Claire Dehaene Officiellement, Claire Dehaene était une notable venant d’une région assez reculée de Nexus, et était la représentante d’une petite maisonnée de nobles tirant sa fortune de la vente de bois. On la voyait parfois à Nexus, achetant des esclaves. Claire Dehaene était en deuil de la mort de feu son époux, tué lors d’une croisade dans un pays nordique. Leur fils était en formation pour de longues années à l’académie militaire de Nexus, et il était donc bien compréhensible que, de temps en temps, Claire Dehaene dépense la pension fournie par l’armée pour la compensation de la mort de son père à l’achat d’esclaves. Ceci, en réalité, n’étonnait personne, et personne ne cherchait à en savoir plus sur Madame Dehaene. Tout au plus l’invitait-on poliment à venir festoyer en bonne compagnie lors de réceptions, mais personne ne s’attendait vraiment à ce qu’elle vienne.
En réalité, Claire Dehaene était l’identité d’emprunt d’une vampire esclavagiste ashnardienne, ce que fort peu de Nexusiens savaient. Compte tenu du contexte militaire, il aurait été malséant qu’une Ashnardienne puis ainsi venir sur les marchés nexusiens, et ravir de précieux esclaves. Et, outre ce caractère, les Asnardiens devaient payer de fortes taxes, dont l’objectif délibéré était de décourager les Ashnardiens. Non seulement il fallait payer le prix du voyage, mais également ces lourdes taxes. Dans la mesure où Mélinda ne s’intéressait pas à la politique, et où elle savait quelles pattes il fallait graisser à Nexus, les services secrets et les agents spéciaux royaux ne s’intéressaient pas à elle, lui permettant, de temps en temps, de faire des achats. Mélinda avait en effet ses informateurs, et l’un d’eux lui avait envoyé il y a quelques jours une missive faisant état de deux belles perles dans une échoppe mal placée de Nexus. Des jumelles venant de laboratoires tekhans pour n’être destinées qu’à une chose : servir. Mélinda avait entendu parler de ce genre de choses. C’était une concurrence rude pour les esclavagistes, car la technologie permettait aux Tekhanes d’offrir des esclaves parfaites, des femmes nées esclaves, aux conditions physiques et génétiques améliorées et modifiées pour servir totalement, sans le moindre doute possible. L’inconvénient de ce système, c’était que les coûts de fabrication étaient élevés, et que le coût de revente désintéressait bien des esclavagistes. Or, l’esclavage, contrairement à la réputation que ses contradicteurs en donnaient, fonctionnait comme n’importe quel système commercial : beaucoup d’esclavagistes, beaucoup de commerces qui s’écroulaient, et seulement quelques-uns qui arrivaient à survivre. C’était sans doute encore plus vrai dans ce domaine, qui était excessivement concurrentiel.
Personne de sérieux ne s’était intéressé aux jumelles, et on pouvait le comprendre. Elles étaient dans une échoppe située dans un quartier mal famé, et, dans ce genre de quartier, les esclavagistes sérieux n’osaient pas rentrer, de peur de se faire détrousser. Cinq cent pièces d’or, c’était à la fois peu, et beaucoup. Lors d’une vente aux enchères, le prix aurait facilement pu quadrupler, sous l’effet endoctrinant des enchères, mais, dans une vente classique, c’était trop élevé. Désespéré, le marchand offrait des essais gratuits aux clients, essais dont l’agent de Mélinda avait savamment profité, multipliant avec joie sodomies et fellations sur les deux jumelles. Des «
femmes extrêmement gourmandes », avait indiqué l’agent. Mélinda avait donc décidé de venir. Les clients aimaient bien les jumelles, et
elle aimait bien les jumelles.
Mélinda/Claire s’avançait donc dans les rues sinueuses de Nexus, sous la vigilance d’une mercenaire fidèle,
Nikita. Dans leurs beaux habits, Claire portant sa robe bleue, les badauds les regardaient en s’attardant, mais les froncements de sourcils de Nikita suffisaient amplement à les décourager.
