Croisière en eaux troubles [Zeliel]

Quand l’alarme avait retenti, Bunny n’était plus dans le magasin à proprement parler, mais marchait vers les réserves, sur une coursive inférieure. La patronne du restaurant lui avait délivré un bon de commande, en lui disant d’aller dans les entrepôts de stockage du navire, afin d’aller voir pourquoi une caisse de bouteilles d’alcools n’était pas encore arrivée. Elle avançait donc à travers les couloirs, s’approchant des escaliers, quand l’alarme avait retenti. Le chemin le plus rapide pour monter passait par le pont, et Bunny s’était donc rendue là... Et avait aperçu le navire des raiders, ce pseudo-baleinier qui était bien trop proche.

*Qu’est-ce que ce bateau fiche ici ?  avait-elle alors pensé. Il est bien trop proche...*

Intriguée, Bunny était restée là, à se tenir sur le garde-fou, tandis que les gens s’affairaient. Elle avait ainsi vu les rangées de lance-missiles, et avait alors instantanément compris que ces types étaient tout, sauf des pêcheurs. Et cette alarme qui résonnait brusquement... Est-ce que l’équipage prévoyait une évacuation ? Mais, dans ce cas, pourquoi les pirates n’avaient pas largué un missile en visant le pont de commandement ? Les raiders étaient cruels et impitoyables, mais pas stupides. Un tel yacht devait probablement avoir de hautes lignes sécurisées, et une station balnéaire se trouvait à proximité, avec des vaisseaux capables de rejoindre en moins d’une heure le yacht. Il y avait quelque chose d’anormal par ici... Bunny se décala légèrement, essayant de voir les marins. Ils avaient recouvert avec une bâche les batteries de lance-missiles, mais il était trop tard. Pour le coup, Bunny fut tellement surprise qu’elle ne bougea pas beaucoup, et ne songea pas plus à contacter les autres.

Ce fut Nika, qui, finalement, la contacta. Son oreillette se mit à crépiter, et Chameleon sursauta légèrement. Contrairement aux autres, elle était bien moins courageuse. Elle utilisait sa beauté pour obtenir des informations, mais Bunny ne se battait pas en première ligne. Face à un canon de pistolet, elle se mettait totalement à paniquer.

« Bunny ? Tu me reçois ? »

Nika... Dieu merci, Nika ! Elle avait beau être terriblement chiante, Nika était l’un des piliers de leur organisation. Une femme forte et inébranlable. Soupirant, Bunny s’empressa de lui répondre, sur un ton qu’elle voulait désinvolte, mais qui l’était bien mois que ce qu’elle pensait :

« Je te manquais déjà ? »

Une brève conversation s’engagea.

Quelques minutes après, Bunny paniqua en voyant les bâches retomber, et les batteries se positionner. Elle vit également des hélicoptères se rapprocher, mais savait qu’ils ne pouvaient pas venir de la station balnéaire. Elle avait accès à des cartes nautiques, et savait précisément où se trouvait le yacht. Il ne pouvait pas s’agir d’hélicoptères de secours... Et, quand elle vit les batteries se positionner, la panique s’empara pour de bon de son cœur, et elle se mit à hurler en se cramponnant nerveusement au bastingage :

« Ils vont faire sauter le pont ! Fous le coup ! Bordel, fous le camp ! »

Elle ne fut pas sûre que Nika entendit la fin, car les missiles fusèrent à ce moment précis.

*
*  *

Depuis sa position, Rozalia comprit rapidement que Zephirya n’allait pas. Alors qu’elle se rapprochait, et reprenait peu à peu pied avec la réalité, Redemption put voir que cette dernière tremblait nerveusement, et avait du mal à rester debout. Elle finit d’ailleurs par s’écrouler.

« Zephirya ! »

Est-ce qu’on lui avait tiré dessus ? Elle ne voyait pourtant aucune trace de sang, aucune traînée écarlate... Rozalia essaya de se rapprocher, mais son pied d’appui dérapa sur des débris, et la fit tomber. Elle s’écrasa par terre, et tenta de se relever, s’agrippant à d’autres débris qui se défaisaient sous ses doigts. Lentement, Rozalia parvint toutefois à se redresser, et entendit alors de sinistres craquements... Rozalia parvint à se redresser, et vit un incroyable spectacle devant elle.

Une scène glauque, horrible, et sinistre. Les os de Zephirya étaient en train d’éclater, de se tordre, de se briser, poussant des cris silencieux. Une douleur incroyable l’envahissait, et Rozalia en perdit le souffle. Incrédule, elle voyait le corps de Zephirya devenir flasque, les bras formant des angles étranges, tandis que son corps semblait se liquéfier et se ratatiner sur place. Rozalia se rapprochait lentement. Même la peau de cette femme changeait, se tordant, se fissurant, s’arrachant pour se reformer. Peu à peu, ce corps flasque reprenait forme, donnant lieu à d’autres craquements sinistres qui firent grincer les dents de Rozalia.

Ce bruit... Ce bruit sinistre quand les os se brisaient avant de se refermer. Arriverait-elle un jour à les oublier ? Ce spectacle était d’autant plus lugubre que Rozalia était bien incapable de comprendre ce qui lui arrivait. Lentement, elle se rapprocha de Zephirya, qui était en train de changer de corps. Ses cheveux changeaient, même la couleur de ses yeux, sa taille... Par tous les Enfers, mais qu’est-ce qui se passait ?! Rozalia n’avait jamais vu ça ! Et Overlord n’était pas là pour comprendre ce qui arrivait. Zephirya s’écroula sur le sol, se mettant à cracher un curieux liquide de sa bouche. Rozalia finit par la rejoindre, et fléchit les genoux, l’attrapant par les cheveux.

« Zephirya ? Zephirya ?! Mais qu’est-ce qui t’arrive ?! C'est quoi ce bordel ? »

Que pouvait-elle dire de plus ? Rozalia était complètement perdue par ce spectacle surréaliste !

Du noir… Des ténèbres… Du néant…  Beaucoup de choses viennent de ces mondes là, des bonnes comme des mauvaises. La mort en fait partie, tout comme son opposé, la vie. Tout corps fait de chair finit par pourrir, comme tout esprit fait d’ectoplasme finit par s’évaporer. Pourtant, il arrive parfois qu’une petite étincelle de vie subsiste dans ces derniers. C’est ce que la plupart des gens appelle, la "Non-vie" qui sépare les vivants avec les Âmes errantes et le les morts-vivants. Ce fut le cas d’une ancienne psychopathe nommée Norah Esperanza, tué il y a quelques années à Tekhos Metropolis. En raison d’une quête aussi inachevée qu’oubliée dans ce nouveau présent, cette Âme errante à beaucoup voyagée dans les méandres de la non-vie à la recherche d’un moyen pour disparaître complètement ou de retourner dans un corps fait de chair et de sang. C’est désormais arrivé, dans une lueur d’espoir nommée Zeliel, vaisseau d’Âme créé par les mortels.

Ouvrant doucement les yeux face à sa nouvelle réalité, Norah fut éblouie tant qu’elle n’eut pas l’habitude de fixer tout cela. La tête sur le coté, des gravas, du moins ce qui ressemblait à des gravas. A l’intérieur, une pseudo-migraine due à l’acceptation de son Âme en ce corps. Un bruit ressemblant à des paroles l’harcelait. Ses oreilles commencèrent doucement à s’habituer aux bruits environnants, tout comme son épiderme endormi commençait à transmettre des informations sur les divers contacts qu’il ressentait. La sensation du vent dans la figure, le contact de la peau de l’inconnue avec sa main pendante… Puis ce fut au tour de l’odorat et du goût. Ses poumons commencèrent à battre la cadence quand la sensation très désagréable d’avoir de l’argent fondu dans la bouche. Oui elle était désormais vivante, prête à vivre ce qu’elle avait raté lors de son expédition précédente. Sauf que…

D’un seul et violent coup, elle se mit à tousser tout en criant de douleur, sa tête prête à exploser recevant toutes les informations nécessaire à sa survie, c'est-à-dire ses pouvoir, quelques souvenirs de qui elle était et celles qui lui permettait de marcher, parler, ect… Oui car contrairement à Nathaniel et Zephirya, Zeliel avait toutes ces information là. Donnant un violent coup facilement esquivable vers celle qui la tirait par les cheveux. La demoiselle se dégagea de ce contact dans le liquide argenté qui disparaissait à vu d’œil, pour finalement s’évaporer comme s’il n’avait jamais existé. Remontant difficilement avec l’aide du meuble juste à coté, pour la simple raison qu’elle ne pouvait pas tout faire tout seule pendant quelques longues secondes pour une histoire d’adaptation, son corps se redressa petit à petit jusqu'à fixer Rozalia, d’un air aussi agressif que celui qu’elle avait lors de sa vie précédente. Elle essaye de dire quelque chose mais rien de bien structuré sorti, ressemblant à ce que peux dire un gamin en phase d’apprentissage. Elle retenta une deuxième fois mais sans succès bien qu’on pouvait mieux la comprendre. Ce fut la troisième qui fut la bonne, alors qu’elle se redressa en manquant de trébucher :

- Qui t’es toi ? T’approche pas !

Sa voix avait été aussi agressive que son expression du visage. Si la chasseresse lui était inconnue, c’était parce que les Âmes de Nathaniel et Zephirya étaient temporairement sous le choc, inconscientes. Observant d’une main sur le visage, cachant ainsi un de ses yeux rouge, les alentours, son esprit de psychopathe criminel pris le dessus rapidement. Ses souvenirs en tant que fantôme en plus, elle savait que quelque chose de pas net allait ses produire. Fermant les yeux et quittant son appui, elle chancela légèrement puis ôta sa main de son visage. N’importe qui regardant la scène pourrait être surprise de voir à quel point Norah retrouvait vite ses bases. Attrapant un couteau qui ressemblait plus à une dague dans le tiroir qu’elle avait malencontreusement ouverte en tombant, Norah repris la parole sans quitter son air agressif :

- Je me souviens… Que tu n’es pas une de ces terroristes. Dis-moi où on est et je m’occuperais du responsable de cette mascarade.

