je vous en prie, je veux pas, je suis désolée..."
"Du calme"
Anaé s'arrêta et, les yeux larmoyants, le corps secoué de frissons, elle prit délicatement la serviette tendue.