Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

Bonjour et bienvenue.

Ce forum présente des œuvres littéraires au caractère explicite et/ou sensible.
Pour ces raisons, il s'adresse à un public averti et est déconseillé aux moins de 18 ans.

En consultant ce site, vous certifiez ne pas être choqué par la nature de son contenu et vous assumez l'entière responsabilité de votre navigation.

Vous acceptez également le traitement automatisé de données et mentions légales de notre hébergeur.

Intrusion ! [Yan]

Nos partenaires :

Planete Sonic Reose Hybride Yuri-Academia L'Empire d'Argos Astrya Hybride Industry Iles Mystérieuses THIRDS Petites indécences entre amis
Inscrivez-vous

Yan

Terranide

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 15 jeudi 13 septembre 2012, 20:05:22

« La cohabitation d'un homme et d'une femme dans un espace clos relève du miracle. »
-Alice Ferney

Une des journées les plus étranges de sa vie, certainement. Yan s'était débrouillée elle-même pour presque tout depuis qu'elle était en âge de garder des objets en main. Mais pendant cette quinzaine d'heures, le chèvre-pied, tout en faisant preuve d'une certaine discrétion, qu'à défaut d'apprécier, elle ne commenta pas, se comportait à peu près comme un valet. Même sa mère ne s'était pas occupée d'elle ainsi depuis plus de dix ans, et lui s’exécutait avec une douceur infiniment plus grande. Au-delà du dégoût qu'elle ressentait pour cet assistanat, elle devait avouer que sous un certain angle, l'expérience avait quelque chose d’intéressant. Elle n'oubliait cependant pas la guerrière qu'elle était, et que c'était elle qui payait sa dette, pas l'inverse, et qu'en conséquent, elle devait faire preuve de la réserve la plus extrême. Bien sûr, elle ne l'aurait jamais avoué à l'intéressé, ni à qui que soit, mais elle reconnaissait que la présence du cornu lui épargnait des moments extrêmement pénibles.

Les mets qu'il avait insisté pour lui cuisiner lui firent l'effet d'un plat particulièrement exotique. S'il lui arrivait de faire bouillir les morceaux les plus abîmés pour les rendre comestibles, l'essentiel de sa consommation se composait de pièces dévorées crues. La texture de la viande, une fois cuisinée, était d'un simplicité extrême à mâcher, ce qui était un avantage, supposa-t-elle, quand on avait une dentition aussi atrophiée que celle des humains et de bon nombre de terranides. Toutefois, il lui semblait perdre une sensation ancestrale, fondamentale, alors que la mastication était réduite à son minimum. De plus, l'adolescente ne trouvait pas l'intérêt de passer autant de temps, et de déployer toute cette technique, pour obtenir en fin de compte le même volume de nourriture. C'était à ses yeux une pure perte d'énergie. Enfin, elle n'avait jamais fait la fine bouche, et si elle fronça le museau pour la forme, elle ne se fit pas prier pour avaler goulûment tout ce que cet Hypocras lui présenta.

Hélas, ce dernier avait beau être d'une certaine utilité, il n'en gardait pas moins un défaut majeur. Sa bavardise le poussait à creuser certains sujets dont Yan n'avait aucune envie de parler ; à remettre en question des habitudes de vie qu'elle était bien décidée à conserver. Souvent, peu rompue aux joutes d'idées, elle n'avait pas suffisamment de matière à opposer aux arguments impitoyables du hardi orateur. Dès qu'elle se sentait en position de faiblesse, elle tentait donc de s'en sortir par une certaine mauvaise foi, ou un refus net de continuer la discussion. Elle était certaine que le chèvre-pied vivait en dehors des réalités, et que son hédonisme forcené était aussi mal adapté au monde réel qu'un terranide désarmé à Nexus. Elle savait qu'il ne comprenait pas, mais était incapable de l'exprimer correctement, et perdre un duel, ne serait-ce que celui des mots, la frustrait grandement. Elle se rendait bien compte qu'insidieusement, l'influence du cornu gagnait du terrain sur sa pensée brute. Elle ne le supportait vraiment, en réalité, que quand il se taisait pour s'emparer de son instrument, et déchaîner un son bien plus vrai. Et beaucoup moins agaçant

