Evening wandering [Phoebe]

“ AaAaAaH... bOrDeEeEl... ”

CHAUD. TROP CHAUD. C'est quoi cette planète de merde avec ce temps de merde - on parle bien ici du temps ensoleillé - ? En plus, il fait presque jamais nuit ! C'est vraiment trop naze, la Terre. Pour les deux ou trois jours qu'avait passé Gamzee ici, c'était pas super top. Puis les humains ici sont tous bizarres. Ils se ressemblent tous... ils ont presque tous la même couleur de peau, une étrange couleur chair jaune, et ils sont presque tous bruns. Ils ont même presque tous la même gueule ! C'est peut-être pour ça qu'ils dévisageait Gamzee de la sorte, aussi. Peut-être que le troll n'était pas... « dans la norme », physiquement. Et... peut-être que sa peau grise ne l'aidait pas à s'infiltrer dans la foule. Ni ses cornes jaunes/orangées... ni ses dents taillées en V... ni son maquillage... ni sa tenue négligée...

C'est dur d'être un troll.
À chacun de ses pas, on le dévisageait, encore. ENCORE.

Gamzee s'arrêta devant un distributeur automatique. Entrez une pièce ? Fuck off, dumbass ! Quand on a pas de pièces, on se débrouille avec ses propres moyens...! le troll saisit une de ses fameuses quilles de jongleries, de ses poches quasiment sans fond. Il commença frapper la machine sans aucune retenue, sous le regard horrifié des passants. Oui, bon... on ne frappe pas les innocents... Mais c'est pour la postérité ! Une bouteille tomba dans le réceptacle où tombent toutes les bouteilles. Ce fut avec un sourire satisfait que le clown l'attrapa. WICKED ELIXIR ! Une bouteille de Faygo. Redpop. FUCKIN DELICIOUS ! Gamzee ouvrit la bouteille en poussant un cri étrange, à mi-chemin entre le cri de joie et l'orgasme. Quel drôle de personnage...

Ainsi, penaud, il s'éloigna de la machine, rangeant sa quille dans sa poche et buvant de son « wicked elixir ». C'était... si... libérateur... aaaaamgnmmmmh... ( oula, ça devient bizarre ! ). Le troll s'assit sur un banc, calmement, à l'ombre d'un arbre décoratif. C'était bizarre, y'avait personne autour de lui. Il tourna la tête à droite : personne. Il tourna la tête à gauche : personne. Il fixa la route : presque personne.

Tant pis.

Il continua à boire, à boire, à boire, et la moitié de la bouteille était déjà engloutie. Gamzee la posa à côté de lui avant de sortir une étrange boîte noire de sa poche, cette dite-boîte ressemblant à un tupperware. Le troll l'ouvrit, laissant découvrir une étrange mélasse verte fluorescente gluante et brillante. Le genre de truc qu'on ne boufferait pas. Ben Gamzee, si. Il plongea ses doigts dans le récipient avant de les porter à sa bouche, les léchant avec sa langue semi-reptilienne. D'un coup, comme par magie, il se sentait... encore mieux. Son visage se détendait, et on voyait bien qu'il était en train de planner. Aaaah... Sopor slime... FUCKIN DELICIOUS ! EVEN AT 08:00 PM !

Phoebe n'avait pas pour habitude de se laisser distraire dans son travail. Aussi, bien que les allusions du... Truc à tentacules... Etaient du domaine privé, elle le poursuivit jusqu'à la fin, dans ses derniers retranchements. Ses joues étaient brûlantes, rouge vif. Mais hors de question de lâcher prise. Elle évita à trois reprise un tentacule pervers essayant de se glisser dans son décolleté ou sous sa jupe. Un coup de feu fut tiré, affaiblissant la créature pour un court instant. Court instant fort profitable pour rengainer et jouer du lasso, attrapant du même coup tout les tentacules et empêchant la chose de faire le moindre mouvement. Et elle réussit même, malgré les invitations plus perverses les unes que les autres, à traîner la créature jusqu'à l'arrière de son range-rover. Une bâche par-dessus, et une explication très convaincante pour rassurer les quelques promeneurs ayant entendu le coup de feu.

