Rencontre professionnel (PV Khareesa)

Les bas-fonds de Nexus ne sont pas vraiment un endroit à fréquenter, que ce soit de jour ou en pleine nuit. Bon, là, on est en pleine nuit. Et puis, y a plus dangereux que les bas-fonds à Nexus... Notamment quand Caïrn est là. Le vieux mercenaire est connu de toute les sales frappes, assassins et de toute sortes d'esclavagistes. Et tout le monde se convient de dire que l'emmerder, c'est prendre trop de risque pour finalement pas grand chose. Trop sauvage, trop imprévisible, et pis si il avait pas ce gros problème de légèrement manger de la viande humaine... Bref, même pour son pesant en or, il vaut vraiment pas la peine. Il vaut mieux l'engager, c'est plus sûr, moins chers en personnel, et pis, vous pouvez narguez vos ennemis en disant que vous avez le célèbre « Dents Écarlates » dans votre escouade de bourrin. Et ça, ba c'est un super argument pour pas se faire attaquer (mais vu que de toute façon, c'est surtout lui qui attaque, c'est pas trop le problème).

Caïrn était donc à Nexus, ce qui est une chose extrêmement rare. D'habitude, il crapahute dans les forêts, en bourlinguant ici et là, et en bourlinguant n'importe qui ou quoi. Étant dans la ville du commerce, il était là pour une bonne raison. Il avait du matériel à vendre, des choses obtenues de façon plus ou moins légalement (tout dépend de votre façon d'interpréter le noble métier de brigand).  Il avait décider également de réparer son équipement, de s'acheter deux trois trucs (qui consiste à des prostituées et 8 tonneaux du meilleur hydromel de Terra) et il s'était pris une chambre à la taverne du Coutelas Tordu, son rade favori. Les clients le connaissait, et le respectait (ou le craignait, mais bon, la limite est subtile avec Caïrn). Il était pas emmerdé, et il pouvait sortir son museau sans craindre d'être attaqué.

En effet, le Coutelas Tordu, bien que repère des pires malandrins et autres spadassins de la pire espèce, c'était également un lieu pour de nombreux Terranides dans le même style que Caïrn (mais étant le plus vieux, le plus talentueux et le plus bourrin (c'est surtout ça qui aide pas mal à la réputation), aucun esclavagiste ne prenait la peine de venir ici, trop risqué...

Le patron était un humain tout à fait charmant, bien que bedonnant, et sa femme était une Terranide respecter et apprécier, que ce soit par la clientèle ou même dans les bas-fonds. Caïrn, raciste comme pas deux envers les humains, respectait néanmoins assez l'homme pour l'appeler l'ancêtre (même si Caïrn est bien plus vieux que lui, mais c'était une marque de respect et ça dissuadait aux voleurs du coin d'emmerder le tenancier). Ce qui lui permettait de rentrer dans l'auberge en commandant son plat favori et une table a l'écart.

La table, qu'on appelait respectueusement « la Table de la Barbarie », était une table suffisamment grande pour que les êtres comme Caïrn accueil ses invités (souvent des clients, ou comme il aimait appelé, des prestataires de service), était recouverte de différents plats, tous occupés par des viandes, qu'elles soient crues ou cuites et ceux, peu importe leurs origines, que ce soit des rognons, du steack et j'en passe, ainsi que de l'alcool à profusion ...

La nuit allait bientôt tomber et les rues se vidaient petit à petit, chacun s'empressant de regagner ses pénates pour prendre un repos bien mérité après une journée de labeur. Aussi personne ne prêta vraiment attention à la silhouette encapuchonnée qui marchait tranquillement. De petite taille, menue, elle n'attirait pas spécialement l'attention et c'était tout ce qu'elle désirait.

Khareesa était entrée dans Nexus non pas par la grande porte mais en escaladant un coin peu surveillé des murailles de la ville. Elle avait vite remarqué que les Drows avaient une réputation plus que détestable à la surface et elle n'avait nullement envie de se faire chasser à coups de fourche et de pierres comme la dernière fois où elle s'était présentée à un village, tête nue. Elle était partie en courant, non sans avoir lâché sur les quelques villageois qui la poursuivaient un globe de ténèbres afin de les désorienter.

Elle entrait maintenant dans les bas-fonds de la cité et, bien que son odorat avait déjà été agressé par la puanteur des ordures jetées dans la rue, du fumier ainsi que l'odeur des rivvin* agglutinés, elle eut une moue de dégoût quand elle sentit l'odeur affreuse qui émanait de cette partie de la métropole. A côté, les bas-quartiers d'une cité drow, c'était le grand luxe !

Au bout d'une heure, elle trouva enfin ce qu'elle cherchait : Le Coutelas Tordu, l'endroit où, selon les quelques renseignements qu'elle avait pu glaner, se trouvait celui qu'elle cherchait. Lorsqu'elle poussa la porte de l'établissement, elle fut assaillie par l'odeur de cuisine, de bière, de sueur et de vomi, la renseignant tout de suite dans quel genre d'établissement elle était entrée.