X      X      X
X      X      X      X

A son réveil, le jour suivant, la chasseuse trouva Hypocras non loin d'elle. Le soleil, d'autant qu'elle pouvait en juger, de son canapé, était déjà assez haut dans le ciel. La fatigue de sa blessure, sans doute, l'avait fait dormir plus longtemps qu'elle en avait l'habitude. A moins que ce ne soit la perspective de l'ennui à venir, bloquée dans un nombre limité de position, qui la dissuadait d'ouvrir l’œil. Désappointée par sa propre paresse, elle n'avait pas tardé à tenter de s'extraire de son matelas. La vive douleur de sa jambe, lorsqu'elle essaya de la poser sur le sol, lui indiqua malheureusement très vite qu'elle n'était pas prête à supporter son poids. Pestant et ne voyant, en pur caprice, rien qui puisse la distraire si elle restait là, allongée, elle insista lourdement pour que le chèvre-pied lui trouve une béquille quelconque pour se déplacer. D'abord réticent à la voir se lever, le thérapeute malin n'accepta qu'à la condition de pouvoir à nouveau s'occuper de ses plaies. De mauvaise grâce, la terranide se laissa apporter des étoffes de cotons, plus fines que la toile brune, et une bouteille d'hydroxibenzène pour nettoyer les zones qui cicatrisaient lentement. Elle ne permit pas néanmoins qu'il touche à nouveau son corps, et se chargea elle-même du plus gros du travail.

L'adolescente avait alors tout le loisir de claudiquer... sans trouver, au final, plus d'intérêt dans les autres pièces de la maison. En sortir en était exclue, car une fois dehors, elle se serait retrouvée en un clin d’œil sur l'étal d'un marchand d'esclaves avide. Ne supportant pas l'inactivité, elle trépignait. Ne pas bouger allait la ramollir, elle en était persuadée. La rééducation de sa jambe serait suffisamment handicapante pour qu'elle ne soit pas affligée en plus d'une faiblesse généralisée. Vagabondant, Yan trouva sur une étagère d'imposants ouvrages recouverts de petits dessins noirs dont elle ignorait la signification. Étant parfaitement illettrée, comme la majeure partie de la ville, elle n'y avait jamais fait attention auparavant, et leur trouvait là un usage inespéré. En deux volumes sur chacun de ses avants-bras, elle pouvait ainsi simuler un exercice physique, qui a défaut d'être réellement utiles, l'occupait sans la blesser. Au bout d'une heure d'exercices soutenus, les muscles de ses membres supérieurs brûlants, elle commença à s'essayer à faire des abdominaux. Malgré les tiraillements qu'elle provoquait à sa blessure au thorax et la contre-indication vigilante du caprin, elle persista jusqu'à se trouver étendue sur le sol, en sueur, incapable de la moindre flexion supplémentaire. Le bandage de sa poitrine avait pris une teinte rosée, mais la plaie ne se rouvrit pas.

Plus tard dans la journée, Hypocras prit une décision qui la soulagea : il souhaitait s'en aller visiter la ville, avec la promesse cependant d'être revenu avant le couché du soleil. Au moment où il allait prendre le départ, enfilant une nouvelle chemise, ses bottes et son chapeau, la terranide eut un instant d'hésitation. Puis, elle ne sut trop pourquoi, elle attrapa un revolver qui traînait et le lui lança.

-Tu sais tirer ? Elle en doutait. Si quelqu'un te fait chier, tu le pointes avec le bout le plus fin et t’appuie sur la gâchette. Ça devrait faire l'affaire.

Si son profil n'était pas très recherché par les esclavagistes, il était déjà trop âgé, et s'il cachait avec son accoutrement sa nature animale, personne, à Nexus, n'était à l'abri d'une agression. Et elle voyait mal comment, sans arme, le bonhomme s'en sortirait. Sa dette consistait à le supporter pendant qu'elle se rétablissait, et pour qu'elle puisse le supporter, encore fallait-il qu'il soit toujours en vie. Que le chèvre-pied accepte ou non l'arme, elle aurait au moins l'esprit tranquille. Elle ne se sentirait pas obligée de parcourir le quartier en boitant pour retrouver son cadavre.