Était-ce une forme de polymorphie ? Ce fut ce à quoi Rozalia pensa, ce à quoi son esprit se raccrocha, lorsqu’elle vit une nouvelle femme se relever. Elle était belle, avec une longue chevelure noire et quelques tresses argentées. Mais elle n’avait plus rien à voir avec Zephirya, que ce soit dans la constitution de son corps, sa taille, sa poitrine, son visage, et même ses yeux. La polymorphie permettait de changer d’apparence à la perfection, mais, dans tous les témoignages et autres livres qu’elle avait pu consulter, il n’était jamais fait mention d’un changement aussi... Sinistre. Le corps changeait de forme, et, si ça devait être assez laid à voir, les os ne craquaient pas, et la chair ne se dégonflait pas pour pendre maladroitement. Alors, qu’est-ce que ça voulait dire ? Et, de plus, la polymorphie n’affectait pas la mémoire du sujet ! Zephirya n’avait jamais vu un truc pareil, et son expression faciale témoignait de sa plus totale incompréhension.

La femme avait du mal à parler, et la lumière, pourtant pas spécialement forte ici, semblait la gêner. C’était comme si elle sortait d’un très long coma. Non, décidément, Redemption n’y comprenait rien. Elle aurait eu besoin de la connaissance d’Elaine pour comprendre ce qui se passait, ou de la sagesse d’Overlord, mais les deux anges n’étaient pas sur ce yacht.

« Qui t’es toi ? T’approche pas ! »

Le ton était agressif, véhément, et Rozalia ne comptait pas s’approcher. Elle ne sut pas quoi répondre, tant elle était surprise, et manqua glisser sur l’un des débris. La femme avait quelque chose de dangereux. Rozalia n’aurait pas su dire quoi, et elle regretta plus que jamais l’absence de sa dague tekhane ou de son arc. Elle allait probablement devoir retourner au QG à la fin de cette aventure pour en récupérer d’autres.

« Je... »

Ce fut tout ce que Rozalia parvint, dans son incompréhension, à formuler. Elle avait tout d’un coup peur, sans pouvoir se l’expliquer. C’était comme si Zephirya s’était transformée en une autre personne. Théoriquement, tout était possible sur Terra, mais, pour autant, Redemption n’avait encore jamais vu ça ! Elle vit la femme saisir un couteau de cuisine. L’arme était relativement peu dangereuse, mais Rozalia était blessée, fatiguée, et sa tête lui tournait.

« Je me souviens… Que tu n’es pas une de ces terroristes. Dis-moi où on est et je m’occuperais du responsable de cette mascarade ».

Les lèvres de Rozalia remuèrent brièvement, mais n’émirent aucun son. Elle secoua la tête, et fronça alors les sourcils, commençant à retrouver son contrôle. Elle regarda la femme, sur la défensive, comprenant que cette nouvelle créature n’était pas vraiment une alliée. Son regard était bien trop menaçant, et le ton bien trop agressif. Et, même si Rozalia était blessée, elle était une Héroïne. Elle avait encore du fil à retordre.

« Commence par me dire qui tu es. Ton couteau est bon pour éplucher des patates, mais, contre les terroristes qui se tiennent juste au-dessus de nous, il ne servira à rien. »

Elle ne faisait qu’établir une simple vérité. Les tueurs étaient des professionnels. Ils avaient reçu des formations de combat au corps-à-corps, et un vulgaire couteau domestique ne pourrait guère les menacer. D’autant plus qu’ils avaient des armes à feu.

*
*  *

A l’arrière du bateau, les évènements se précipitaient. Le Pearl étant un yacht de luxe, l’arrière du navire était assez spécial, puisqu’il se composait d’un petit quai flottant en bois :

L’objectif de ce quai était de permettre aux clients qui en faisaient la demande, lorsque le yacht s’arrêtait près d’îles tropicales, ou de paysages particuliers, ou tout simplement pour laisser les moteurs refroidir, de prendre des hors-bords, des jetskis, et d’explorer la région. Tout était bon pour permettre aux millionnaires et milliardaires de Tekhos de profiter de la vie à bord d’un yacht ! Dans la mesure où le quai en bois flottait au-dessus de l’eau par un système assez complexe, il ne gênait nullement le déplacement du gros navire. L’endroit avait naturellement été acclimaté par des terrasses d’observation. En temps normal, c’était un très bel endroit, où on pouvait entendre les pompes des machines, et voir d’énormes vagues à l’arrière.

Ce système n’était pas très sûr, car il constituait une brèche permanente. Le yacht était à l’arrêt, et ce fut par là que le « Thunderstorm » passa. Le petit croiseur de guerre pulvérisa le quai flottant, et s’arrêta à l’arrière, tandis que des passerelles flottantes jaillirent des coursives du « Thunderstorm ». Les raiders déferlèrent alors, en poussant des hurlements de rage, tandis qu’un incendie ravageait le toit du yacht.

L’héroïne était paumée, ça c’est certain. En même temps, comment rester stoïque dans une pareille situation, surtout pendant une tentative de je-ne-sais-quoi de la part de terroriste casse-couilles au possible. En même temps, sans eux Norah n’aurais jamais put rencontrer Zeliel et elle n’aurait également jamais put se réincarner en lui. Mais la tueuse savait que de toute manière, du moins supposait vu le peu d’information qu’elle avait retenue et observée, ceux zigues là n’était pas des gentils petits messieurs du pays des enfants heureux. Les chances pour que s’ils butent le vaisseau des Âmes simplement en se rendant compte qu’il y avait une rescapée était relativement grande. L’autre jeune femme qui se trouvait près d’elle aussi même si elle avait beaucoup moins de respect pour elle que pour le reste. Sûrement sa personnalité refoulée qui commence de plus en plus à faire surface. La chasseresse ouvrit enfin la bouche pour sortir de sa torpeur. Norah pris un air sincèrement triste quand elle lui demanda qui elle était, ne se souvenant de presque rien, comme c’était le cas pour Nathaniel et Zephirya lors de leurs réincarnations :

- Je… Ne me souviens pas. La seule chose qui me vient à l’esprit, c’est le nom de "Norah" et mes pouvoirs. *elle reprend son air agressif* D’ailleurs tu ne devrais pas les sous-estimer. Tssssss…

Ni une ni deux, elle se concentra sur le meuble contre lequel elle venait de se décoller. Elle concentra son regard dessus comme si elle avait toujours fait ça et planta la lame du couteau de cuisine sans effort à un endroit puis sans qu’elle ne fasse vraiment aucun effort, elle découpa tout le meuble en question dont certains morceaux tombaient par terre. La trajectoire choisie semblait précise vu les différents contours pris. En un rien de temps, le meuble en bois qui semblait solide fut tombé en morceau, avec tout le contenu en vrac. La psychopathe avait fait ça sans aucune force particulière apparente, ce qui est relativement troublant quand on ne connaît pas ce don. Ce pouvoir s’appelle "l’œil du démon" et permet de tout détruire sans effort en suivant le trajet de mort de l’objet ou de la personne en question. Bien entendu, il faut avoir le pouvoir pour que cela marche car même si on désigne ou frapper, si on ne le fait pas soi même ça ne marche pas. Se retournant vers la demoiselle qui lui était encore inconnue, elle attendait ses réactions. Alors qu’elle enleva cette foutue lanière qui lui compressait la poitrine, elle reprit toujours de façon relativement agressive :

- Si tu oses dire que je ne sers à rien avec un couteau mal aiguisé, je ne chercherais pas à savoir si tu es une gentille ou non. De toute façon, vu ton humanité, autant dire que tu vas crever si t’affrontes des mecs tirant en rafale dans ta direction.

Marchant vers la seule porte accessible, son regard surveillait par la même occasion Lady, juste au cas où. Ses chances de survies risqueraient d’être égales à zéro si elle ne ferait pas un minimum confiance en Norah, surtout qu’elle avait d’autre pouvoirs sous la manche. Pendant ce temps, Nathaniel et Zephirya commençaient doucement à refaire surface…

La méfiance était de rigueur face à cette énigmatique femme. Elle ignorait totalement qui elle était, ignorait totalement ce qui venait de se passer, et, dans ce genre de situations, l’esprit humain a naturellement tendance à se méfier. On se méfiait du noir, de l’inconnu, des choses inexplicables, illogiques. Le cerveau humain avait cette tendance à toujours devoir rationaliser ce qu’il voyait ou percevait, à se retrancher dans les territoires connus. L’humain était ainsi, avec une peur instinctive de ce qu’il ne connaissait ou ne comprenait pas, car ces choses pouvaient être, et s’avéraient généralement, dangereuses. En l’espèce, Rozalia venait de voir une femme se disloquer et se ratatiner, au sens le plus littéral qui soit, sous ses yeux, pour être reconstruite par une autre femme. Elle se serait presque crue dans un mauvais film tekhan, avec des effets spéciaux bas de gamme, et des ficelles tellement grosses qu’on se demandait si c’était sérieux, ou comique. Redemption était un peu dans cet état d’esprit. Elle était suffisamment lucide pour savoir qu’elle ne rêvait pas, mais son esprit n’arrivait toujours pas à faire les connexions nécessaires.

Étrangement, elle avait une forte envie de vomir. La mystérieuse femme lui expliqua être aussi paumée qu’elle, et son ton avait l’air suffisamment hésitant pour convaincre Rozalia, au moins provisoirement. Elle lui précisa qu’elle croyait s’appeler Norah. Était-ce une forme d’amnésie ? Si oui, alors il était encore plus inconcevable qu’elle puisse utiliser avec tant de talent ses pouvoirs. Elle lui fit une petite démonstration en charcutant un meuble avec son couteau de cuisine. Elle visa les zones sensibles de l’objet, comme Rozalia le constata rapidement en voyant les soutiens du meuble se briser, permettant à ce dernier de s’écrouler.

*Bravo, Norah ! Tu as détruit un meuble qui, de toute manière, était déjà quasiment pété, et ? Des tueurs professionnels, c’est un peu plus dangereux qu’un simple meuble, et une balle entre les deux yeux, c’est fatal dans 99% des cas.*

Elle était sceptique, oui, mais son scepticisme se justifiait. Rozalia continua à fixer silencieusement Norah, et cette dernière reprit. Elle était agressive, dangereuse, mais parlait avec une certaine candeur, une certaine naïveté. Tout avait l’air paradoxal chez cette femme. Dire que Rozalia faisait partie des « gentilles », ça lui rappelait un peu ces gamins jouant dans le bac à sable, ou ces dessins animés avec des héros infaillibles, parfaits, et des vilains tout moches et méchants.