Extrait du Guide du Routard de Terra :

"Car apprenez que dans tout l'univers il n'existe que trois catégories d'auberges, classées selon la clientèle qui les fréquente et les services qui y sont fournis.
- L'auberge de catégorie 1 est un lieu de passage essentiellement utilisé par des marchands de petite et moyenne extraction. La nourriture y est passable, voire bonne, les lits infestés de punaises et d'autres clients arrivés avant vous, les prix y sont raisonnables. La seule distraction proposée par ce genre d'établissement est la fille de l'aubergiste, invariablement gironde et peu farouche. Le tenancier est quant à lui, en toutes circonstances et quel que soit son sexe, un individu gras, rougeaud, souvent moustachu, qui passe la quasi-totalité de ses journées à essuyer le même verre avec le même torchon, activité incommensurablement ennuyeuse qui explique qu'il ne se fasse jamais prier pour discuter avec le voyageur.
- L'auberge de catégorie 2, aussi appelée " bouge " ou " repaire ", se reconnaît à sa localisation - toujours perdue dans le quartier le plus glauque de la ville, au fin fond d'une ruelle sombrissime, comme si le patron souhaitait avoir le moins possible de clients - et à son nom(1). L'aubergiste est presque toujours de sexe masculin, célibataire, borgne et d'une carrure impressionnante. La clientèle se divise en trois catégories, qui sont les repris de justice, les futurs repris de justice et les évadés. Des distractions variées sont proposées, telles que se battre, regarder les étrangers d'un œil torve, se bastonner, fomenter des mauvais coups dans l'arrière boutique, s'affronter en duels qui dégénèrent, échanger à mi-voix des propos sibyllins, chercher ses dents sous les table. L'hygiène n'étant pas excellente, on peut facilement y attraper des maladies telles que le poignard dans le dos. Le vocabulaire scatologique ne manque pas de mots permettant de décrire assez justement la qualité des mets et boissons servis dans ces établissements.
- L'auberge de catégorie 3 se distingue par le fait qu'elle fournit, outre le gîte et le couvert, des prestations annexes. Les plaisirs du palais n'étant pas forcément la préoccupation première des clients, on constate que la qualité de la cuisine n'est que rarement en rapport avec les impressionnants tarifs pratiqués. Les prestations annexes consistent en musique plus ou moins fine, consommation de substances plus ou moins légales et surtout ces endroits fournissent à leurs clients une (ou plusieurs) agréable compagnie(s) ainsi que diverses commodités et accessoires. Dans le prix des services en question est toujours comprise une obole à l'association de secours charitable aux orphelins de la milice locale."

Le Coutelas Tordu était bel et bien une auberge de catégorie 2.

Elle passa entre les convives, ignorant leurs regards louches, torves. Il n'était pas difficile de deviner qu'une femme se cachait sous cette élégante cape de voyage rehaussée de motifs arachnéens mais son aura de prêtresse de Lolth était suffisamment intimidante pour lui éviter les attentions des clients style main aux fesses.

S'accoudant au comptoir, elle commanda au tenancier du vin, la seule boisson humaine, avec l'hydromel, que son estomac délicat tolérait, et demanda à voix basse :

- Sauriez-vous par hasard si le dénommé "Dents Écarlates" se trouve là en ce moment ?
- Eh, mon gars, on te demande ! cria l'aubergiste à l'intéressé, attablé dans un coin de la salle.

Khareesa soupira : bonjour la discrétion !

* Rivvin : humains ; pluriel de rivvil.

Mâchonnant son dix-huitième jambonneau de Gnoll, il se mit a gueuler entre deux bouchées.

-Si c'est encore une de tes poules, j'te dit non merci, la dernière m'avait filé des morpions la garce !

-Mais non boule de poil, c'est une dame qui te cherche, et à mon avis, pour venir ici, c'est pour un boulot !

Ayant terminé son jambonneau, il commença les entrailles de veau au parmesan et aux herbes, un délice si on n'y connait rien à la nourriture. Mais Caïrn n'est pas vraiment un fin gourmet. Engloutissant les entrailles comme un chien n'ayant pas mangé depuis des mois, il dit, la gueule pleine.

-Putain, fait la v'nir, chuis en train d'bouffé merde !

Le tenancier accompagna donc la femme encapuchonné à la table de Caïrn, qui débordait de victuailles. Ne prenant même pas la peine de se lever pour la saluer, ou même de finir de manger, il la laissa s'installer juste en face de lui. Il remarqua que déjà, elle était pas humaine, rien qu'à l'odeur. Bon, c'était un bon point. Deuxième point important, on pouvait deviner une jolie poitrine. Ce qui aide pas-mal à la négociation. De son oeil valide, il cherchait a deviné quelle espèce était son interlocutrice. Sous ses airs de parfait crétin, Khareesa quand à elle pouvait remarquer néanmoins qu'il devait connaitre son boulot. Mesurant dans les deux mètres vingts, pesant pas loin de 130 kilos et ça, tout en muscle. Une grosse armure de cuir, ornée de pierres précieuses. Mais c'est surtout son épée, juste à côté de lui. Elle devait être aussi grande qu'un humain normalement constitué et elle était aussi large que la table. Comment c'était possible de manier un truc comme ça ?