-Si tu meurs, je ne te dois plus rien, ajouta-t-elle, froide.

Toujours aussi ennuyée, mais trop épuisée pour reprendre un exercice physique, Yan clopina, sans autre but que de se convaincre qu'elle était capable de se déplacer seule, et de se débrouiller sans aide. Par hasard, elle tomba sur plusieurs bouteilles de bourbon, qui lui avaient étrangement échappées jusqu'ici. Pour passer le temps et faire tomber son stress, elle décida d'en ouvrir une. L'adolescente, emportée par l'ivresse, se laissa aller à la boisson, qui calmait ses douleurs et son angoisse. Quand le cornu revint de son excursion urbaine, à la tombée de la nuit, elle avait déjà vidé les trois-quart du litre, et ne paraissait pas vouloir s'arrêter là. Elle paraissait considérablement éméchée, mais, comparé à la quantité de liqueur qu'elle avait ingurgitée, et prenant en compte sa faible carrure, son organisme s'en tirait admirablement. La terranide n'avait en réalité jamais eu l'occasion de s'alcooliser autant, et il n'était pas dit qu'elle sache éviter un coma éthylique. Néanmoins, elle accueillit Hypocras avec une animosité moindre, laissant même échapper quelques mots d'une ivrognerie presque cordiale.

Hypocras

Créature

Re : Intrusion ! [Yan]

Réponse 16 vendredi 14 septembre 2012, 05:07:45

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,


Nicolas Boileau, L'Art Poétique


Aucun mot, pour cette fin de journée, n'eut l'honneur d'être ajouté. La tigresse boudeuse, ne se donnant la peine de saluer les performances du satyre que par un air d'approbation muette délivré comme à contrecœur, se détourna de son regard joueur avec toujours un fond de rancœur, qui toutefois, crut discerner l'enjôleur, manquait cette fois d'ardeur. Ensuite, se repositionnant sur son sofa, laborieusement elle se retourna, son corps recroquevillé et logé entre ses bras, puis bâilla. Avisant le temps qui insidieusement s'était écoulé pour en arriver jusqu'à une soirée bien avancée, Hypocras jugea sage de ne rien ajouter, et de son côté, se disposa lui-même à le coucher.

Sa logeuse ne voulant manifestement pas daigner lui offrir d'autre sommier que le plancher, il prit cela sans s'en formaliser. Il avait déjà par le passé dormi avec pire comme coucher, et savait improviser avec ce qu'il avait amené : comme oreiller, sa sacoche rembourrée, et comme couverture, son pardessus élimé, après l'avoir un peu épousseté. Se laissant emporter sans résister par l'atmosphère soporifique de la nuit, il s'allongea aussi confortablement qu'il lui était permis, et pour finir, se fendit d'un simple et poli :

« Bonne nuit. »

Pas de réponse, mais qu'à cela ne tînt : l'altier bouquetin ronfla bientôt avec entrain, dormant d'un sommeil de lambin jusqu'au petit matin.

*       *      *
 *      *       *      *

Et le réveil, malheureusement, ne fut pas aussi plaisant qu'il l'appréciait habituellement. Plutôt que d'être salué par un doux passage d'éponge sur les brumes moelleuses de ses songes, ou par une confuse rumeur alentour, signe d'un prometteur nouveau jour, ce furent les imprécations de celle envers laquelle il était trop bon qui le tirèrent du coton. Pestant dans sa barbe d'un air grognon, ruminant mille jurons et imprécations contre le chaton, sa mauvaise humeur exposa comme suggestion d'aller chercher un bâton, oui mais pour lui mettre une correction. Cependant, heureusement pour nos deux larrons, son humeur bachique lui mit un coup de pied au fion, et à cette nouvelle complication il fit bravement front, en profitant pour poser la condition de changer ses charpies dignes d'une souillon.