«
Nous y sommes... »
Il y avait un léger attroupement devant une boutique. Grâce à une potion à base de mandragore, Mélinda avait modifié, non seulement son apparence, mais aussi sa voix. Claire s’avança, écartant les gens, en voyant qu’un homme venait de subir une double fellation forcenée, et elle sut immédiatement qu’elle allait les acheter. Le marchand était derrière les filles. Semblait-il désespéré ou excité ? D’un côté, s’il ne les offrait pas en libre-service, le risque qu’on les vole était extrêmement fort, mais, d’un autre côté, ceci décourageait les gens de les acheter. Et il ne pouvait pas baisser les prix, car il serait déficitaire. Comment diable cet homme avait-il eu ces deux esclaves, Claire s’en fichait, elle les aurait.
«
J’veux me les faire, putain ! Une semaine qu’on me parle de ces deux salopes... murmurait un homme.
-
Ben, vas-y, elles n’attendent que ça... Elles le font partout, même en public, glissa son ami.
Il y a deux jours, je m’en suis faite une au milieu de la rue, en lui défonçant le cul, et en la giflant sévère. »
Son camarade déglutit, les instincts vampiriques de Mélinda lui permettant de sentir une concentration sanguine à hauteur de son bassin, synonyme d’érection naissante. Elle ravala son sourire.
«
Je... commença-t-il.
-
Je les achète ! » le coupa Claire, avec un léger sourire.
Elle s’avança, et il y eut un silence consternant, les badauds l’observant, tandis que l’homme en érection fronçait les sourcils, furieux. Le marchand clignait les yeux, croyant à une blague, mais, quand il vit Claire sortir un papier, il sut qu’elle ne plaisantait pas. Hors-de-question pour elle de s’aventurer ici avec une bourse pleine de centaines de pièces d’ors, mais elle avait une lettre de change, l’équivalent d’un chèque. La lettre de change permettait, par l’intermédiaire d’une banque (en l’état, la Banque Vivaldi), d’obtenir un paiement.
«
Vous... Euh... Vraiment ? » demanda le marchand ébahi.
Mélinda tendit sa main vers l’une des deux femmes, la caressant tendrement, avant d’avancer son autre main, frottant leurs cheveux, faisant pointer ses griffes.
«
Évidemment. -
Alors, suivez-moi. Les filles, venez ! »
Claire leur fit un gentil sourire, glissant ses mains sur leurs chaudes joues, enfonçant ses pouces dans leurs bouches.
«
Je reviens, mes beautés, attendez-moi... »
Elle s’écarta alors, rentrant dans l’échoppe, tandis que Nikita surveillait attentivement les deux femmes. Mélinda signa la lettre de change, mit le montant, l’ordre, et reçut ensuite les diverses instructions et autres formalités : le contrat d’acquisition lui conférant un titre de propriété sur les deux jumelles, les conditions générales de vente, un dépliant administratif nexusien, et... Le mode d’emploi des deux HGM. Visiblement, le magasin avait pour fournisseur un laboratoire tekhan. Les Tekhanes étaient ignorantes des pratiques nexusiennes, ignorant que les esclavagistes les plus fructueux se trouvaient le long de la place du marché, là où la demande était forte. Cependant, elle n’allait pas le leur dire. Une occasion en or comme ça, il fallait sauter dessus. 500 pièces d’ors, c’était pour elle une broutille, qu’elle rentabiliserait assez rapidement.
Elle paya donc, récupérant les différents objets qu’on donnait traditionnellement : les colliers et les laisses, ainsi qu’un fouet bien affuté. Le marchand semblait tellement reconnaissant que Claire allait même jusqu’à croire qu’il allait lui offrir un gâteau. Elle sortit donc, avec les deux colliers.
«
Alors, mes petits anges... Qui est Lili, qui est Lala ? J’ai des colliers à vous mettre... »