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« le: dimanche 24 février 2019, 17:56:22 »
L’ Amazone s’essayait à une énième tentative d’occuper son temps libre sur Terre. Elle avait trouvé un petit club de « boxe » tout près de chez elle. Qu’est-ce que la boxe ? Après s’être renseignée sur cette pratique en posant des questions au concierge de l’immeuble dans lequel elle dormait, Donna comprenait qu’elle avait jugé trop rapidement les humains. Certains d’entre eux, comme elle, semblaient être des guerriers. Combattre par amusement et sportivité ? Une perspective qu’elle adorait, qui la motivait, qui lui donnait envie de rapidement s’y inscrire pour se mesurer aux guerriers et guerrières terriens.
Vêtue de son armure, elle descendait les escaliers alors que la voix du vieux résonnait déjà dans les couloirs. Elle souriait en l’entendant chanter, il était bien le seul humain qu’elle appréciait.
- « Celebration ! Celebrate the good time ! »
Chantait-il avec son accent anglais. Oui, il venait d’Angleterre. L’homme était assez grand bien que son dos était légèrement courbé par le travail qu’il avait accompli tout au long de sa vie. Il avait dans la cinquantaine et débutait une méchante calvitie, aussi chantait-il tout de même avec entrain alors qu’il passait le balais avec énergie et que des écouteurs bouchaient ses oreilles, le coupant du monde extérieur ; mais pas assez pour qu’il ne remarque pas l’étrange tenue de Donna. L’homme se tournait vers la belle résidante et enlevait un écouteur, l’air intrigué par ce qu’il voyait, il demandait.
- « Tu comptes aller à la boxe dans cette tenue ? On va juste te demander de partir ou appeler la police ! Non, il te faut une tenue approprié et un sac de sport ! »
- « Je ne suis pas certaine de comprendre monsieur, moi je suis une amazone, c’est normal que je porte mon armure pour aller au combat. »
L’homme rigolait en mettant sa main devant sa bouche. Il répondait de sa voix rouillée.
- « Tu es une Brésilienne alors ? »
Donna hésitait un instant avant d’hocher la tête. Elle ne devait pas dévoiler sa véritable identité, voilà seulement que ce détail lui revenait. – « J’en suis une, oui. »
Le concierge soupirait, passant dans sa tête sa phrase fétiche depuis qu’il avait atteint la trentaine ; il faut tout apprendre aux jeunes de nos jours. Il aimait se répéter cette phrase pour se donner une autre utilité que laver de vieux couloirs et garder les clés d’un immeuble pourri.
- « Attend moi ici ! Je vais te prêter les vieilles affaires de ma fille. »
Donna hochait la tête et patientait dans le hall en prenant place sur un vieux divan qui éjectait de la poussière alors que ses fesses pressaient les coussins verts. Plusieurs minutes plus tard, le cinquantenaire revenait avec un large sac de sport rectangulaire qui comprenait des vêtements de sport féminins. Il souriait à la femme et lui tendait aimablement le sac.
- « C’est cadeau, tu peux tout garder et lorsqu’il faudra faire la lessive, tu n’auras qu’à me confier tes vêtements, c’est vraiment parce que t’es la seule que j’apprécie ici... »
Visiblement les sentiments étaient réciproques. L’une appréciait l’un, l’un appréciait l’une et les deux détestaient les autres. Et cela ne faisait que quelques jours qu’ils se connaissaient. Donna remerciait le concierge en le payant de cinquante dollar, puis remontait dans sa chambre pour enlever son armure et enfiler sa tenue de sport. Un petit short rose qui recouvrait à peine ses cuisses galbées et musclées, ainsi qu’un débardeur rose un peu trop serré et trop petit qui cachait avec peine son nombril. On pouvait facilement voir le bas de ses tablettes de chocolat, mais Donna n’était aucunement pudique. Dans son sac, elle avait prévu des vêtements civils de rechange ainsi qu’une bouteille d’eau et un peu de liquide en guise de dépannage et de nécessité.