De retour au commissariat, un commissariat d'allure innocente mais spécialisé dans le paranormal, elle laissa ses collègues emmener le tentaculaire criminel, responsable du viol de trois innocentes lycéennes à présent en état de choc. Elle jeta un coup d’œil à son bureau, à sa montre, et se résigna à commencer son rapport immédiatement. Elle se plongea dans la rédaction, oubliant l'heure qui passait, jusqu'à ce qu'un coup bref frappé à sa porte ouverte la fasse lever la tête. Il était l'heure. Elle hocha la tête, referma le dossier, éteignit la lampe, rangea ses crayons et sortit de son petit bureau. Elle se dirigea alors vers le vestiaire. Autant chacun avait son bureau, autant le vestiaire était mixte. Elle était la seule femme de l'équipe, mais ça ne la dérangeait pas plus que ça. Un coup d’œil à sa montre lui apprit qu'il était sept heure et demi. La soirée était déjà bien avancée. Sans faire attention à ses collègues, déjà tous torse nu ou pire, elle marcha la tête haute vers son casier. Les habituelles remarques grivoises la firent rougir, mais elle ne se détourna pas de son chemin. Elle rougit de plus belle en croisant l'un de ses collègues qui revenait de la douche, pratiquement nu si ce n'est une serviette sur les hanches. Elle fit un écart, mortifiée, et se précipita à son casier qu'elle ouvrit tout grand. Son uniforme quitta vite sa personne, la laissant en sous-vêtement. Un joli ensemble de satin, noir. Malgré les sifflements, elle ne se laissa pas trop déstabilisée et enfila une jupe en jean courte avec un débardeur noir. Elle ramassa ses cheveux en deux tresses lâches, et enfila ses sandalettes avant de claquer la porte de son casier et de mettre une veste en cuir noir.

« A demain ! »

« A demain ma poule... Pense à moi ce soir... »

Elle rougit une nouvelle fois face à son collègue, et gagna la porte à pas vifs. D'autres remarques du genre, de plus en plus osées, suivirent. Comme à chaque fois. Et pourtant, elle n'arrive pas à s'y faire. Elle jette un coup d’œil à son portable. Pas de messages. "Tant mieux.". Elle passe devant un kiosque à pizza, et par l'odeur alléchée, décide de s'y arrêter. Cela fait si longtemps qu'elle n'en a pas mangé... La pizza est dans sa voiture, et l'odeur commence déjà à se répandre. Et pourtant, elle ne pourra pas aller la manger chaude chez elle. Un appel sur la radio la fait soupirer.

« Allô Trésor ! On nous signal un étrange individu après le Carrefour Mao. Je présume que tu es sur le chemin de ton appart, c'est donc toi la plus près, même si ton service est fini. Va voir de quoi il en retourne, et si nécessaire, neutralise la menace avant de l'amener au commissariat. J'espère que tu as ton équipement sur toi. Reçu ? »

« Bien reçu lieutenant. J'y vais. »

Elle jette un coup d’œil dépité à la pizza à côté d'elle, et démarre à nouveau. Le carrefour Mao n'était qu'à quelques rues d'ici. Elle y fut en dix minutes. Elle aperçu presque immédiatement la cause de l'appel de détresse. Un... Homme ? Tout seul sur son trottoirs, se baladait. Alors qu'en face, sur l'autre trottoirs, il y avait une foule de gens apparemment terrifiés, ou tout au moins méfiants. Une dame l'aperçue, et courut vers la voiture.