*Si elle était vraiment amnésique, elle ne pourrait pas contrôler sa magie. L’utiliser, oui, mais, entre utiliser un pouvoir magique et le contrôler, il y a une différence.*

Rozalia répondit rapidement en voyant la femme s’éloigner :

« Je crois que ça vaut aussi pour toi. J’ignore quel est ton pouvoir, mais il y a une chose dont je suis sûre : une balle ira toujours plus vite qu’un couteau, même lancé par le biais de la magie. Si tu cherches l’affrontement direct... Norah... Tu y passeras. »

C’était un fait incontestable. A moins qu’elle ne puisse transformer sa peau en pierre, elle n’avait que fort peu de chance. Tout comme Rozalia, soit dit en passant. Leur seule chance était de retrouver les autres Héroïnes dispersées dans le navire. A cette idée, Rozalia sentit un frisson la traverser. Nika ! Elle était sur le toit quand...

*Non, n’y pense pas, c’est une dure à cuire... Elle a probablement réussi à sauter avant que tout n’explose. Ouais, elle a forcément réussi à s’enfuir ! Nika ne meurt pas aussi facilement, ça se saurait...*

Pour autant, Rozalia venait de sérieusement paniquer. C’était dans sa nature, après tout, de s’angoisser pour les femmes dont elle avait la charge. Mais il y avait aussi le problème Norah, et, si Redemption aurait effectivement besoin d’aide pour traverser les lignes ennemies, il fallait encore réussir à lui faire confiance. Et ça, ce n’était pas encore gagné.

« Tu sais comment tu as débarqué-là, Norah ? Où tu étais il y a à peine dix minutes ? Si je te disais qu’il y a dix minutes, il y avait, à ta place, une autre femme s’appelant Zephirya, ça ne te dit rien ? Une femme qui est tombée devant mes yeux en se brisant en mille morceaux, avant que tu ne prennes sa place ? »

Elle l’observait, attentive, méfiante, et bien trop méfiante et occupée pour songer à loucher sur sa poitrine. Elle se rappelait vaguement que Zephirya était énervée par ses petits seins. Or, Norah avait une poitrine relativement plus confortable, ce qui, du coup, amenait ses seins à être comprimée dans ses lanières. Elle les avait donc écartés, et était logiquement seins à l’air. Rozalia entendit alors du bruit venant d’à côté, et pesta. Elle s’approcha de la porte ouverte, et jeta un bref coup d’œil. Personne dans le couloir, mais les tueurs n’étaient pas loin. Elle étouffa un juron, avant de regarder Norah :

« Je ne suis effectivement pas en état de me battre. J’ignore ce qui s’est passé dans ce rafiot, mais l’explosion qui a ravagé le toit m’a fait perdre mes armes, tout en me laissant quelques ecchymoses et autres contusions dont je me serais bien passée. Il faut retrouver Nika... Mais j’imagine que ça ne te dit rien non plus, hein ? »

Tu parles d’un boulet... Rozalia en eut un rire nerveux, et s’écrasa contre le mur, son corps secoué par des spasmes. Comme si cette croisière qui venait de virer en cauchemar ne suffisait pas, il avait fallu qu’elle tombe sur une espèce de phénomène de foire terran.

*Quelle journée de merde...*

Bon… Rozzie n’avais absolument pas sentit quel genre de pouvoir Norah possédait. En même temps, il est très difficile de pouvoir sentir la puissance de quelqu’un sans lui lancer de sorts ou quoi que ce soit. Même elle était incapable de déterminer avec précision jusqu’où pourrait durer ses pouvoirs et avec quelle intensité. Une chose est sûre, le peu de temps qu’elle avait passé dans la partie ombragée de cette cabine à moitié détruite lui avait fait comprendre qu’elle était lié à de l’ombre. Du moins ses dons. Elle avait également noté un ralentissement relativement bref de ce qu’il se passait autour d’elle ? Était-ce lié ? Elle aurait tôt fait de le savoir. Mais ce qui l’énerva le plus, ce fut certainement le fait que l’héroïne la sous-estimait pour ne pas dire "rabaissait".  Ne pas savoir jauger la puissance de quelqu’un peut passer… Mais de là à croire qu’elle se contenterait de lancer un couteau alors qu’elle pourrait faire bien mieux… Les lignes de mort qu’elle voyait ce n’est pas de la gnognotte. Puis sa partenaire recommença à la souler de ses paroles inutiles. Mais ça eut suffisamment d’impact pour la faire s’arrêter. Une… Autre jeune femme ? Sur le coup, Norah était surprise de manière relativement visible. Elle murmura :

- … Pardon ? Quelqu’un d’autre ?

Ce souvenir post-incarnation avait été effacé de sa mémoire actuelle et elle ne pensait pas qu’il pourrait y avoir quelqu’un. D’ailleurs si ça serait le cas, ce quelqu’un serait également présent non ? Bref, heureusement que l’autre demoiselle méfiante au possible ne l’avait pas entendu murmurer sinon bonjour les dégâts. En parlant de la chasseresse, la voilà qui passe devant elle et vérifier si quelqu’un se trouvait là-bas. Bonjour la discrétion… Désormais proche l’une de l’autre, cette situation énervait particulièrement la tueuse qui était à deux doigts de se barrer et laisser Lady seule sans aucune chance de survie. Mais elle ne le fit pas. La psychopathe restait quand même perturbée concernant celle qui "se trouvait là avant elle". Comme pour remuer le couteau dans la plaie, l’héroïne lui parla d’un autre nom qui ne lui disait absolument rien. Mais c’est quoi ce bordel putain !? En la voyant complètement affaiblie, elle ne put retenir de lâcher un "tssss" des plus agressif. Ayant pris en compte le fait que des bruits se rapprochait doucement, Norah fit demi-tour vers les débris. De ce coté là, il n’y avait rien de sonore donc il serait plus simple de passer par là : D’un seul coup, une faible voix résonna dans son esprit :

« Hmmm… Qu’est-ce qui c’est passé… ? »

La tueuse s’arrêta net, couteau prêt à trancher. Puis la voix repris visiblement dans son intérieur, suivit d’une autre d’un ton plus léger, plus serein :

« Hey mais qui t’es toi ? »

« Serais-tu… Celle qui nous à causé des soucis ? »

« J’ai rien causé du tout !!! Puis vous êtes qui bordel !? »

La discussion interne entre les trois Âme en Zeliel dura extrêmement longtemps, ce qui stoppa le corps comme si le temps s’était arrêté pour lui pendant une bonne dizaine de secondes. Ce délai passé, la psychopathe posa le pied au sol et manqua de trébucher, regard entre l’incompréhension et la folie. Donc pour résumer, elle serait entrée dans un vaisseau d’Âme appelle Zeliel contenant deux autres personne et qui changerais d’apparence suivant qui contrôle le corps à ce moment là, et il se trouverait que Norah était une Âme errante qui aurait été morte sans avoir put accomplir un objectif puis attirée en Zeliel ? Cela faisait un peu beaucoup de choses à avaler en une seule fois. Chancelante, elle tomba à genoux, le regard complètement perdu :

- Je… Je serais… Morte ? Et-et…

Même quelqu’un comme Norah n’avait pas réussis à rester sain d’esprit. Nathaniel et Zephirya eurent également un choc similaire quand la première des deux Âmes avait découvert cette terrible réalité. La tueuse se secoua la tête puis entreprit de se lever, encore sous le choc. Elle en profita pour demander tout détail que l’autre demoiselle avait précisé et compris donc les parties manquantes du puzzle. Sentant que Rozzie se poserait davantage de question sur elle, elle entreprit de la dépasser à ce niveau là :

- Okay… Je… Crois que j’ai compris… *elle reprend sa respiration* Apparemment, je suis dans un corps qui servirais de vaisseau des Âmes et Zephirya est une des Âmes de ce corps… *ses deux colocataires de corps commencent à l’engueuler* Toi tu serrais Rozzie. Nika est celle avec qui Zephirya à baisé, et elle m’a parlé d’une Barbie aussi…

On pouvait facilement sentir qu’elle essayait de décompresser, ce qui fut plutôt efficace, la preuve est qu'elle reprend son air agressif habituel. Elle ajouta pour conclure :

- Et Zephirya m’as dis que tu étais une amie à elle. Donc dis-moi où tu pense que tu as laissé tes armes et je me démerderais pour t’y conduire. Tu me fais pas confiance mais sache que je ne laisserait tomber ni les deux autres, ni celle que je protège

Puis elle commença à découper sans aucun effort le métal tombé des étages supérieur pour faciliter un passage, étrangement sans faire aucun bruit. Heureusement qu’il n’y avait aucune conduite d’eau sinon bonjour les traces… Pareil pour le fait que qu'il n'y avait personne d'autre qu'elles dans tout les endroit détectables

La situation partait totalement dans tous les sens. Rozalia ne comprenait plus ce qui se passait, et restait prostrée, blessée, désarmée, et sans moyen de savoir où les autres se trouvaient. C’était provisoire, bien sûr. De toutes les Héroïnes, elle était celle qui avait le plus la tête sur les épaules. Pas du genre à flancher pour n’importe quelle raison, ça non ! Redemption leva la tête vers l’énigmatique Norah, qui semblait... Qui semblait figée. Ses yeux ne regardaient plus rien de précis, et son corps semblait totalement inanimé.

*Allons bon, qu’est-ce qui se passe encore ?*

A sa place, Salvation aurait sans doute compris que Norah et Zephirya étaient des âmes, car tout cela était forcément magique. Et Penelo était une magicienne extrêmement talentueuse. Ce n’était pas le cas de Rozalia, qui se contenta d’attendre, et vit peu à peu Norah reprendre contenance. Cette dernière se mit alors à parler sur un ton absent, et semblait... Perturbée. Et encore, perturbée semblait relever de l’euphémisme pour décrire ce qu’elle ressentait. Norah avait les yeux dans le vague, et avait manqué chanceler, avant de se redresser, et de se mettre à parler. Redemption finit ainsi par comprendre. Un vaisseau d’Âmes... Elle n’en avait jamais entendu parler. Rien de bien surprenant, après tout. Terra était un monde tellement riche sur le plan magique... Elle se dit qu’elle en parlerait à Overlord, ou à Red Armor quand elle aurait l’occasion de les croiser.