Une fois de plus, la compromission fut au rendez-vous, et elle se chargea en pratique de tout, après qu'il fût allé en fouillant dans quelques recoins récolter de quoi appliquer ces soins. L'observant d'un air quelque peu goguenard, il railla en lui-même qu'il avait déjà pu ainsi la toucher sans avoir à montrer d'égards, et se reprit bientôt vite intérieurement : voilà que le confinement récent le rendait d'un tempérament hargneux navrant ! Ainsi, après avoir pris un rapide petit-déjeuner constitué d'un en-cas qu'il avait emporté, il laissa sa protégée s'épuiser à s'exercer puisque c'était ce qu'elle semblait souhaiter, et s'en alla à l'étage boire quelques gorgées et méditer, le temps de se réorienter vers une humeur plus éclairée. Il fallait qu'il l'amène vers un tempérament moins assassin, mais par quels moyens ? Posément, mettant à son service l'expérience des ans, il réfléchit tranquillement, et après quelques temps, il lui vint de nouvelles étapes pour son plan, qu'il salua d'un sourire content.


Ainsi, redescendant en sifflotant, habillé tout nouvellement d'une nouveau vêtement emprunté au précédent habitant en remboursement de sa chemise transformée en pansement, il annonça tout simplement qu'il partait faire un tour un moment, promettant d'être de retour avant le couchant. Jetant un coup d’œil à la farouche belle alors qu'il remettait ses effets de la veille, il se plut à lire fugitivement sur son visage des expressions conflictuelles, qui trouvèrent leur résolution dans une bien étrange (bien qu'explicable) réaction. Voilà qu'elle lui faisait don d'une de ces armes à canon qui lui donnaient tant le bourdon. Il fut sur le point de simplement refuser, mais, trouvant soudainement une utilité à ce terrible jouet, il le glissa parmi ses autres effets. Puis, répondant par la gestuelle à ses remarques pleines de sel, il lui adressa un clin d’œil plein d'assurance, avant de s'en aller avec prestance. Les marchés de Nexus, la ville carnassière, qu'il savait depuis longtemps arpenter sans erreurs grossières, l'attendaient, pour des courses bien particulières...


A son retour, salué par les rayons rougeoyants d'un soleil replet qui lentement du ciel se dégageait, désormais délesté du vil pistolet en échange de la monnaie qu'il avait ensuite dépensée pour faire son marché, il fut étonné de surprendre le chaton en une position qui reçut son enthousiaste approbation. Vautrée au milieu de la pièce sans cérémonie, elle paraissait fixer avec attention quelque objet au-delà des limites de sa propre perception, berçant par le goulot une bouteille dont le contenu laissait peu de place à l'imagination. Des sœurs de la liquoreuse boisson avaient été disposées à titre de provisions, et lorsque Yan remarqua son irruption, elle se tourna brusquement vers lui en marmonnant quelques vagues mots de salutations, avec des jurons étonnamment plus hilares que grognons. Dans son mouvement manquant fort en précision, elle fit rouler un litron de bourbon dans sa direction, que le satyre réceptionna sans précipitation, la débouchant ensuite pour y boire avoir délectation. Voilà désormais une façon de passer le temps qu'il pourrait adopter bien plus confortablement, étant habitué à téter de ce genre de denrées depuis l'âge où il avait appris à marcher, l'art délicat de la bonne biture étant devenu pour lui une seconde nature...

Ainsi, plus tard, tous deux beaux soiffards, respectivement bien imbibés et passablement désinhibés (même si pour le chèvre-pied, cela tenait à humeur enjouée plus qu'à l'ébriété), ils discutaient sans se faire prier, comme deux vieux compagnons de chambrée. Ah, miracle que l'alcool, de l'avis d'Hypocras ! Cette petite merveille si pure révélait à chacun sa véritable nature, sans nul artifice et sans masquer les vices, rendant les grincheux joyeux et faisant même d'un maître du mal un compagnon cordial, comme en était désormais la preuve la jeune tigresse dont l'attitude frisait la liesse. Écoutant sans broncher les anecdotes du faune déchaîné, elle ne se privait pas de glousser devant ses traits d'humour bien envoyés, toute expression de méfiance rude ayant disparu de ses traits transfigurés par la béatitude.

