Une alarme. Le bruit strident qui sonne à la huitième heure de la journée. Subitement, les paupières du démon s’écartèrent, laissant les yeux de Stephen aller chercher la lumière. Joue droite collée à l’oreiller, pas fatigué mais pas motivé non plus, il tapota sur l’écran de son téléphone, coupant le son. Dire qu’il vivait comme un humain des plus normaux. Monstre infernal qu’il était, capable de détruire n’importe quel mortel de son seul désir, il devait se lever à huit heures pour réparer des canalisations. En enfer on l’appelait « Mario la terreur de la crasse ». Très amusant. Bien sûr il avait déjà braqué et participé à quelques activités illégales, mais il se retrouvait si souvent à devoir fuir quelques mois sur Terra pour se faire oublier qu’il avait décidé d’arrêter.
La boxe anglaise, domaine dans lequel il excellait, commençait à peine à lui rapporter gloire et argent. Impossible donc de vivre simplement de ce sport, peut-être d’ici quelques mois, quelques années, mais pas de suite. Pour l’instant, il lui fallait supporter les odeurs répugnantes des canalisations sales, tu parles d’un métier de démon. En général ses confrères préféraient exercer des métiers réellement monstrueux, genre dictateurs, avocats, chanteurs pop ou encore courtiers en assurance. De plus, le patron de l’entreprise dans laquelle il travaillait l’envoyait, avec un amusement apparent, toujours dans des lieux plus invraisemblables les uns que les autres. Aujourd’hui, il devait réparer un système de tuyauterie dans une église. Il y a des toilettes dans une église ?
Bref. Mario s’habilla en vitesse. Pas fier de devoir littéralement aller jouer avec des tuyaux, le monstre ne revêtit pas son élégante salopette bleue, lui préférant une chemise noire et un pantalon à pinces de même couleur, ainsi que des chaussures à pointes vernies du même teint sombre. Il ne fallait pas passer pour un manant après tout, d’autant qu’il n’était pas retourné à l’église depuis le mariage de sa cousine, il y a six ans de cela au Texas. D’ailleurs il restait légèrement inquiet, espérant que les gargouilles ne se mettraient pas à lui siffler dessus à son arrivée, comme dans Charmed. Attrapant sa caisse à outils et les clefs de sa R1 bleue, le démon se rendit donc bien vite sur les lieux.
Chaude journée d’été. Profiter un peu de la route jusqu’à l’église était un plaisir en moto. Si sa vie était peu démoniaque pour un monstre de son envergure, Stephen pouvait néanmoins se vanter d’en profiter au maximum. A son arrivée, le prêtre le salua, lui indiquant qu’il devrait parler à la mère en charge du couvent proche. Vraisemblablement, le problème venait des douches des nonnes. Pourquoi choisir un homme pour ce genre de tâche ? Les bonnes sœurs n’étaient elles pas sensées vivre loin de toute présence masculine ? Mais bon, une femme plombier, voilà qui ne devait pas courir les rues. De plus, les douches ne fonctionnant pas, aucune femme ne s’y trouvait, pas de quoi s’affoler donc.
Ôtant sa chemise, histoire de frimer un peu devant ces demoiselles vierges comme une feuille blanche, Stephen s’occupa bien vite de réparer les quelques défauts du système. Alors qu’il quittait la pièce, une odeur l’interpella. Deux odeurs, à vrai dire. Elles ne sentaient pas l’humain. L’une sentait le monstre pure souche, le véritable rejeton des enfers, l’autre avait une odeur particulière, l’odeur d’un faux humain, du même type que les vampires et lycans. Guidé par son odorat, le monstre se mit à marcher au travers des couloirs, jusqu’à arriver dans une petite salle qu'il n'identifia pas de suite. Une jeune femme se trouvait proche de lui, aux agréables formes que sa tenue de nonne ne parvenait à chasser. Sacré « nonne », elle sentait le monstre à plein nez.
« Bonjour, ma sœur. » Dit le démon en s’approchant d’elle. « Excusez mon impolitesse, mais vous êtes… Diablement… Intriguante. Que faites-vous ici, je ne savais pas que l’on acceptait… Des gens comme nous… Dans ces lieux. » Souffla-t-il, essayant de ne pas se faire remarquer.