Norah continuait ses explications. Visiblement, Zephirya et elle semblaient cohabiter dans le même corps, ce dernier prenant leur apparence physique. Des femmes mortes dont les esprits avaient rejoint un vaisseau d’Âmes... Voilà qui était très surprenant. Redemption n’y aurait jamais cru si elle l’avait lu. Il fallait le voir pour le croire ! Elle entreprit également de se relever. Norah et Zephirya partageaient leurs souvenirs, et elle apprit ainsi l’identité de Rozalia, la surnommant « Rozzie ». Redemption était pour le coup trop perturbée pour la reprendre. La femme poursuivit, parlant de « Nika » et de « Barbie », ce qui fit sourire Rozalia. La femme n’avait visiblement aucune forme de gêne sexuelle, et termina en demandant à Rozalia si elle savait où se trouvait ses armes. La femme enchaîna rapidement, essayant de remettre de l’ordre dans son esprit :

« Ma dague doit être en miettes sous des tonnes de gravats. »

Voilà qui excluait d’office les possibilités de se servir de la dague pour se battre. La retrouver serait difficile, et tout simplement impossible. Rozalia évacua donc cette idée en regardant à nouveau dans le couloir. Ce dernier se mit à tanguer, émettant des vibrations, et elle tourna à nouveau la tête vers Norah.

« Je veux bien croire à ton histoire de vaisseau d’Âmes, même si je n’ai encore jamais rencontré ça. Notre priorité est de retrouver mes amies, et d’élaborer une stratégie. Seules, nous n’arriverons jamais à lutter contre tous ces terroristes. »

Rozalia commença à s’engager sur le couloir. Le plancher craquait sous ses pieds, et elle s’appuya contre le rebord, toujours un peu sonnée. Elle était blessée un peu partout, et, même si les blessures étaient légères et superficielles, elles étaient malgré tout présentes. Rozalia s’arrêta au bout de plusieurs mètres, et tint à faire quelques précisions :

« Au fait... La Barbie s’appelle Bunny, et je m’appelle Rozalia. Nous... Nous formons une équipe qui prenait des vacances. Et... Il y en a une autre, aussi... Ryouka. Le mieux serait de retrouver Nika, car elle est la plus à même de nous aider dans ce genre de situations. »

Ces quelques précisions faites, Redemption se remit à marcher, avançant lentement. Elle arriva à l’embranchement d’un couloir, et avança sur la droite. Les lampes clignotaient, et Redemption atteignit un escalier. Désert. Elle s’avança. Comment retrouver les autres ? Impossible de rentrer en contact avec elles. Rozalia monta les marches. Le bateau vibrait dangereusement, et elle manqua trébucher sur une marche, se rattrapant à la rambarde. La pauvre avait mal à la cheville, et alla se plaquer contre le mur, soufflant lentement.

Ce fut à ce moment, alors qu’elle avait les yeux clos, qu’elle entendit les cris et les détonations. Rozalia rouvrit les yeux rapidement, et grimpa l’escalier, menant sur un couloir avec une fine moquette où plusieurs cadavres jonchaient le sol... Des cadavres qui avaient méchamment souffert. On avait égorgé un majordome, et elle vit une femme pendue par ses propres intestins, accrochée à un lustre. Un spectacle macabre qui provoqua des frissons tout le long de son dos.

« Les raiders... sussurra-t-elle. Putains de tarés... »

Elle vit en effet la signature du clan qui dégoulinait contre un mur. Une musique se mit alors à rugir, et elle perçut les accords de loin, entrecoupés par des coups de feu. Rozalia s’avança en longeant les appartements, consciente qu’il était contre toutes les lois de la survie de se rapprocher des coups de feu. Néanmoins, elle se disait que, si Nika entendait les coups de feu, elle débarquerait aussi. La musique était forte, assourdissante, et elle jeta un regard dans un appartement, entendant des pleurs. Elle vit un enfer rouge de loin.

*Les raiders laissent toujours un enfant en vie...* se rappela-t-elle.

Elle ferma les yeux, et réfréna l’envie de vomir. Les raiders étaient l’expression de la sauvagerie et de la folie les plus absolues. Des psychopathes consanguins et barbares se complaisant dans l’horreur et la haine. Ils étaient la lie de Tekhos, des toxicos complètement défoncés par des drogues dures. Faisant abstraction de la douleur, Rozalia s’avança, se rapprochant d’une salle de spectacle d’où les cris et les bruits venaient, ainsi que les accords de musique. Une musique de rock, dont les paroles étaient à l’image de la scène qui se déroulait :

« You betta run run, I think u betta run pretty baby
you betta run run, I think u betta run pretty baby
You've got a gun, gun
What's up with the gun, a little horny hey ? »

Rozalia s’avança encore un peu, et s’approcha de la porte d’entrée. Un homme arriva alors sur le palier de la porte... Et se reçut une rafale dans le dos, faisant exploser sa main gauche, et une partie de son corps. Des balles énormes, émanant d’un minigun, et qui provoquèrent l’hilarité des raiders. Tremblant, Rozalia fit marche arrière, et grimpa un escalier, atterrissant dans les gradins de la salle de spectacle :

La musique rugissait depuis d’énormes sonos, et Rozalia s’accroupit derrière les sièges bleus. Une bande de raiders se trouvaient dans la pièce. Plusieurs étaient regroupés sur l’estrade, lourdement armés, et tiraient en l’air, ou visaient, avec leurs puissants fusils d’assauts, les fauteuils, tandis que d’autres raiders remontaient, avec des fusils à pompes et des machettes, les rangs. Rozalia comprit ce qu’ils cherchaient : des survivants, jouant à cache-cache. Un raider finit par en trouver deux, un homme et une femme. La tête de la femme explosa en un geyser de sang, et il pointa son arme sur l’homme, qui se mit à courir rapidement vers la sortie, tandis que la musique continuait à rugir, sous l’hilarité des raiders. « YOU BETTA RUN, RUN, RUN !!!! » L’homme avait beau courir, il n’atteignit jamais la porte de sortie, se recevant un tir dans la jambe par un raider chauve avec une longue moustache. Le barbare fumait, et se mit à recharger sa vieille carabine, avant de tirer à nouveau, éclatant l’un des doigts de sa proie.

Rozalia s’abrita derrière le fauteuil. Il y avait encore d’autres gens piégés là, mais elle ne pouvait personnellement pas faire grand-chose, sans arme. Elle se mit à avancer le long des fauteuils, cherchant un cadavre d’agent de sécurité qui disposerait d’une arme. Elle finit par regarder Norah.

« Ce sont des raiders, précisa-t-elle. Les barbares des temps modernes. Folie et cruauté sont les seules règles qu’ils respectent. Je ne peux pas les laisser passer. »

Ils étaient nombreux. Rozalia doutait que le pouvoir de Norah soit suffisant pour tuer tant de gars. Dès qu’ils sauraient qu’il y a deux femmes là-haut, les miniguns et les lance-grenades rugiraient.

*Nika, c’est le moment ou jamais pour que tu débarques...*

Alors que Norah libérait le passage plutôt aisément, la demoiselle avec qui elle partageait cette folle aventure ô combien désagréable enchaîna direct sur le fait qu’elle avait perdu sa dague. La tueuse se dit que ça expliquerait sûrement les types de blessure de cette dernière, ressemblant plus à un écrasement certain plutôt qu’une bagarre mal tournée. Puis après un tangage lié aux dégâts, elle ajouta qu’elle croyait à cette histoire de vaisseau des Âmes. En effet, vu ce qui s’était passé, il n’y avait pas trop le choix. Norah ne l’avait de toute façon pas puisque le corps était bien trop suspect pour être humain. Le passage dégagé, la chasseresse s’engouffra dans le couloir et Norah la suivit, histoire de bien respecter sa promesse. En temps normal, elle en aurait rien eut à foutre de cette gonzesse. Mais Zephirya l’avait qualifiée d’amie. Et donc, elle se devait de protéger cette femme qu’un de ses colocataires de corps considère ainsi, mais si le mot "ami" lui soulevait un peu l’estomac. Le sol s’annonçait comme facilement cassable et difficile à suivre. La tenue qu’elle portait la gênait énormément bien qu’il ne restait plus que les lanières du bas. Heureusement qu’en marchant elle les sens se remettre en place.  Et là, Rozzie fit une petite mise au point :

- Au fait... La Barbie s’appelle Bunny, et je m’appelle Rozalia. Nous... Nous formons une équipe qui prenait des vacances. Et... Il y en a une autre, aussi... Ryouka. Le mieux serait de retrouver Nika, car elle est la plus à même de nous aider dans ce genre de situations.

Donc… Pour résumer, elle se trouvait avec des sortes de justicières sur le bateau pour aller buter des connards ayant investit ce putain de rafiot ? C’est le monde à l’envers pour elle, bien que pour le moment elle ne s’en rappelle pas. Furtivement, les deux jeunes femmes avancèrent pas à pas en évitant de faire trop de bruits, même avouons-le, le tangage en couvrirait pas mal. Sous la lumière vacillante, des tâches de sang et des boyaux disséminé un peu partout. Étrangement, ce spectacle ne provoqua absolument rien de dégoûtant chez la psychopathe qui s’ignore encore. Ce qui l’avait plus attiré son attention, c’était une mélodie. Une putain de mélodie que Norah n’apprécia pas du tout, renfrognant encore plus son air agressif :

- Je vais m’les faire… Je te jure qu’on va se les faire…

Apparemment, l’héroïne n’eut pas entendu. Ce qui n’est pas grave dans le sens où c’était plus une parole en l’air qu’autre chose. Avançant furtivement jusqu'à l’estrade avec Lady, elle constata rapidement un fait. Même si elle essaierait d’aller dans le tas avec son pouvoir, allant d’ombre en ombre pour tuer un a un les types, elle n’aurait pas la maîtrise totale de ce don sachant qu’elle arrive juste en Zeliel. Même ses reflexes acquis puis perfectionné au summum de ses arts assassins ne vaudraient pas plus que celles de Rozalia en ce moment. N’écoutant pas les explications de la miss, Norah se retourna, dos contre siège, et enleva les bandes qu’elle avait aux chevilles et celles de son bassin, se retrouvant presque totalement nue. Il ne restait que de quoi cacher le strict minimum, c'est-à-dire son intimité. Et encore, avec les bandes restantes il suffirait d’un petit moment d’excitation passager pour montrer ce qu’il y a dessous même si ce n’est pas prêt d’arriver, se tournant vers la demoiselle, Norah expliqua tout en lissant les bandes :

- Tu te remets à pisser le sang. Si jamais on nous repère à cause de ça on crèvera en moins d’un battement de cils

Puis elle traficatouilla les parties blessée et les banda sérieusement avec les lanières de cuir pour empêcher tout saignement sans non plus entraver les mouvements. Sur le coup, ça faisait relativement mal, chose que Norah n’avais pas encore connu. En gros, toutes les partie qui saignait plus ou moins ou qui pourrait le faire été bandées, évitant tout soucis de coté là. Heureusement que Norah se fiche complètement d’être pour ainsi dire nue. Grande surprise, une explosion se fit entendre alors que la psychopathe avais resserré une dernière fois le tout de façon rudimentaire. Merde elles avaient été découvertes ? Un peu dur à savoir avec la fumée qui commençait à se répandre. La tueuse reprit son couteau et surveilla à coté d’elle, entre les volées de débris et les coups de feu qui abrutissaient ses tympans… Mais pas vers elles ?

