Trousseboeufs et son château Amazones présentes
Trousseboeufs était une ville ancrée dans le passé, lorgnant sur les jours glorieux des siècles passés, quand la ville était encore une place centrale du commerce, et où son puissant fort attirait des cohortes de guerriers, une époque où les mines de Trousseboeufs, qui portait alors un nom plus prestigieux, étaient alimentées par des nains, et où les gisements du fort se vendaient jusqu’à Nexus. La ville était alors puissante, riche, abritant suffisamment d’or pour former une armée régulière qui la protégeait des intempéries de la région, que ce soit les attaques de dragons, les pillards, les voisins lorgnant sur les richesses de ce fort trônant en maître au sommet de sa montagne. On disait que Trousseboeufs était jadis une cité naine fortifiée, s’enfonçant dans les profondeurs de la montagne, et le fort avait été progressivement construit autour des mines, avant de s’étendre. Les nains avaient dû recueillir de plus en plus d’immigrés, notamment des humains, mais aussi des Terranides, afin de pouvoir travailler dans les mines. Un beau passé, glorieux, où la ville accueillait des visiteurs fréquents et nombreux.
Un passé révolu. Les Amazones avaient lu cette histoire en remontant l’ancienne route commerciale de ce royaume désolé. Trousseboeufs avait permis de financer toute une vaste région, s’étalant tout autour de la montagne, et cette région était maintenant à l’abandon. Les villes-fantômes se multipliaient, et celles encore en activité n’abritaient plus que des bûcherons, des chasseurs, et des ivrognes. Les trois Amazones remontaient la légende de l’or perdu du Château Interdit. Les récits et les légendes se mélangeaient au silence renfrogné des autochtones, et elles avaient obtenu leurs informations en consultant les archives de l’abbaye de Trousseboeufs, un petit édifice religieux bâti dans la vallée.
C’était un fort très impressionnant, une véritable prouesse architecturale, un château qui semblait flotter dans le ciel, dominant toute la région.
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Quoi de plus surprenant ? avait commenté Sélène avec son scepticisme habituel en voyant ce fort arrogant et prétentieux.
Les sédentaires sont majoritairement un peuple où le sexe masculin prédomine, et leur incapacité à porter la vie amène les mâles à compenser cette frustration par de grands bâtiments qui ne servent à rien. »
Ce qui s’était passé à Trousseboeufs était obscur. On disait que les nains avaient creusé trop profondément, libérant d’anciens maléfices, mais, dans les auberges, d’autres individus, une fois la langue déliée à l’aide de l’alcool et d’un décolleté facile à regarder, se lançaient dans des explications compliquées sur un une malédiction lancée par l’un des membres de la Cour du château, à cause d’une histoire d’inceste, ou de jalousie... Ce qui était sûr, selon ces sources, c’est que c’était une histoire de cul qui était à l’origine de ça. Le Château Interdit avait été fermé, condamné, car il était envahi de monstres... Les troupes locales avaient tenté d’en venir à bout, mais elles avaient échoué, et, après leur échec, les habitants avaient décidé de verrouiller l’accès au Château. Ils avaient mis des primes pour attirer des guildes dans un premier temps, mais, là encore, les aventuriers ayant tenté de s’aventurer dans le fort n’en étaient jamais ressortis, et, peu à peu, la ville était tombée dans l’oubli, finissant par s’appeler Trousseboeufs, et l’histoire de ce fort maudit était devenu une légende.
Qu’est-ce que trois Amazones faisaient donc ici ? La réponse était assez simple. Ce qui se trouvait dans le Château Interdit était revenu à la vie, comme s’il était sorti d’un long sommeil. Les prêtresses d’un temple d’Artémis l’avaient senti, et l’avaient transmis au peuple de la Déesse, les redoutables Amazones. Une puissance infernale, maléfique, dangereuse, et hostile à la Déesse-mère. Andromaque avait mandé trois de ses Amazones pour s’y rendre, et elles étaient parties, menées par Sélène, la puissante fille d’Andromaque, considérée comme l’Amazone la plus redoutable de la Horde... Après Tallia. Elwen, en raison de sa nature angélique hybride, était prédestinée pour une mission qui impliquerait de la magie. Quant à Acté, si elle avait l’habitude d’agir en solitaire, elle savait aussi qu’elle faisait partie d’une grande famille, et les ordres d’Andromaque n’étaient pas sujets à discussion pour elle. Quelle que soit la force résidant à Trousseboeufs, les Amazones en viendraient à bout.
Elles étaient arrivées il y a quelques jours, prenant une chambre commune à l’auberge. Elwen, comme à son habitude, préférait dormir dehors, en profitant pour méditer. Elles avaient rapidement appris que les villageois avaient ouvert leurs portes à un mage-Terranide il y a quelques temps, et qu’ils s’attendaient à recevoir d’autres fous.
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Je sens clairement une force sombre à l’intérieur, leur avait dit Elwen la veille du retour de l’infortuné mage.
Elle est opaque, sombre, et floue... Je n’arrive pas à la définir avec précision. »
Une force suffisamment sombre pour préoccuper la Déesse-mère était toujours un sacré défi pour les Amazones. Andromaque avait par conséquent sagement choisi d’envoyer plusieurs des plus puissantes guerrières de la Horde, tout en leur expliquant que la Horde se rapprocherait de Trousseboeufs, afin de leur fournir un quelconque soutien logistique si jamais les choses venaient à se compliquer.
Quand Lemme tomba du fort, il s’écrasa sur le toit d’une masure, la paille du toit amortissant sa chute, et les Amazones se rendirent rapidement au temple, quand elles apprirent la nouvelle. Les moines de Trousseboeufs se chargeaient des soins médicaux, mais ils n’étaient pas très bons... L’Ordre Immaculé n’envoyait pas vraiment de bons éléments dans cette ville reculée, et Elwen se chargea donc de le soigner.
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Il a de multiples blessures, mais... Je pense réussir à le soigner. »
C’était un Terranide au visage doux, et les villageois étaient incapables de dire précisément d’où il venait. Ils étaient surtout surpris de constater qu’il avait réussi à sortir du fort. Elwen mit plus d’une journée à le soigner, alternant entre des phases d’opération, soutenues par des guérisseurs, et des phases de repos.
Lorsque le jeune Terranide se réveillerait, Elwen serait là, veillant sur lui. Contrairement à ce que ses ailes noires pouvaient laisser présager, elle était une Ange hybride extrêmement généreuse, probablement l’une des Amazones les plus douces qui soit au sein de la Horde. Elle était l’une des rares qui répugnaient à donner la mort, estimant que la vie était un cadeau sacré qui devait être protégé à tout prix, même à l’encontre des êtres les plus vils qui soit. Ce genre de raisonnements amenait fréquemment Sélène ou Acté à soupirer en levant les yeux au ciel, mais elles savaient que la générosité de son âme influait sur sa capacité à faire de la magie blanche, la rendant très douée. De plus, ce mystérieux mage blessé avait peut-être d’importantes informations à leur donner sur ce fort, et sur les menaces pesant à l’intérieur.
Il fallait juste attendre qu’il émerge.