« Vous êtes de la police ? Hein ? C'est moi qui ai passé cet appel. Cet.. Cet homme... Il n'est pas humain n'est-ce pas ? Et regardez ! Il a détruit le distributeur de boisson ! Avec une... Une quille ! Le distributeur est hors d'usage, et je n'ai pas assez d'argent pour le faire réparer ! »

« Calmez-vous madame. Je m'en occupe. Sans doute un adolescent ayant trouvé un costume particulièrement réaliste qui s'amuse à semer la terreur. N'ayez crainte. Demandez donc à tout le monde de rentrer chez eux, je m'en occupe. Que personne ne me gêne, ou ce sera une arrestation pour entrave à la justice. Et pas un mot aux journalistes... Ils vont encore descendre la police de Seikusu avec leurs remarques acides... »

Elle referma la fenêtre et suivit à distance l'individu suspect. Puis se gara dans une ruelle non loin. Un coup d’œil à sa pizza lui brisa le cœur, mais elle s'en prendrait au responsable. Soit, cet étrange homme. Si c'en était un. Elle ouvrit la boîte à gant et en sortit son holster d'épaule, qu'elle accrocha. Et dans lequel elle y glissa un neuf millimètres. Elle accrocha un spray au poivre et une bombe lacrymogène à sa ceinture, du sel et un flacon d'eau bénite dans sa poche au cas où ça soit un vampire, un pieu dans la ceinture de sa jupe et enfin, un taser à la main. Elle sortit de sa voiture, après un dernier regard de regret envers la pizza qui commençait déjà à refroidir, et verrouilla les portes. Puis, d'un pas léger, elle s'avança dans la rue. L'individu, qu'elle pouvait à présent dévisager, semblait... Planer.

A première vue, on aurait pu dire un costume extrêmement réaliste, et l'attitude laissait tout à penser à un ado en train de s’envoyer quelques substances illicites. Elle-même y aurait cru si elle n'avait pas eu ce sentiment d'oppression, comme à chaque fois qu'un individu n'est pas humain. Son cœur qui se serre, sa tension qui chute comme lors d'un malaise, son sang qu'elle entend battre dans ses tempes et son souffle qui se bloque dans sa poitrine. Elle s'avança encore, et garda une main sur la crosse du flingue dans son holster. Elle plissa les yeux, et interpela l'individu.

« Veuillez vous identifier étranger. Nom, race, origine. Et vous vous lèverez doucement, sans geste brusque, pour venir poser vos mains derrière la tête avant de vous agenouiller au sol. »

Son ton était professionnel, sa voix forte... Il y avait juste la tenue qui clochait. Et la multitude d'objets hétéroclites digne d'un vieux roman de vampires et monstres...

Le récipient était maintenant à moitié vide. Bien que manger avec ses doigts ne soit pas des plus facile, le troll ne lésait pas sur les « parts » qu'ils s'enfilaient. Un troll normal serait déjà étalé au sol, assommé par cette dose de narcotique. Mais pas Gamzee, que l'on pourrait presque considérer comme un « drogué notoire ».

Toujours personne. Étrange, tout le monde semblait éviter Gamzee. Cela ne le perturbait pas plus que ça, de toute façon. L'avantage était qu'il était tranquille et que personne ne venait l'importuner. Même si avoir un peu de compagnie ne l'aurait pas gêné, au contraire, il sait se montrer gentil avec autrui, comme il sait se montrer méfiant et se défendre...

Loin, ô loin, il lui semblait que quelqu'un arrivait. Le juggalo entendait sans vraiment écouter.

“ Veuillez vous identifier étranger. Nom, race, origine. Et vous vous lèverez doucement, sans geste brusque, pour venir poser vos mains derrière la tête avant de vous agenouiller au sol. ”

Intrigué, Gamzee se retourna, sa bouteille de Faygo en main alors qu'il s’apprêtait à boire. Son regard bien que vide ne pouvait pas ignorer la présence de son interlocutrice, une jolie jeune humaine, bien différente de celles qu'il avait bien pu croiser auparavant. Et bien plus mignonne, même si quelque chose semblait intriguer le troll, comme par exemple les... choses qu'elle transportait. Hum... il ignorait ce qu'étaient la plupart de ces objets et surtout à quoi ils pouvaient servir. Cela éveilla sa curiosité... et surtout, une petite angoisse au fond de lui qui se manifesta par un poids dans l'estomac. Le troll déglutit avec difficulté.