La situation était loin d’être réjouissante. Redemption savait que son sens moral l’obligeait à intervenir, mais elle ignorait comment le faire. Sans aucune arme, il lui était impossible d’affronter cette bande de raiders défoncés aux drogues. Rozalia restait donc planquée, en cherchant quelque chose, n’importe quoi qui soit susceptible de l’aider. Mais, sans son arc et sa dague, et avec ses blessures, elle était quasiment inutile. Agir serait suicidaire, mais s’éloigner serait inacceptable. Un sacré dilemme... Rozalia regarda Norah, et fut pour le coup surprise. Cette dernière était... Elle était en train de se déshabiller !

*Hein ?*

Elle ne comprenait pas ce que cette femme faisait. Elle voulait leur faire un strip-tease ? Qu’est-ce que c’était que cette cinglée ? Elle retira presque tous ses vêtements, n’ayant plus que quelques ridicules lanières sur le corps. Il y en avait une sur chacune de ses jambes, en hauteur, et son dernier sous-vêtement cachant son intimité ressemblait à une autre lanière en cuir. Ses fesses étaient donc à l’air libres. En d’autres circonstances, cette femme aurait été follement excitante. Elle avait une poitrine bien plus développée que celle de Zephirya. Voilà qui risquerait d’enrager encore plus cette dernière... Rozalia se surprit à éprouver de telles pensées dans la circonstance.

Tenant les lanières en cuir, Norah vint vers Rozalia, et cette dernière était bien trop perturbée et sonnée pour l’en empêcher. Elle la laissa la soigner, comprenant que l’idée première de Norah n’était pas de lui faire l’amour. On ne sait jamais, la mort excitait parfois certains cinglés... Au lieu de ça, Norah tentait de panser ses blessures.

« Me... Merci... » lâcha Rozalia dans un souffle.

Ça n’allait pas vraiment l’aider à avoir moins mal, mais c’était toujours ça de pris. Et ça n’aiderait pas non plus les victimes en contrebas. Rozalia serra les poings, et jeta un nouveau coup d’œil. Une femme était terrée, pleurant silencieusement, roulée en boule, et les raiders continuaient à s’amuser. L’un d’entre eux était en train de boire une cannette de bière d’une main, l’autre tenant un fusil. Ils étaient complètement défoncés par des hallucinogènes, des implants, et une éducation de cruauté et de sauvagerie. Redemption comprenait mieux pourquoi Lorenza les traquait sans pitié, et essayait de tous les massacrer. A voir ces psychopathes, il n’y avait pour eux aucun espoir de rédemption. Elle serra les dents. Il y avait également des raiders en hauteur. Elle en voyait deux qui s’avançaient.

*Merde !*

Rozalia retourna s’abriter. Et ce fut à ce moment qu’un projectile jaillit depuis l’une des extrémités de la salle de spectacle, en hauteur. Le projectile était sphérique, métallique, et roula sur le sol, près de l’estrade où les artistes étaient supposés faire leur show. Surpris, les raiders virent cette petite boule noirâtre rouler par terre, et se mettre à clignoter furieusement.

« Bombe ! » s’époumona l’un des raiders.

La grenade était particulière, car elle avait deux effets. Le premier était de commencer par lâcher un jet lumineux et sonore étourdissant à forte portée. Le second fut d’exploser. Et ce n’était pas une petite grenade. La bombe explosa avec force, et déchiqueta trois raiders, leurs membres mutilés volant dans tous les sens. La déflagration qui suivit la bombe balança six raiders dans les airs. L’un des six eut le dos brisé en heurtant violemment un mur, et un autre tomba tête la première. Cette dernière se fracassa logiquement contre le sol. Plusieurs des fauteuils s’envolèrent sous cette explosion, les flammes venant lécher le toit en verre de la salle de spectacle. Les bris de verre se mirent à tomber. Une pluie de cristal qui tomba sur la pièce.

La fumée n’était même pas redescendue que Rozalia entendit les coups de feu. Elle savait de qui il s’agissait. Nika jaillit depuis le couloir où elle avait balancé sa grande, soit en hauteur, ses lunettes la protégeant de la fumée, et ayant ciblé les différents ennemis. Une assistance à la visée très utile. Elle tenait dans ses mains deux Desert Eagle, la technologie tekhane permettant d’amortir le recul. Elle ouvrit le feu de la main gauche, se déplaçant tout en courant. Une balle atteignit la carotide d’un des deux raiders, faisant voler une partie de son cou, et deux autres touchèrent le second, lui éclatant les poumons, et manquant presque le couper en deux.

Sans attendre plus longtemps, Nika courut vers le rebord, posa un pied dessus, et bondit dans les airs, bras tendus en avant, avant d’ouvrir le feu. Pour elle, ce fut comme si le temps défilait au ralenti. Elle descendait lentement, sans vraiment songer aux conséquences, et tira. Ses balles atteignirent deux raiders qui tentaient de récupérer leurs armes, et un troisième qui était entre les rangs. Elle loupa néanmoins beaucoup de ses tirs, et s’écrasa lourdement sur l’un des fauteuils.

« Flinguez-là ! Flinguez cette pute ! »

Les raiders restants étaient énervés, et le corps de Nika glissa entre deux rangées. Les balles rugirent autour d’elle, et elle vit les fauteuils éclater. Killer Boom venait de justifier son pseudonyme, mais larguer une autre bombe était risquée, compte tenu des civils qui se trouvaient là. Elle avait mal un peu partout à cause de ce vol plané, et, couchée, elle entreprit de sortir un antalgique, et l’avala. Il atténuerait la douleur. La femme réfléchit ensuite à une stratégie, et commença à avancer entre les fauteuils. Les balles filaient au-dessus de sa tête, mortelles et dangereuses.

Rozalia, de son côté, s’était déplacée rapidement, allant près des deux cadavres, et en sortit un fusil d’assaut. Elle n’était pas une grande fan des armes à feu, mais, à défaut...

« Ils ne savent pas qu’on est là, alors on devrait pouvoir bénéficier de l’effet de surprise. »

L’idée, pour Rozalia, était de soutenir Nika. Elle remarqua également que les deux raiders tués avaient des couteaux militaires. Voilà qui serait peut-être utile pour Norah. Du moins, elle l’espérait, car Rozalia, elle, serait relativement inutile. Elle tirait comme un manche. Avec un arc, elle était une championne, mais elle n’avait jamais compris le principe d’une arme à feu.

Mais c’était quoi ce bordel ? Bon okay ça avait le mérite de détourner à coup sur l’attention des tarés juste en bas mais ça serait quand même mieux de savoir si cela venait d’un autre ennemis ou d’une des alliés de Lady. L’ennemi d’un ennemi devient souvent un allié non ? Bref, profitant de la situation pour bouger, la psychopathe bougeât sur le coté pour essayer de descendre par les rideaux et prendre par à la petite sauterie. Elle se sentait complètement inutile et ça n’aidait pas à lui faire garder son calme. C’est alors que, toujours en suivant la chasseresse, les deux cadavres armés et salement amochés furent découverts. Chacun contenait une arme à feu, un couteau et une grenade. Norah eut un regard très dérangeant, dans le sens où l’on pouvait voir une lueur d’excitation folle briller dans ses yeux. Jetant de façon très négligée son vieux couteau trouvé apparemment dans un tiroir, elle prit en main un de ceux devant elle, le contemplant comme une œuvre d’art. La garde était presque inexistante, la poignée relativement longue pour une femme comme elle, une lame légèrement incurvée rétractable dans la poignée, quatre faibles espaces conçut pour déchirer la chair sans oublier une pointe malsainement bien aiguisée, tout comme la lame.

Sans plus de retard, et également en ne se concentrant pas sur ce que faisait sa compagne de route, Norah attrapa sa seconde arme et sauta d’un seul bond, chose plutôt étonnante, vers le rideau où elle voulait descendre. L’avantage, c’est que son plan avait très peu de faille. De là où elle descendrait, il n’y avait personne pouvant la voir ou presque et donc elle pouvait passer relativement inaperçue dans ce coin de scène. L’inconvénient majeur par contre serait certainement le même handicap pour la psychopathe, c’es à dire de ne pas voir ce qu’il se passe de l’autre coté. Désormais seule, elle se fraya un chemin entre les cadavres tout sanguinolent et les restes de fauteuil. Quelle dommage que le lustre en hauteur fournisse autant de lumière… La tueuse aurait certainement plus de marge de manœuvre. Bref, toujours en se faufilant derrière les tarés qui ne la remarquait pas, toujours en train d’essayer de buter l’inconnu qui avait donné une belle occasion de rentrer en scène. D’un bon, on plutôt d’une lancée furtive, Norah planta ses deux couteaux dans deux raiders et le bougea d’un seul coup sur les lignes de mort de deux zouaves et les coupa en deux par le torse. Inutile de dire qu’ils étaient morts.

Continuant dans sa course sans s’arrêter, elle rejoignit le coté de là où elle se trouvait il a quelques minutes, mais un cran au dessous, de façon à s’occuper de deux autres raiders trop occupée pour l’avoir. Toujours maniant habilement ses armes, elle se débarrassa des deux autres connards qui l’avaient repérée que trop tard. Pas de chance, d’autres de l’autre coté ne l’avais pas repérée et commençait à pointer leurs flingues vers elles…

« Putain de MERDE !!! »

Planquée entre les fauteuils, Nika était en train de se reculer, s’aidant de ses avant-bras pour tracter son corps en arrière, essayant de ne pas tenir compte des balles qui explosaient tout autour d’elle. Elles étaient assourdissantes, et provenaient d’un peu partout. Nika se mit donc à ramper, jusqu’à pouvoir basculer en arrière. Elle se reçut sur les fesses, et parvint enfin à s’extraire hors des rangs. Elle avait mal un peu partout, mais il ne s’agissait que d’égratignures. Des blessures superficielles, rien de bien méchant. Killer Boom ouvrit enfin le feu, se redressant légèrement pour avoir un bref aperçu de la situation. Ses lunettes ciblèrent toutes les sources thermiques, et elle put ainsi, en retournant s’abriter, prendre un peu plus le temps d’analyser la situation.

