Le cercle de fer rouillé qui tenait péniblement la roue de bois vermoulu heurta violemment une pierre mal placée, relâchant un boucan de tous les diables à des kilomètres à la ronde, et juste assez suffisant pour transpercer les ronflements du cocher qui réveillait les landes tel le coq matinal éveillant son voisinage. Dans un grognement de frustration, ce dernier vint fourrer sa tête dans la fourrure de son plaid, cherchant à rester aux prises avec Morphée plutôt que devoir redécouvrir les joies d'un cul malmené par le paysage défoncé qui s'étendait à perte de vue.
Les coulissements des roues sur le chassis de bois tordu lâcha un grincement douloureux alors qu'on pouvait s'attendre encore une fois à ce que l'ouvrage ne s'écroule : Hélas ce ne fut que l'épée du guerrier en kilt qui chuta vers l'avant, se heurtant à la barre de fer rouillé également dans un ultime fracas.
Vaincu et défait de Morphée tel un veau sevré du pis de la vache, l'Highlander s'étira longuement, grommelant quelques insultes celtiques avant de se caler le mieux possible sur le banc craquelé qui lui servait de siège, à lui et son épée.
Jetant un coup d'oeil derrière lui, il vérifia que rien n'avait disparu : les vivres, quelques têtes de créatures hostiles rencontrées en chemin, de terranides terrassés, de fouineurs devenus manchots et dont les palmes se balançaient de chaque côté du chariot, pendus à des ficelles et destinées à pourrir ici. Certaines s'étaient visiblement déjà décrochées, à la vue des cordes pendantes, vides.
Le soleil se levait doucement et la chaleur peinait à grimper, la brise légère s'engouffrant entre les jambes du Kurgan qui se tassait alors dans son cocon de fourrure, le nez quelque peu rougit par un vilain rhume et qui ne cessait de le faire renifler bruyamment.
Devant lui, une formation rocheuse, qui l'amena alors à arrêter sa mûle fatiguée : ce genre de coin dissimulait souvent quelques flaques de rosée du matin bien conservée et saine, qu'il pourrait donner à sa mule et à sa gourde. Et peut-être pourrait-il nettoyer sa claymore souillée d'un sang caillé noir s'effritant, s'il pouvait s'en offrir le luxe.
Des idées plein la tête, il s'avança, trouvant bien vite une rocheuse brandie au dessus d'un petit pan d'eau fraîche. Descendant lourdement du chariot, il libéra son animal de trait qui s'en alla se rassasier plus loin. Lui, pendant ce temps, retourna à l'arrière du chariot, vérifiant une dernière fois ses stocks pour en tirer finalement 3 gourdes qu'il s'en alla remplir à son tour.
Alors que le précieux liquide s'écoulait pour remplir ses provisions, un bruit très lointain attira vaguement son attention. La lande dévastée pouvait amener de nombreux sons tous plus différents les uns des autres, aussi n'y prêta-t-il pas attention de suite. Mieux encore, il se pressa de ranger sa gourde pour retourner pioncer un peu, ses ronflements s'élevant doucement une nouvelle fois vers le ciel s'embrasant lentement...
Pourtant un semblant de perception lui présageait quelque chose de mauvais. Il ne dormit donc que d'un oeil, sa claymore glissée entre ses bras et ses jambes dans une position inconfortable, mais sûre. Mieux encore, il s'était positionné sous la roche, l'empêchant de se prendre le trait d'un tireur planqué en hauteur, et vu le terrain escarpé, un tireur à sa hauteur aurait vite fait de rouler sur les cailloux, broyer des graviers, et l'alerter immédiatement. Mais certains sont tout de même très doués...