-Vous voulez grailler un truc ? J'sais que la viande, ça doit pas forcément vous plaire, mais j'peux faire v'nir des légumes si vous voulez.

D'un seul coup, Caïrn aboya, un aboiement fort impressionnant. Sans attendre, une Terra se présenta avec un carnet et un crayon.

-Que voulez-vous prendre madame ? Je vous conseille le plat du jour, il est relativement frais...

Ce qui voulait dire que ça datait de trois bons jours.

-Ou sinon, je peux vous proposer de l'hydromel, qui est le meilleur du coin.

Ce qui voulait également dire que le tavernier ne pissait pas dedans, pas comme ses collègues.
Caïrn, après que la serveuse se soit barré avec la commande, dit directement et avec pas mal de force pour que l'aubergiste entende.

-C'quoi votre boulot ? J'vous préviens, si j'dois bosser avec des humains, c'est l'double, leurs odeurs m'font gerber !

-J't'emmerde, sac a puce !

Caïrn se mit à rire, et sous les yeux de la Drow, il dévora un steak cru. Sans prendre le temps de mâcher, il gobait littéralement le morceau de viande.

-Bon sans rire, vous voulez quoi ?

Du fond de la salle, une voix braillarde surgit, suite à l'appel du tenancier :

-Si c'est encore une de tes poules, j'te dit non merci, la dernière m'avait filé des morpions la garce !

Khareesa tourna son regard dans la direction d'où était venue cette voix et vit, à sa grande surprise, une créature humanoïde pourvue d'une tête de tigre ! Pendant un moment, elle crut qu'elle était un Rakhshasa, un être venant d'une autre dimension et disposant de pouvoirs magiques impressionnants, mais elle chassa vite cette pensée : aucune aura surnaturelle n'émanait de lui ; en outre, les Rakhshasas étaient plus subtils que cela, utilisant leurs sortilèges pour adopter différentes apparences afin de mieux se fondre dans la masse.

Une fois le léger malentendu dissipé par le patron, ce dernier accompagna la Drow vers l'homme-tigre qui était en train de se restaurer, bien que le terme "baffrer" aurait été plus indiqué. Il n'eut même pas un mot de bienvenue pour elle, ne l'invitant pas à prendre place. Khareesa s'installa et observa la créature : elle était d'une taille impressionnante, possédait une musculature puissante et la grande épée qui était appuyée contre le mur n'était pas là pour la décoration. Bref, il semblait taillé pour le travail qu'elle avait pour lui.

- Vous voulez grailler un truc ? J'sais que la viande, ça doit pas forcément vous plaire, mais j'peux faire v'nir des légumes si vous voulez.

Pour toute réponse, elle rabattit sa capuche, dévoilant ses traits fins d'Elfe Noire, ses yeux couleur de rubis et sa belle chevelure blanche. Elle avait choisi d'y aller franco avec ce fameux "Dents Écarlates" et elle attendait avec une certaine curiosité sa réaction.

- Non merci je n'ai pas faim. Si je suis ici c'est pour vous embaucher. J'ai besoin d'une paire de bras solides pour explorer les ruines qui se trouvent au sud d'ici.

D'après certaines rumeurs, un artefact, peut être celui qu'elle cherchait, se trouverait au sein de ces ruines mais l'idée de les parcourir, seule, ne l'enchantait guère. En tant que prêtresse elle disposait de sortilèges redoutables mais certains étaient longs à lancer...

Caïrn mangea son dernier morceau de viande, avant d'attaquer l'alcool. Ne pouvant boire directement avec sa gueule, il prit un morceau de bois, assez fin (de la taille d'un doigt humain) et l'utilisa comme une paille ! C'est ainsi que Caïrn buvait sa vinasse... Original.

Le guerrier écoutait attentivement la Drow, tout en la reluquant au passage... Jolie brin de fille, avec un visage doux et délicat, des seins magnifiques, et un cul qu'on aurait envie de besogné toute la nuit. Caïrn se surpris même d'avoir un début d'érection quand il lui parlait. Cela ne voulait dire qu'une chose : il acceptait le contrat.

-Vous parlez des vieilles ruines à 40 bornes de là ? C'est infesté de bandit sur la route, et pis les ruines sont pas folichonnes... Mais vous proposez quoi pour un gars comme moi ? Parce que votre boulot, c'est pas du travaux de loustic ça, c'est même pour les bourrins dans mon genre, et les bourrins comme moi, c'est cher le tarif, v'voyez, c'est comme les putes du Seigneur d'Ashnard, tout l'monde sait c'qu'on fait, mais personne n'peut nous payés ...

Caïrn souriait. Pour posséder le temps d'une nuit un corps comme celui qui l'engagerait, il était près à aller tuer toute créature qui emmerdait la jolie donzelle...