Elle avait fait le ménage, indéniablement. Le problème, c’est que les raiders étaient relativement nombreux, et plutôt acharnés. Ils étaient dispersés un peu partout, mais la menace prioritaire restait ceux sur la piste. Un raider avait récupéré leur gatling, et, face à cette puissance de feu, Nika ne tiendrait même pas une seconde. A ce moment précis, la gatling ouvrit le feu, dans un rugissement impérieux qui couvrit la zone. Les balles rugirent, pulvérisant le mur devant Nika, la forçant à s’allonger sur le sol. Les tirs étaient si puissants qu’ils pulvérisaient les fauteuils comme de vulgaires fétus de paille.

« Bordel de merde... » pesta Nika.

Les tirs finirent par cesser. Sonnée, Nika sentait ses oreilles siffler. Le silence qui s’installa après la rafale fut presque surréaliste. C’était le moment d’avoir une idée de génie. La femme était trempée, et commença à vérifier ses chargeurs. Elle n’avait même pas ses propres pistolets, mais des armes qu’elle avait récupéré sur une sentinelle.. Elle avait piqué les bombes dans une caisse d’armement à proximité, mais en balancer une nouvelle était risquée. Il y avait trop de civils dans la zone. Elle disposait néanmoins d’autres petits joujoux qu’elle allait sûrement utiliser.

« On la tient ! jubilait un raider.
 -  Yeeeeeaaaaaaaahhhh, et on la fera frire ! renchérit un autre en tirant en l’air.
 -  Comme une grosse poule ! »

Pauvres garçons... Nika grogna, mais ne répondit pas, trop occupée à réfléchir. Elle ne voyait toutefois aucune solution, si ce n’est qu’elle les entendait s’approcher. Ils étaient confiants, nullement choqués par la mort de leurs potes.

« Elle est sûrement déjà morte... lança un raider.
 -  T’as qu’à aller vérifier !
 -  C’est précisément ce que je compte faire. »

Lentement, Killer ferma les yeux, adossée contre les fauteuils. Pendant ce temps, Norah était en train de descendre le long du rideau, et venait de tuer deux raiders. Serrant les dents, Killer Boom se préparait à intervenir quand les raiders perçurent la présence de Norah.

« Qui a commandé une pute ? » s’exclama l’un des tueurs.

Les raiders ricanèrent entre eux. De son côté, Nika agissait rapidement. Elle avait sorti une grenade, et l’avait marqué d’une balise de ciblage, tout en glissant dans l’une de ses armes une balle électronique, qui se dirigerait tout droit vers la grenade quand elle serait enclenchée. Nika ignorait à qui ces gars faisaient référence en parlant d’une « pute », mais c’était une excellente diversion. Tout ce dont elle avait besoin pour agir.

« Va chier, salope ! »

La gatling se tourna vers Norah, de même que plusieurs raiders. Celui qui s’était avancé vers Nika s’était également retourné. Killer Boom ignorait ce qui se passait, n’ayant rien pu voir, mais en profita pour se rappeler à eux. Elle se redressa d’un bond, et tira une balle qui alla se loger dans le crâne du bandit qui s’était rapproché d’elle, faisant voler une partie de son crâne. Surpris, les autres raiders se retournèrent vers elle, mais Nika fut la plus rapide. Elle tira sur sa gauche, atteignant un autre tueur au genou, et à la poitrine, puis se mit à courir le long des fauteuils. Elle n’avait tiré qu’avec son pistolet gauche, et rangea ce dernier, avant de sortir sa grenade. Elle appuya sur un bouton, ce qui l’enclencha. Elle entendit un signal d’avertissement, et balança la grenade vers la scène de spectacle. La gatling se pointait à nouveau vers elle, et elle visa soigneusement. Sur ses lunettes, un mode d’affichage spécial montrait tout en bleu sombre, seule la grenade apparaissant en rouge clignotant, comme si elle émettait un signal sonore.

Nika prit son temps, et appuya sur la gâchette. La balle fila vers la grenade, et fut déviée de sa trajectoire initiale, s’orientant tout droit sur l’explosif. Normalement, la grenade aurait mis plusieurs secondes supplémentaires avant d’exploser, et, avec ce système, elle explosa pile au-dessus des raiders. Il y eut une belle explosion donnant lieu à des geysers rouges. Dans des hurlements de douleur, les raiders explosèrent, provoquant ensuite d’autres bruits... Ces espèces de bruits spongieux et violentes que les corps faisaient en explosant, quand leurs entrailles s’envolaient dans tous les sens. Les corps mutilés s’envolèrent à droite et à gauche, poussés par la déflagration de l’explosion, ravageant la scène de spectacle. Des traînées de sang vinrent également décorer la pièce.

Killer Boom n’observait toutefois pas le spectacle. La grenade détruite, elle avait sorti ses deux armes, et canardait avec une précision et une rage remarquables les ennemis. Ces derniers répliquaient, mais ils n’avaient pas ses lunettes, et n’étaient pas des spécialistes. Les raiders misaient avant tout sur la peur qu’ils inspiraient, mais ils n’étaient rien de plus que des amateurs, des sauvages aux cerveaux défoncés par les drogues qu’on leur injectait dès la naissance. Elle les abattait sans aucune réelle difficulté, et sans vraiment utiliser les sommations d’usage. Elle atteignit un tueur armé d’un fusil d’assaut entre deux bancs. Une balle le toucha au bras, et une autre entre les jambes. Elle vit également la mystérieuse « pute », une étrange femme nue qui avait visiblement tué deux raiders. En levant la tête, Nika aperçut Rozalia, qui se demandait probablement par quel bout tenir son arme.

Nika abaissa ses armes. Les canons fumaient, quand elle entendit du bruit.

« Lâ... Lâchez-moi !! »

Killer Boom tourna la tête, pointant immédiatement ses armes, et vit une femme apeurée. Un raider se tenait derrière elle, pointant son pistolet sur sa tempe. L’homme semblait complètement paniqué, et Nika pointait ses armes droit sur lui.

«Pi... Pitié ! renchérit la femme. Ne me tuez pas !
 -  Laissez-moi partir, ou je la bute ! »

Nika ne répondit pas, se contentant de pointer son arme. Le raider était malheureusement malin, et déplaçait sa tête de droite à gauche. A chaque fois qu’il reculait d’un pas en arrière, Nika avançait. De cette manière, les deux ne cessaient de se regarder. Killer Boom ne parlait pas, sachant que le moindre mot qu’elle dirait pourrait être mal interprété par son adversaire, et serait susceptible pour lui d’appuyer sur la gâchette. Le raider était tellement paniqué par Nika qu’il en avait oublié la présence de Norah, laissant à cette dernière l’opportunité d’agir.

Putain… Il fallait réagir et vite. Mais comment les mecs torchés à mort par la drogue avaient réussis à la repérer aussi facilement hein ? Le galting devant la face, plein de raiders la regardant d’un œil plus que lubrique, sûrement à se réjouir de la voir presque à poil et d’aller pouvoir la tuer sans trop de soucis. Mais ce fut quelque chose d’autre qui se produit. Alors qu’elle s’apprêtait à faire une esquive suivit d’une roulade pour se planquer entre les sièges, quelqu’un se redressa de dessous les sièges et fit voler une bonne partie de la tête du bourrin le plus à sa gauche. Pas le temps de voir ce qu’il se passait, Norah repartit sous les cadavres de fauteuils pour totalement disparaître de la vue des autres abrutit. Si ces connards là avaient été entrainés pour tuer, ben ils avaient l’air de changer de cible comme de chemises… Ils n’allaient pas faire long feu à ce rythme là. N’ayant pas sentit la blessure sur sa cuisse droite, elle se contenta d’attendre et se releva… Pile au moment où la grenade explosa. Le temps de se couvrir de sang et d’esquiver à nouveau pour éviter de se faire blesser davantage, même si rappelons-le elle n’a toujours pas remarqué sa blessure à la jambe, elle gagne deux bons emplacements de siège :

« Putain de merde ! Tu parles d’un allié. »

« Je crois me rappeler qui c’est… Donne-moi un peu de temps… »

« Va chier conasse. C’pas toi qui est dans la mêlée alors laisse moi gérer ça seule. T’as pigé ? »

Nathaniel ne dit plus rien, restant muette face à tant d’agressivité venant de la nouvelle venue. La cohabitation allait être rude si la tueuse serait toujours comme ça. Et il faut dire que pour le moment, elle n’a pas récupéré toute sa personnalité et ses talents, donc ça risquait sûrement être pire que maintenant dans le futur. Remarquant les lumières vaciller et entendu quelqu’un gueuler, elle releva vite sa tête en regardant autour et vit juste devant elle un raider, probablement le dernier qui se trouvait dans la salle. Rampant sur le coté après s’être rabaissée, la psychopathe ne tarda pas à passer totalement derrière le type. Profitant d’un vacillement de lumière plus long que les autres, Norah bondit littéralement de derrière le type et leva un de ses couteaux pour trancher le bras qui tenait l’arme. Dans sa lancée, le deuxième couteau lui tranche une jambe toujours en suivant les lignes de mort. E oui car même un couteau de ce calibre ne peut pas trancher des os aussi facilement n’oubliez pas. Avec une cabriole destinée à prendre meilleur appui, elle acheva le type en faisant rejoindre ses deux instruments de mort, l’un en passant par le cou et l’autre sur le moignon de la jambe coupé dans une trajectoire trop précise pour paraître aléatoire. Le type finit par tomber en morceau à la vitesse grand V, en moins de trois secondes, montre en main :

« Putain ça c’est le pied !!! »

Le sang gicla un peu, tachant encore un peu plus la peau de Norah. Cette dernière se sentait follement excitée, un peu comme une envie de sexe intense. Son ancienne vie la rattrape petit à petit et ça se voit. Ses yeux rouges luisaient d’une lumière malsaine quand cette dernière revint dans la salle, toujours semi-vacillante. De la poussière tombait du plafond également. Reprenant un peu plus contenance, la civile défaillit pour s’évanouir complètement. Norah était donc face à la flingueuse, un bien belle femme comme on dit même si elle s’en foutait royalement. Sentant qu’on la regardait un peu trop, elle s’empressa de dire :

- Quoi qu’est-ce t’as ? Tu veux ma photo et de la reconnaissance gratuite, pétasse ?