Désormais libre de l'ambiance pesante qui le bridait, le narrateur se lâchait, contait sans en rougir ses méfaits, parlant d'aventures de trépidante piraterie sur les sept mers et dans tous les pays, de clans tribaux centenaires, de flamboyants mousquetaires, de gloire et d'infamie, de bonheurs et d'horreurs, d'interminables chroniques rapportées avec chic. C'était là l'une des spécialités du chèvre-pied, consistant à flouter sans s'en embarrasser la frontière entre réalité et histoire inventée, le cabaretier consommé ne pouvant jamais se lasser d'incessamment esbroufer, tout en jurant toujours ne rapporter que la plus stricte vérité. Contre toute attente, sur une invitation bien placée, la jeunette se mit aussi à se confier, bien que de manière fort désordonnée, parlant de membres d'une sororité autrefois invincible de vaillance, désormais réduite à une infamante impuissance. Les détails étaient confusément tracés, rapportés d'une voix empâtée, traitant de violence à outrance, d'outrage et de rage, de choses que l'on perd, et surtout de colère... la confusion chaotique de ces éléments mis maladroitement bout à bout, dans lesquels l'homme restait toujours un misérable à traîner dans la boue, prit au bout d'un moment fin tout à coup, dans un concerto de ronflements saouls.

Le vieux barde, envahi malgré l'infusion alcoolique d'émotions nostalgiques, prit la peine de porter, dans un élan de bonté, la jeune alcoolisée jusqu'à son canapé, sur lequel elle s'effondra sans broncher. Lui-même, se postant près d'une fenêtre barrée dont les fentes laissées à découvert donnaient sur une ruelle, contempla sentencieusement ce monde cruel, l'amorce d'un feu plus ardent que jamais couvant dans ses prunelles. C'était désormais bel et bien décidé : que ce soit avec un contre son gré, il saurait faire en sorte que sa protégée sache profiter des plaisirs qu'elle avait jusqu'ici rejetés ! Envahi d'un sentiment de bienveillance presque paternel, il en fit à cette occasion le serment solennel, portant un toast à la santé de la tigresse pour sceller cette promesse.

*       *      *
 *      *       *      *

Passons soudain à la journée du lendemain, qui commença de belle manière par un joyeux festin : à son retour d'hier, dans sa hotte, le père Hypocras avait ramené une lotte, qu'il se fit un plaisir d’accommoder d'assaisonnements à sa façon : échalote, cornichon, poivron et oignon, de quoi faire un accompagnement du démon pour ce délectable poisson qu'il présenta à la Terranide éméchée dès qu'elle fut réveillée. Connaissant la confusion à laquelle peut mener un abus de bonne boisson, il s'était fait un devoir de ne pas se lever sur le tard, afin d'avoir le temps d'apprêter un déjeuner digne de la requinquer. Sous le regard de son tuteur bienveillant, qui reçut en retour des coups d’œil méfiants, elle mangea avec une apparente curiosité qui n'avait d'égale que la taille de ses bouchées, si bien que son compagnon de tablée, qui avait pourtant un sacré coup de fourchette, dut se presser sous peine de se retrouver en disette ! Et une fois le repas expédié, fut-ce l'ébauche d'une lueur reconnaissante qu'il put lire dans ces prunelles à la couleur sanguinolente ? Cela ne put s'avérer, car Yan s'empressa d'à nouveau le snober, prétendant devoir vaquer à de plus hautes destinées.

Cependant, il était loin d'en avoir terminé, et, l'incitant à rester en sa compagnie, lui présenta un autre des objets qu'il avait hier acquis : longiligne, droite, fine, et gracieuse comme un cygne, d'une belle teinte brune foncée qui laissait présager un ton flûté délicieusement corsé, ce fut une flûte par ses soins savamment choisie qu'il sortit de son étui. La sauvageonne se rendait-elle compte que pour avoir droit à être éduqué par un mentor du calibre du chèvre-pied, certains auraient probablement tué ? Peut-être en eut-elle l'intuition, ou bien fut-ce à cause du feu de détermination qui se lisait dans ces insondables iris marron, mais elle s'en empara sans omettre d'objection, bien qu'avec un air sur le front qui voulait probablement dire quelque chose comme « Sombre con ».