“ Ah. ”

C'est tout ce qu'il put répondre dans un premier temps ; perturbé et intrigué, cela se répercutait sur ses pensées. Et... oh. Elle avait un flingue. Ça, Gamzee savait, c'était un truc dangereux. Mais cela ne devait pas justifier le fait qu'il doive lui obéir. C'est vrai, il n'avait rien fait, et cette nana arrive là, limite l'air de rien, à commencer à lui poser des questions bizarres. Ou peut-être que c'est comme ça qu'on se présente sur Terre ? Hum, Gamzee avait des doutes à ce sujet, il était certes pas très malin mais ça n'était pas le dernier des ignares. Sauf que cette donzelle avait un flingue. Un motherfuckin flingue à la con ! Un truc qui peut te faire douiller des heures...

Non en réalité ses pensées n'étaient pas aussi éclairées que ça. Il ne faut pas oublier qu'il venait presque de se shooter. Bon. Il faut quand même agir maintenant, même s'il n'avait plus vraiment conscience du danger.

Gamzee finit par se lever, tranquillement, comme si cette jeune femme n'était pas présente.

“ C'était pas moi. J'le jure. J'ai rien fait. ”

Dit-il le plus naturellement du monde. Le troll se tourna enfin vers l'étrangère, qui devait faire visiblement environ deux têtes de moins que lui. Il semblait prendre une posture facilitant la fuite, maaaais... dans l'état – drogué – dans lequel il était l'empêchait d'être aussi vif que d'habitude. Ainsi, s'il tentait une quelconque fuite, il échouerait, c'était certain. Néanmoins, il tenta un pas en arrière, « le pas du lâche ».

“ Pourquoi vous avez une arme ? Qu'est-ce que vous faites ? ”

Demanda-t-il, intrigué et anxieux, toujours dans l'incompréhension de ce qui lui arrivait.

Phoebe haussa un sourcil. "Ah", ça n'était pas une réponse qu'elle avait l'habitude d'entendre dans ces cas-là. Elle avait eu les menaces "Approches que j'te découpe/défonce/tue/torture/fasse découvrir le plaisir/etc...", elle avait aussi eu la provocation "Tu sais de quoi je suis capable poupée, regarde ces cadavres... Ce qu'il en reste du moins...", elle avait eu l'intimidation "Je peux ruiner ta carrière si tu m'arrêtes, salope !", elle avait eu les pleurs ou lamentations/supplications "Nooon, j'vous en prie, ils vont me faire du mal...", mais jamais encore elle n'avait eu de "Ah.", à la limite du laconique. "Ah ? C'est tout c'qu'il trouve à dire ?".

Phoebe n'en revenait pas. Mais une lueur de compréhension traversa son regard. Il avait l'air drogué. C'était sans doute la cause de ce manque de réaction. Patiente, elle garda l'arme dans son holster mais ses doigts se resserrèrent sur la crosse. Elle n'aimait pas beaucoup les aliens, monstres et compagnie. Peut-être justement à cause de cette sensation oppressante qu'elle ressent en leur présence. Peut-être parce qu'inconsciemment, elle refoule un souvenir de sa toute jeune enfant. Etant donné qu'elle avait environs quatre ans alors qu'on l'a retrouvée en face du commissariat. Tout ça pour dire qu'elle n'appréciait pas ces races non-humaines. Même les Terranides, comme ils sont vulgairement désignés, lui provoque une impression de dégoût, comme un haut-le-cœur.

Lorsqu'il se leva, la jeune flic -enquêtrice dans une brigade dédiée au paranormal- se raidit. Mais elle ne sortira pas son flingue, à moins d'une menace directe. Elle n'aime pas les races non-humaines, mais elle est tout de même plutôt impartial, plus tolérante que ces "chasseurs de vampire" ou autres. Elle reste donc sur ses gardes alors que l'inconnu se tourne un peu vers elle. Un sourcil se hausse, devant l'incongruité de la réplique. "C'était pas moi ? J'ai rien fait ? Pourtant, le distributeur est dans un pitoyable état...". Mais après tout, elle n'avait pas vu la scène à proprement parler. Au contraire. Elle était arrivée après. Mais elle remettait moins facilement en doute le témoignage de l'humaine que du... Monstre ?