Fronçant lentement les sourcils, Nika essayait de trouver une ouverture, mais le raider était bien trop nerveux. Elle avait son arme pointée. Ferme et froide, Nika ne laissait transparaître aucune nervosité. Les prises d’otages... Elle en avait fait à l’époque où elle était policière. Elle avait déjà été dans les deux positions : celle de la preneuse tenant en joue un criminel pour contraindre les autres à ne pas la tuer, et celle de la simple policière de patrouille qui tombait sur un détraqué prenant en otage sa femme. Elle lisait dans les yeux du raider une terreur absolue, et savait qu’elle ne pourrait pas le résonner. Tout ce qu’elle pourrait dire ne pourrait que l’encourager à tuer la femme apeurée, qui pleurait.

« J’te jure que je déconne pas, salope !! hurla le raider.
 -  Dès l’instant où tu l’auras tué, ta cervelle viendra repeindre le mur derrière toi, répliqua Nika sur un ton calme.
 -  Va chier ! »

La main du raider tenant l’arme tremblait nerveusement. Il avait le doigt sur la gâchette, et, contrairement aux films, la sécurité n’était pas enclenchée. Le coup tuerait à coup sûr la femme. Killer Boom cherchait une faille, prête à jouer le tout pour le tout... Quand elle vit une femme nue derrière le raider, s’appuyant sur un fauteuil. Elle se rua sur l’individu, et planta son couteau sur le bras tenant l’arme. Sous le coup de la surprise, le raider appuya sur la gâchette, mais le pistolet avait bougé, et le tir fila en l’air. La civile fut relâchée, et Nika pointa son arme, mais n’eut pas à faire le feu. Le couteau se mit à cisailler l’homme, et elle resta à bonne distance, le sang se mettant à fuser des plaies ouvertes du raider, dont les hurlements de douleur devinrent rapidement des couinements. Des veines furent tranchées, et le sang fila dans tous les sens. La civile se retrouva avec du sang sur le visage, et choisit, non pas de vomir, mais de tomber dans les pommes, tandis que le raider ne ressemblait plus à grand-chose. Une espèce de folle hystérique à poil était en train de le massacrer avec son arme blanche, fauchant ses jambes, puis ses bras, et continuant à le planter. Nika pointa son arme sur elle, jusqu’à ce que la femme s’intéresse à elle.

Elle avait des yeux rouges, et une lueur de démence brûlait en eux. Nika hésita à faire feu. Le corps de la femme dégoulinait de sang, formant par endroits une espèce d’affreuse seconde peau. C’était un spectacle assez morbide. Killer Boom remarqua alors les lanières de cuir de cette femme, qui lui rappelèrent celles de Zephirya.

« Quoi qu’est-ce t’as ? Tu veux ma photo et de la reconnaissance gratuite, pétasse ? »

La femme l’avait remarqué, et Nika continua à pointer son arme, jusqu’à ce qu’une voix résonne dans son dos.

« C’est bon, Nika. Elle est avec nous. »

Rozalia était également descendue, et balança sur le sol l’arme du raider, qui ne lui servirait à rien. Nika la toisa, et rengaina son arme, toujours aussi méfiante.

« C’est qui, cette psycho’ ?
 -  C’est... C’est assez compliqué à expliquer... »

Nika fronça les sourcils, et croisa les bras. Rozalia remarqua alors que les cheveux noirs de Nika étaient trempés.

« J’ai échappé à l’explosion en sautant dans l’eau...
 -  Ah ! Ça explique tout... »

Killer Boom haussa les épaules. Quand les hélicoptères avaient mitraillé et pulvérisé le toit, elle avait sauté dans le vide. Elle avait atterri dans l’eau, et avait nagé à l’arrière du yacht. Le bateau des raiders était à l’arrière, et elle était passée par là.

« Ce n’est pas un vulgaire pillage... Mais c’est à ça que ça ressemblera aux yeux extérieurs... »

L’esprit de flic... Nika l’avait toujours en elle, et avait rapidement compris qu’il lui manquait des pièces du puzzle. Le commandant du yacht était de mèche avec les raiders, mais, si c’était un simple pillage, pourquoi se donner la peine de filmer le massacre des passagers ? Qu’est-ce que ces criminels voulaient ? Nika avait le sentiment que c’était beaucoup plus gros qu’un vulgaire pillage.

« Tu sais où sont Bunny et Ryouka ? » lui demanda Redemption.

Nika secoua la tête de droite à gauche.

« Les retrouver est ma prochaine priorité. Toi, Rozalia, tu vas te trouver une planque, et ne plus en sortir.
 -  Je... tenta de protester cette dernière.
 -  Tu es blessée et désarmée ! Et ces types, non contents d’être lourdement armés, sont des putains de malades mentaux ! »

Rozalia grogna, mais devait admettre l’évidence. Vu son état, elle ne serait qu’un boulet pour Killer Boom. Elle se tourna alors vers Norah, et constata que cette dernière était blessée à la jambe. Une blessure à la cuisse droite. Elle s’approcha d’elle.

« Tu t’es blessée, Norah. Je... Assieds-toi, je vais nettoyer ça. Ensuite, je pense que je resterai ici... Je vais regrouper les civils, et les armer... Il y a de bonnes positions de tirs, au cas où d’autres raiders débarqueraient. »

Nika hocha la tête, et Rozalia enchaîna en lui expliquant qui était Norah. Killer Boom fronça les sourcils en entendant parler d’une histoire de vaisseau d’Âmes. En tant que pure Tekhane, elle était moins réceptive à la magie que Rozalia, et considéra donc cette histoire avec scepticisme. Néanmoins, Rozalia n’était pas une femme qu’on pouvait aisément duper, et Nika décida donc de la croire. Elle contempla à nouveau Norah... Qui avait donc... Remplacé Zephirya dans ce... Dans une espèce de corps... Nika soupira.

« Je crois que j’ai besoin d’un calmant pour ma migraine... »

Elle s’assit sur un fauteuil, passant sa tête dans ses mains, puis releva la tête, et regarda encore Norah, avant de loucher sur ses seins.

« Toi, je peux te dire que Zephirya va t’envier ton balcon. »

Rozalia se releva, après avoir désinfecté la plaie, mis une compresse et un pansement. Il y avait une pharmacie dans le coin, ce qui lui avait permis de trouver de quoi panser la plaie.

« Et c’est quoi ton plan ? » demanda Rozalia.

Nika haussa les épaules, répondant assez vite :

« Je retrouve ces fils de pute, et je leur explose le cul. »

Elle se tourna ensuite vers Norah :

« Ce n’est pas que je n’apprécie pas le spectacle, mais... Il faudrait peut-être que tu t’habilles un peu... »

Tsss… Ça serait une bonne manière de résumer ce que pensait Norah à ce moment exact. En effet, il n’y avait rien de plus énervant que de sauver quelqu’un, à contrecœur qui plus est, et de voir ce même quelqu’un tomber dans les vapes. Pire, l’autre flingueuse en face d’elle n’avait pas trouvé mieux que de garder le trou de balle, au sens premier du terme, pointé vers elle, prête à faire feu sans sommation si elle en jugerait nécessaire. Heureusement, l’autre faible demoiselle intervenu pour lui dire la position de la psychopathe, c'est-à-dire du même cotés qu’elles. Donc elles seraient alliées ? Ouais bah il faudrait mieux qu’elle ait relâché son flingue plus tôt. S’en suivit ensuite un dialogue entre les deux autres femmes devant elle, parlant de façon subjective de celle qui n’était pas beaucoup habillée et d’autre chose. Couteaux en main, la tueuse n’avait pas d’autre choix que d’attendre même si elle aurait LARGEMENT préféré se tirer d’ici et faire tout en solo. Problème, elle ne pourrait jamais, du moins sans avoir récupéré toutes techniques de combat et dons des ombres.

Marchant pour dissimuler son agacement, une jeune femme habillée en punkette s’approcha pour remercier celle qui l’avait sauvée, du moins la première des femmes à l’avoir fait. Norah ne l’écoutait bien évidemment pas. Ce à quoi la punkette renchaîna encore et encore jusqu'à ce que la psychopathe craque. Ce genre de situation l’avait toujours exaspérée, n’ayant rien à faire de ceux qui n’étaient pas sur sa liste d’objectifs à remplir. Pire, dans le passé, il lui arrivait de tuer des civils juste parce qu’ils lui empêchaient d’avancer, chose dont elle ne se souvient pas pour le moment bien sûr. Lui attrapant le col, agacée comme c’est pas permis, elle lui tint à peu prêt ce langage :

- Écoute-moi bien conasse. SI t’es en vie tant mieux pour toi. Mais sache que si t’avais pas été là, ça n’aurait rien changé. Alors la prochaine fois que tu te feras tirer dessus, continue à chialer dans ton coin et crève si tu sais ne pas te défendre seule.

Et elle balança la demoiselle contre un amas de fauteuil, cette dernière tremblant comme une feuille. Nathaniel en profita pour intervenir, essayant de calmer la nouvelle venue mais ce fut un échec, l’agressivité naturelle de la psychopathe était beaucoup plus forte que toutes celles déjà vécue auparavant. Ca allait apporter du lourd tout ça, surtout que Zephirya qui avait tendance à être du genre à faire ce qu’elle voulait, tête de mule, gamine écervelée et j’en passe et des pas mûres, n’osait même pas essayer. Il fallait juste espérer pour elles que la demoiselle à l’agressivité non-refoulée ne ferait pas tout pour tuer Zeliel, au risque de définitivement mettre un terme à ce qui pourrait être toute une quête de rédemption pour retrouver passé et objectif. 