Ainsi, débauchant en elle une improbable élève, il s'ingénia à lui inculquer le solfège, tour à tour corrigeant, encourageant, démontrant, repoussant avec un dynamisme incessant les limites de son élève impatient. Sans nul doute, en terme de patience aboutie et de pédagogie, cette bataille aurait mérité une médaille, tant le virtuose parvint à la motiver à montrer plus d'assiduité qu'elle n'aurait pu d'ordinaire en tolérer. Cependant, le plus beau satyre du monde ne peut donner que ce qu'il a, et au bout d'un moment, avec dépit et éclat, la jeune fille au bout du rouleau arriva, et ce fut en pestant et en crachant contre l'inutilité et la complexité de cette exercice là qu'elle se désista.


Mais Hypocras, rivalisant pour le coup d'intelligence, avait prévu deux coups d'avance, et voyant qu'elle était en train de se préparer à de nouveau s'échiner à se défouler, lui proposa d'avec lui s'exercer. Sa tactique avait en effet été de cultiver par la musique sa sensibilité, mais le vieux larron s'étant fait la réflexion qu'elle aspirerait surtout à d'autres modes d'expression, il s'était décidé à se sacrifier pour lui permettre de se dépenser, et avec un peu de chance de la mener à mieux le côtoyer. Pénétrée d'incrédulité, puis de malignité, elle proposa à celui qu'elle prenait (pas tout à fait à tort) pour un faux trompe-la-mort, d'endosser pour elle le rôle du punching-ball.

« Soit, si ça peut t'éviter de t'esquinter ! » Répondit-t-il, tout d'une camarade férocité. « Mais je ne resterai pas sans bouger. »

Un instant laissée sur le cul, croyant avoir mal entendu, elle ne laissa cependant pas passer sa chance et, appelant à elle toute sa hargne rance, s'appuya sur sa jambe valide pour un bond rapide qui l'envoya percuter son adversaire mal préparé. Les deux être empreints d'animalité s'en allant à terre rouler-bouler, ce fut à la manière des chiffonniers que la lutte put ainsi s'engager, à coups de poings et de pieds, sans se soucier de quelconques règles à observer. Croyant avoir affaire à une mauviette timorée, Yan fut assez rapidement détrompée, car s'il était vrai qu'il savait très mal boxer, l'ancestral compagnon des bacchantes était d'une robustesse stupéfiante, et d'une rapidité parfois confondante, sachant tirer parti de son expérience forgée par les âges à son avantage. Ainsi, peu doué pour l'offensive, il s'efforçait de se concentrer sur l'esquive, se montrant capable de réactions vives, ripostant avec aplomb dès qu'il en avait l'occasion.

Ah, disons pour autant la vérité toute crue : Yan eut indubitablement le dessus, de par la culture dont elle était issue, et le dur enseignement que de la vie elle avait reçu. Toutefois, prompt, vigoureux et leste, le chèvre-pied ne fut pas en reste, et au final (et bien que cela fut en bonne partie dû au fait que la Terranide eût de base bien mal) tous deux finirent bien défoulés, épuisés et endoloris, le cornu ayant tout de même commis l'acte de chevalerie de ne pas s'en prendre aux chairs meurtries de son ennemie. La pièce résonnait désormais du souffle des deux affalés, l'un rauque et empesé, et l'autre nettement plus léger, mais un grand rire grave et enjoué vint bientôt entrecouper le premier :

« Qu'est-ce que tu me fais faire... » Gronda-il avec une auto-dérision qui ne manqua cependant pas d'aplomb.

Tendant le bras avec un grognement, il fouilla sa sacoche promptement, et en sortit une bouteille au contenu tirant sur le blanc, qu'il siffla goulûment avant un soupir d'agrément. Et pourtant, pour la boisson en question, l'alcool n'entrait pas dans sa composition, car le vieux vagabond connaissait les effets de déshydratation de ce doux poison, qui auraient être fatals après une telle sudation. Non, il s'agissait simplement là d'orgeat, liquide parmi les plus rafraîchissants qui soient, et dont il fit ensuite don à son opposante pour l'inviter à profiter de sa saveur bienfaisante.
« Modifié: vendredi 14 septembre 2012, 16:25:00 par Hypocras »
Ah, les gars d'aujourd'hui ne savent plus faire la fête. Les Bacchanales d'avant, ça c'était le bon temps ! Maintenant, tout ça s'est perdu. Consternant.
Fiche de personnage


Répondre
Tags :