Son regard saisit le pas en arrière, comme une tentative de retraite. Ce qui voulait sans doute dire qu'il était, dans une certaine mesure, inoffensif. Dans une certaine mesure. Phoebe n'oubliait pas que ça ne pouvait être qu'une façade, un trompe-l’œil. Toutefois... La blondinette était encline à penser que c'était à cause de l'arme. La réplique de l'inconnu à la peau grise portait à le croire. Et, aussi fou que cela puisse paraître, elle capta l'incompréhension de l'être humanoïde. Et elle ne voulait pas qu'il s'échappe, par peur. D'ailleurs, il ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait arrêté auparavant. Étrange...

« Je... Simple précaution... Je ne m'en servirais que... Si vous adoptez une attitude menaçant étranger. »

Elle s'en rendit compte un peu tard, mais sa voix était dure. Froide. Alors elle essaya d'adoucir ses paroles par un sourire timide et quelques mots rajoutés d'une voix plus cordiale.

« Qui êtes-vous dites-moi ? Et qu'êtes-vous ? »

Elle n'avait pas confiance, non. Mais elle ne pouvait tout de même pas se lancer dans une course poursuite alors qu'elle n'était pas équipée pour. Ses sandalettes, dont le talon était de cinq centimètres à peine, allaient la ralentir. Et sa jupe en jean ne permettrais pas de se mouvoir ainsi qu'elle le voulait. Alors mieux valait "rassurer" la créature. Avec une grimace d'appréhension, d'ailleurs, elle éloigna sa main de son holster, délaissant la crosse de son neuf millimètres. Dangereux selon les règles de la police. Nécessaire selon la situation.

« Je... Ne suis pas là pour... Pour te faire du mal... Pas si tu ne m'y obliges pas... »

Sans s'en rendre compte, elle était passée au tutoiement. Sa voix avait baissé d'un octave, et son ton était à présent plus chaleureux. Rassurant.

Bon. Peut-être que ça n'allait pas si mal se passer que ça. Pourtant, Gamzee la sentait hostile, froide. Presque... supérieure et dédaigneuse. Peut-être même du dégoût, mais ça, il n'était pas encore assez lucide pour s'en rendre compte.

“ Qui êtes-vous dites-moi ? Et qu'êtes-vous ? ”

Ah, là c'était un peu mieux formuler que précédemment. C'est sûr que ça donnait plus envie au caprin de répondre.

“ Je m'appelle Gamzee. Et je suis... je suis un... un troll, comme... tu peux le voir. ”

Bien sûr que Gamzee accepte le fait d'être un troll, il ne le nie pas, mais avouer que l'on est un est plus... difficile. Les trolls ne sont pas vraiment des êtres acceptés ou très aimés... dire que l'on est un troll ne fait qu'apporter des ennuis : chose dont Gamzee n'en avait aucunement besoin en cet instant présent. Il essayait aussi d'éviter de jurer trop, cela ne pouvait être que bénéfique, mais en revanche, comme il ne connaît pas le vouvoiement, il passait déjà au tutoiement. C'était tout à fait normal, pour lui, en revanche pour les humains, ça ne devait pas être la même chose.

“ Je... Ne suis pas là pour... Pour te faire du mal... Pas si tu ne m'y obliges pas... ”

Le troll avait l'impression qu'en réalité, la jeune femme ne lui voulait pas de mal. Bon... il est un peu naïf et un peu shooté, là. Mais peut-être que ça n'était pas qu'une impression. Enfin... peut-être. Au fond de lui, il voulait rester méfiant, mais... il n'y arriverait pas.