Elle marchait dans la rue et attirait les regards, éveillait les passions et les fantasmes. Elle était belle. Trop belle. Son regard colérique, sa tête droite et la posture presque militaire qu’elle entretenait avec facilité, étaient les signes d’une femme fatale. La femme fatale de la rue qui opposait le marchand de journal à la quincaillerie du coin, respectivement tenu par monsieur Obouso et son frère, deux concurrents qui se menaient une guerre sans merci suite à une dispute. Donna avait pris grand soin de parfaitement repérer sa rue, cette rue où elle vivait. Toute bonne Amazone se devait de connaître le terrain sur lequel elle mettait les pieds.
Pour la première fois de sa vie, Troy allait pratiquer un sport humain. Elle se présentait au chef de la salle de boxe, payait les frais d’inscriptions et allait déposer son sac au vestiaire, dans un casier sous cadenas. L’homme qui l’avait accueillie répondait au nom de Sato, il était un ancien boxeur professionnel au ventre bedonnant qui enseignait sa passion aux nouvelles générations, comme il le disait si bien. En tous cas le trentenaire n’était pas moche, si bien que Donna venait à lui gratifier un sourire en guise de remerciement pour l’avoir laissée utiliser les gants et la salle.
Malheureusement, tout ne se passait pas comme prévu. Déjà, à peine serrait les gants autour de ses poignets que l’homme la prévenait qu’elle ne pourrait pas combattre aujourd’hui, car elle n’avait aucune expérience en boxe. Contrariée, Donna pestait une unique tentative.
- « Laisse-moi te prouver ma force. »
Balançait-elle sobrement avant de donner un coup de poing dans un punchingball, qui fut propulsé contre le mur avec force, alors que le machin se décrochait de son maintien en acier. L’homme était bouche-bée et marmonnait quelques mots avec difficultée.
- « Ah et bien, oui en effet, Mademoiselle Troy, vous êtes même un peu trop forte pour notre salle de sport, je crois... »
Déclarait-il en cherchant une explication logique à ce qui venait de se passer. Quant à Donna, elle était blasée et énervée. Elle s’attendait à mieux, elle s’attendait à ce que cette vulgaire caresse ne soit vue que comme cela, elle s’attendait à ce que l’homme se moque d’elle, afin d’avoir une occasion de lui montrer sa véritable force pour mieux le surprendre. Il n’en fut rien.
L’Amazone repartait aussitôt d’où elle venait, profondément déçue. Elle remontait le sac dans sa chambre et remettait des vêtements appropriés pour sortir en ville. Des bottes noires, un jean bleu moulant, un débardeur, un sweat à capuche gris et une veste légère en cuir clair.
Elle marchait, encore, en plein après-midi ensoleillé, cherchant quoi faire ; puis elle entendait une discussion qui attirait son attention. Deux jeunes filles parlaient d’une rue dédiée aux loisirs, une rue où l’on pouvait s’amuser et manger. Elles parlaient d’une salle d’arcade ? Donna était curieuse, elle sonnait à Diana, impatiente d’en découvrir plus. Seulement, la guerrière n'était pas habituée aux téléphones et ses doigts pianotaient avec une extrême lenteur sur le clavier du petit portable. Il lui fallait plus de deux minutes pour composer un numéro.
- « Salut Diana ! Tu connais la rue d’Ayabusa ? Il parait que c’est une très longue allée commerciale en ligne droite. J’ai entendu dire qu’on pouvait y trouver de nombreuses choses pour s’amuser et passer une bonne après-midi ? J’aimerai bien y aller avec toi. Qu’en dis-tu ? »
Suite à cet appel, Donna prenait le métro pour se rendre à Ayabusa, où elle attendait Diana au point de rendez-vous qu’elles avaient fixés, c’est-à-dire au tout début de la grande allée commerciale. L’Amazone traînait les pieds avec nonchalance, les mains dans les poches, se remettant à peine de sa déception du matin.