Alors que la flingueuse venait de terminer un sermon sur la chasseresse, cette dernière proposa de soigner la plaie à la jambe qu’avait Norah. Ne sortant même pas un "Hein ?", elle baissa la tête et remarqua en effet qu’il y avait une entaille. D’où est-ce qu’elle sortait ? Une blessure de ce genre là ça passe pas inaperçu non plus, autant pour elle niveau douleur que pour les ennemis avec le sang qui coulait. Posant son cul sur un dossier de siège, elle laissa la demoiselle aux cheveux ornés de plume le soin de régler ce petit souci, pendant que cette dernière expliqua qui elle était à sa collègue. C’était assez drôle, mais la tueuse ne sentait absolument rien. Que ça soit les doigts, les pansements ou autre chose, aucun contact ne se faisait sentir. Étrange étrange…

Une fois les explications terminées et la plaie pansée, Norah bougea son cul, n’attendant que la suite des opérations. Putain ça ne dépendrais que d’elle, le chef de projet ayant construit cet immonde attentat serait déjà en train de baigner dans son propre sang, morceaux à la mer. Mais comme déjà expliqué, elle ne pourrait rien faire seule pour le moment et aucun autre choix que celui de suivre le mouvement n’était permis. Écoutant ce que les deux autres racontaient, Norah eut un rictus très agressif au moment où Nika lui proposa de se rhabiller, répondant presque aussitôt :

- Va t’faire foutre. Je préfère être à poil pour pas être gênée quand je buterais ces salopards. Donc on y part

Joignant le geste à la parole, elle se dirigea vers la sortie la plus proche n’ayant pas encore été exploité, une de celle de la scène. Sa patience avait expiré et il fallait bouger putain ! Chaque secondes passant pourrait leurs couter la vie, encore plus valable pour ceux qui étaient incapable de se défendre. Bon okay, elle n’en avait rien à branler de es derniers mais c’est juste pour la forme quoi. La tueuse arriva très vite dans les loges complètement défoncées, avec certains cadavres disposés n’importe comment. Non pas qu’elle s’intéressait à ces menus détails, mais chevaucher tout ça avait un avantage, celui de rejoindre le trou béant au plafond pour mieux se repérer. De toute façon, sauf en utilisant son pouvoir, il n’y avait rien d’autre à faire pour passer. De plus, cela pourrait être un excellent moyen de se repérer sans trop se forcer. Crapahutant les décombres comme un singe, elle ne tarda pas à arriver au métal défoncé et s’en servir pour monter. Les prises n’étaient pas peu nombreuses pour facilement escalader le tout. Une fois arrivée en haut, et donc sur ce qui était autrefois le toit des loges, Norah observa les alentour. Des conduit divers étaient tombés non loin, ce qui empêchait toute vue de derrière. En revanche, pas difficile de les voir de l’autre ou d’en face :

- Putain on est où là ?

« Va t’faire foutre. Je préfère être à poil pour pas être gênée quand je buterais ces salopards. Donc on y part »

Suivant cette phrase, Norah leur montra ses fesses, et partit. Nika la regarda, puis haussa les épaules. Rozalia lui conseilla de rester prudente, et Killer Boom se contenta de lui faire un clin d’œil, puis la suivit lentement. Les explosions sur le toit avaient gravement endommagé la structure de l’imposant yacht, et Nika, suivant de près Norah, grimpa à sa suite dans des corridors détruits, des trous sinistres, s’agrippant à des morceaux de tuyaux. De l’eau filait ici et là, et la structure tremblait parfois dangereusement. Le yacht avait indéniablement souffert. Les explosions l’avaient gravement endommagé, se répercutant dans tout le yacht, et il y avait de nombreux cadavres. Cette tuerie glaçait le sang de Nika. Qui avait donc pu organiser ça ? Cette question taraudait son esprit. Il avait fallu aller contacter des raiders, ce qui, mine de rien, n’était pas facile. Et il avait fallu en plus réussir à les convaincre. Il y avait décidément quelque chose qui lui échappait dans cette histoire.

Agile, Norah grimpait rapidement, Nika peinant un peu plus à la suivre. Il y avait des décombres un peu partout, et elles arrivèrent dans un endroit méconnaissable. Nika regarda autour d’elle, s‘extirpant du trou. En hauteur, on pouvait voir le ciel.

« Putain on est où là ? » lâcha Norah.

Nika la regarda brièvement, avant de lâcher, en souriant :

« Dans un yacht qui risque d’être en réparation technique pour de nombreuses années, darling. »

La femme sortit l’une de ses armes. Elle avait récupéré sur les raiders un autre pistolet, ainsi que des chargeurs, et s’aventura à travers des débris, atteignant assez rapidement l’ancien centre urbain du yacht, soit cette partie du yacht qui ressemblait à une petite ville, avec une aire de jeux, un petit square, et des terrasses. Là où, il y a quelques heures, Zephirya les avait lâché en s’énervant. Il y avait des cadavres, des débris, mais aussi des hommes armés. Nika fit signe à Norah de ne rien faire et de se taire en posant un doigt sur ses lèvres. Il y avait une dizaine d’agents armés, qui ressemblaient à des espèces de commandos, et qui étaient en train de s’affairer. A quoi, Nika l’ignorait, mais, plus le temps passait, et plus son imagination commençait à élaborer des idées sur ce qui avait lieu.

« Charges posées, glissa l’un des hommes dans un appareil de communication.
 -  Vous avez réglé le détonateur ? répondit une voix.
 -  La charge explosera dans trente minutes. »

Nika fronça les sourcils. Le commando qui lui parlait avait du activer le haut-parleur, permettant ainsi à l’assistance de l’entendre. Les commandos se relevèrent, et commencèrent à marcher.

« Rejoignez les points d’extraction. Central, terminé. »

Les commandos s’avancèrent alors, s’éloignant lentement. Ils avaient placé des charges explosives un peu partout, et elles émettaient des lueurs rouges, clignotant légèrement..

« Ils vont faire sauter le navire... »

Elle grommela. Nika avait perdu, dans la chute, son communicateur. Impossible d’informer Rozalia, et elle ne se voyait pas rebrousser chemin. Elle préféra regarder Norah, et lui donna quelques explications :

« On les suit. Avec un peu de chance, ils nous amèneront près du pont de commandement. De là, on pourra alerter les civils que le yacht va bientôt péter. »

Se redressant, Killer Boom s’avança le long du pont. Cette partie du bateau avait été un peu moins endommagée, et les commandos s’avancèrent dans un couloir, guère prudents, avançant assez lentement. En longeant ce grand hall par l’un des ponts en hauteur, Nika rejoignit d’autres cabines, et avança lentement, poing sur le pistolet, essayant de les repérer, de trouver des cages d’escaliers.

« Grâce à l’argent de cette opération, je vais enfin pouvoir quitter Tekhos... disait l’un des tueurs.
 -  Pour faire quoi ?
 -  Aller sur Terre, ou vendre mes services àAshnard...
 -  Tsssk... Je compte m’acheter une neko. »

Nika descendit lentement l’escalier, attentive à ne pas faire le moindre bruit, et vit les commandos passer. Elle resta ainsi derrière eux, s’abritant derrière des portes et divers obstacles pour qu’on ne la repère pas. C’était une véritable séance d’infiltration, mais qui se termina quand les mercenaires entendirent des pleurs. Surpris, ces derniers s’arrêtèrent, se regardant entre eux, puis se dirigèrent vers les pleurs. La consigne était de ne laisser aucun survivant.

« Madame ? Madame ? Où êtes-vous, Madame ? Nous sommes ici pour vous protéger. »

De fieffés mensonges, mais on ne sait jamais, il se pouvait que ça fonctionne... Les pleurs émanaient d’une cabine avec, à l’entrée un petit vestibule. Les commandos s’avancèrent, Nika les suivant désormais plus rapidement, prête à intervenir. Laisser une civile se faire tuer ne faisait pas partie de ses plans. Les commandos, de leur côté, étaient au centre de la petite cabine, mais ne voyaient personne. L’un d’eux alla vers la salle de bains.

« C’est quoi, ces conneries ?
 -  Où est cette pute ?
 -  Ici, connard ! »

La voix émanait d’en haut, et les commandos, surpris, levèrent la tête. Nika en profita pour intervenir, pointant ses deux flingues, et fit feu dans le vestibule. Une balle atteignit l’un des commandos à la gorge, tandis qu’une femme jaillissait du plafond, où elle s’était agrippée au lustre, pour filer, les pieds en avant, sur le torse d’un commando, l’envoyant s’écraser contre le mur. Un autre sortit un couteau pour tenter de la planter, mais elle le para avec l’un de ses avant-bras, et envoya son coude dans la gorge de l’homme, avantde le frapper d’un coup de pied retourné. Son autre pied alla ensuite se loger dans la tête d’un autre commando. Nika, de son côté, venait de pénétrer dans la pièce, et profita de la diversion opérée par la femme pour ouvrir le feu.

En moins d’une minute, toute l’escouade avait été abattue. Sans surprise, Nika reconnut sa sœur, Ryouka, et les deux sœurs s’enlacèrent brièvement.

« Tu voulais leur tendre un piège ?
 -  Sur le coup, je me suis dit que c’était une bonne idée...
 -  C’était complètement idiot répliqua Nika.
 -  Je me suis inspirée de tes méthodes de résolution des situations conflictuelles, répliqua-t-elle en croisant les bras.
 -  Tu as encore beaucoup à apprendre, petit scarabée, répondit Nika avec un sourire, en lui tapotant du doigt le bout de son nez.
 -  Alors ça, ma chère, c’est ton point de vue ! Je m’en serais très bien sortie toute seule ! »

Nika sourit lentement, avant de se rappeler la présence de Norah. Ryouka fronça des sourcils en la voyant, lorgnant au passage sur ses seins.

« Joli balcon ! commenta-t-elle.
 -  Tu pourrais pas penser à autre chose ? la sermonna Nika, s’abstenant de lui faire remarquer qu’elle avait eu la même pensée en la voyant.
 -  Une amie à toi, je suppose ?
 -  Je suis une femme très sociable, se justifia Nika. Mais passons, il faut qu’on parle, et le temps joue contre nous... »

Nika expliqua à sa sœur qu’il y avait des bombes partout dans les lieux. Tout allait exploser d’ici une demi-heure, et il fallait, soit désarmer les bombes, soit évacuer. Rozalia était dans l’opéra, mais Killer Boom n’avait pas encore retrouvé Chameleon.

« Il faut se rendre au pont de commandement. Je sais où c’est. »

Ryouka, de son côté, expliqua à Nika qu’elle avait trouvé la fille d’une sénatrice, qu’elle l’avait protégé, et que, selon elle, toute cette histoire dépassait largement une simple attaque de raiders. Sur ce point, Nika rejoignait son avis. Les trois femmes se rapprochèrent entre-temps du pont de pilotage, grimpant pour cela une série d’escaliers qui les amenèrent à côté du couloir menant à la cabine.

« Allez, Messieurs, il faut se dépêcher ! s’exclamait quelqu’un, le Commandant Pershing. Les oiseaux nous attendent sur le pont pour filer de là avant le grand feu d’artifice. »

Nika grogna, observant d’un regard bref la scène. Il y avait l’air d’avoir plusieurs gardes.

« Je recommande de foncer dans le tas » lâcha-t-elle simplement.