“ Et toi, qui es-tu ? ”

Enchaîna-t-il tout naturellement, après tout, c'est comme ça que ça marche chez les humains ? Quand on vous demande votre identité, vous devez demander celle de votre interlocuteur, non ? Bah voilà, c'est fait. Gamzee aussi étira ses lèvres en un sourire, dévoilant quelques unes de ses dents blanches et pointues.

“ Puis pourquoi j'te ferais du mal ? Tu m'as rien fait, j'ai aucune raison de t'attaquer ! ”

Ça se tenait, comme discours. Puis Gamzee n'avait blessé personne – enfin pas encore. Néanmoins, il décida plus approprié de faire comme la nana en jupe lui avait demandé : le troll vint poser lentement ses mains sur sa nuque. « Une simple mesure de précaution », comme la jeune femme avait dit.

Le regard de la flic observa tout. Des cornes de l'individu, à son teint, ses dents, etc... Et elle tressaillit à peine alors que la réponse à sa question tomba. Un troll. Un... Troll... Étrangement, elle n'avait pas cette vision là des trolls. Étrangement, elle les voyait plus comme les Orcs du film : Le Seigneur des Anneaux. Film qu'elle a regardé entre deux bières avec ses collègues, lors d'une soirée censée être festive, mais où il manquait la plupart des convives. Alors son regard s'écarquilla. Sa position raidie se détendit, et elle ne songea pas à rester sur ses gardes. Ses collègues la rabroueraient, mais elle s'en fichait. Elle était là. Pas eux. Juste elle. Et le troll... Gamzee...

Elle porta une main à son cœur, sentant la tension se relâcher, et respira mieux. A chaque fois, c'était la même chose. L'oppression durait. Un moment. Puis s'évanouissait. Comme si un être supérieur voulait être sûre qu'elle était bien au courant que l'être en face d'elle n'était pas humain. Oui elle l'était. Et la sensation venait de s'évanouir. Comme elle était venue.

« Moi ? »

Elle ne s'y attendais pas. Elle resta quelques secondes silencieuses, avant de prononcer, entrecoupé de quelques hésitations :

« Phoebe... Agent Phoebe... De... De la Brigade du paranormal... »

Elle esquissa deux pas vers Gamzee, encore un peu méfiante, puis s'arrête. Surprise. Il était... Anormalement honnête pour un non-humain... Pour un troll... Il faut dire qu'elle avait des préjugés. Sans doute faux pour la plupart, mais que les criminels non-humain avaient renforcés. "Mais... Gamzee n'est pas un criminel... Pas encore...". Pour la première fois de sa carrière, de sa vie, elle avait des doutes. On l'avait envoyée sur place parce que c'était la plus près, mais... Pourquoi avait-on alerté la police ? Pour la simple présence d'un étranger bizarre venant d'exploser un distributeur de boisson ? Un adolescent ayant fait ça se serait juste fait sermonné. Pas besoin d'appeler les flics...

« Tu as raison... Je... Permets-tu que je te fouilles ? Juste pour m'assurer... Que tu n'aies rien de dangereux... ? Pour... La procédure... »

Elle balbutia ses paroles, peu sûre de vraiment devoir les appliquer en fin de compte, ne sortant même pas les menottes de sa poche. Peut-être qu'elle culpabilisait. Ou bien qu'elle prenait conscience du ridicule de les sortir alors qu'il n'était pas menaçant. Elle attendit sa réponse, étrangement anxieuse.

Agent ? Brigade du paranormal ? Gamzee n'avait aucune idée de ce que cela pouvait bien signifier.

“ Enchanté, Phoebe... ”

Ça encore, c'était sorti tout naturellement, bien que le « enchanté » soit quelque peu ironique vu la situation légèrement tendue. Son regard descendit sur ses pieds ; elle avançait, lentement, comme pour ne pas l'effrayer.

Il ne s'enfuirait pas.

“ Tu as raison... Je... Permets-tu que je te fouilles ? Juste pour m'assurer... Que tu n'aies rien de dangereux... ? Pour... La procédure... ”

Gamzee n'est pas quelqu'un de dangereux, pas quand il est camé. Il a juste... beaucoup de force, ce qui l'arrange dans certains cas.

“ Hum... j'pense pas trop avoir le choix, si c'est la... « procédure ». Vas-y. ”

Annonça-t-il, résigné. Le troll poussa un soupir avant de lever les yeux au ciel. Cette Phoebe allait s'amuser à fouiller ses poches presque sans fond... mais il était sûr de n'avoir rien de dangereux sur lui. En tout cas... pour un humain, ça ne semblait pas dangereux. Qu'y avait-il dans ses poches ? Ses quilles - des quilles toutes à fait normales -, quelques pièces de monnaies terriennes, des klaxons, des trucs ramassés par terre... des trucs, quoi.

En vrai, il s'inquiétait. Qu'est-ce qu'elle allait faire de lui ? Alors ça... aucune idée... en tout cas, il était presque sûr que ses vagabondages à l'extérieur étaient terminés. Il maintenant toujours ses mains à l'arrière de sa nuque.

“ Par contre... j'veux pas qu'on m'prenne quelque chose. Ce qui est à moi... reste à moi. ”

Sa voix se faisait un poil gênée, mais Gamzee était catégorique ; on ne lui prendrait rien. Peut-être que dans ce cas-là... il saurait se montrer plus convaincant. Par la force. C'était peut-être pour ça qu'il était gêné...

Elle avançait à pas lents, soucieuse de ne pas paraître précipitée et menaçante. Ses mains avaient la paume vers le sol, sans aucune intention d'aller se saisir de ses armes. Elle sourit doucement, rassurante. Et elle s'avançait toujours, jusqu'à être à côté de Gamzee. Le troll était un peu plus impressionnant vu de près, mais n'avait toujours pas d'intentions belliqueuses. Elle hocha la tête, acceptant par là de ne rien lui prendre. Elle allait juste passer ses mains contre son corps, palpant à travers les vêtements. Elle reconnaîtrait aussitôt la forme d'une arme à feu. Elle y avait été habituée.

Elle commença à s'accroupir, puis passa ses mains sur les chevilles du troll. Elle remonta le long des jambes, attentive, mais ne trouva rien. En arrivant au niveau des poches, elle sentit différents objets. Pas vraiment des choses menaçantes. Il lui sembla sentir des quilles, mais elle n'était pas sûre. Elle passa outre, contrairement à la loi qui aurait voulu qu'elle vérifie, et remonta encore ses mains, atteignant les hanches. Rien non plus. En remontant toujours, elle ne trouva rien d'autre de notable, et finit par s'écarter d'un pas.

« C'est bon. Tu peux arrêter de croiser les mains dans la nuque. Je... »

Un bruit retentit. Une mini-sonnerie. Et un vibreur à sa ceinture. Elle jura à vois basse, et s'excusa :

« Deux secondes. J'ai.. Un appel. Bouges pas... S'il te plaît. »

Et elle fit volte-face, s'écartant encore de quelques pas en se saisissant de son portable, un de la marque Motorola. Le Defy. Vous savez, celui qui résiste à l'eau et aux chocs... Elle décrocha.

« Oui ? »

« Trésor ? Du nouveau ? »

« Pas vraiment Lieutenant. L'appel était... A propos d'un gosse déguisé qui se croyait tout permis. Rien à signaler, ni non-humain, ni E.S.P.er. »

« Sûre ? Bon. J'ai déjà envoyé Adams sur tes traces. Renforts au cas où. J'vais l'appeler. Mais il doit bientôt être arrivé. »

« Adams ? Oh.. Très bien. Je lui dirais alors, s'il s'arrête par ici. Je ferais mon rapport demain. Bonne soirée Lieutenant. »

Après d'autres politesses, Phoebe coupa court à l'échange et rangea son portable. En se tournant vers Gamzee, elle se demandait toujours pourquoi elle avait menti. Pourquoi elle n'avait pas dit qu'il y avait un non-humain sur les lieux. Peut-être parce qu'elle était sûre qu'ils n'allaient pas se poser de question et embarquer l'intrus. Peut-être parce que le troll l'intriguait. Peut-être qu'elle avait senti qu'elle ne craignait rien pour le moment, qu'il était comme inoffensif. Dans tous les cas, elle avait dissimuler sa présence.

« Tu... Tu ferais mieux de te cacher... Un... Un de mes collègues va arriver, et... Enfin, c'est le genre à obéir strictement aux ordres... »

Adams était du genre à foncer dans le tas oui. Et il haïssait les non-humains et E.S.P.er. L'un d'eux avait tué sa femme et ses enfants. Il n'avait plus aucune pitié pour cette engeance. Et il était du genre à faire passer sa vengeance avant tout.

« Pourrais-tu... Cependant... Rester dans le coin ? J'aimerais... J'aimerais en savoir plus sur toi... Si ça ne te gênes pas... »

A ce moment, un bruit de moteur la fit se retourner, et elle espéra que le troll serait suffisamment vif pour aller se cacher. Se dissimuler aux regards.

Le troll déglutit avec difficulté. Il n'avait rien à se reprocher, pas le moins du monde, mais c'est un peu comme quand vous êtes à l'aéroport et que vous devez passer le contrôle de sécurité. Vous ne portez ni flingues ni armes, mais vous flippez votre race avant de passer le portillon. Vous avez peur que ça sonne, qu'on vous plaque face contre terre et qu'on vous cite enfin vos droits avant que la brigade de douane vous envoie en taule. Non, en fait c'était exactement ça. Gamzee avait peur de finir à la place du dit-innocent, la gueule contre les pavés crades de la rue alors qu'il n'avait rien fait...!

Mais tout s'était mieux passé que ce qu'il pensait. Même s'il trouvait étrange les manières terriennes, quant aux fouilles... D'où il venait, ça se faisait « à la barbre », en même temps : ce sont des trolls, ils ne connaissent pas vraiment la délicatesse et la douceur. Bien que Gamzee soit un troll bieeeen différent des autres par son caractère tranquille, il savait se défendre, et même très bien. En réalité, il est tout aussi dangereux qu'un troll lambda – enfin non, il est plus dangereux qu'un troll lambda. Il poussa un soupir de soulagement quand l'agent s'éloigna de quelques centimètres. Soulagé, comme encore ce même type qui venait de passer le portillon de l'aéroport avec succès. Sans que ça sonne.

Alors que Phoebe recevait un appel, le caprin croisa les bras et regarda autour de lui : pas vraiment grand monde, encore. En même temps, il se faisait tard, hein. Même si au contraire, ce beau temps d'été devrait être une bonne raison de sortir. Gamzee écouta la conversation de la flic avec peu d'attention, après tout, cela ne le regardait pas. Mais quelque chose capta son attention « ni non-humain » ? … Quoi...? Là, il devait avouer qu'il ne suivait pas vraiment ce qui se passait.

Finalement, elle raccrocha son portable avant de se tourner vers lui.

“ Tu... Tu ferais mieux de te cacher... Un... Un de mes collègues va arriver, et... Enfin, c'est le genre à obéir strictement aux ordres... ”

Gamzee acquiesça  furtivement, et il était sur le point de tourner les talons quand elle ajouta :

“ Pourrais-tu... Cependant... Rester dans le coin ? J'aimerais... J'aimerais en savoir plus sur toi... Si ça ne te gênes pas... ”

Il lui adressa un dernier regard, balbutiant un « merci » maladroitement. Le troll détala plus que furtivement, empruntant une ruelle adjacente à celle-ci. Au moins, ça il savait bien faire : courir. Malgré son état actuel... il était grand, il avait de grandes jambes, alors cela n'était pas un véritable problème. La problème était le stress, la pression. Il avait beau s'éloigner, le son d'une de ses étranges machines humaines s'approchait encore. Ne pas se retourner... ne pas se retourner...

Cherchant à se dissimuler au mieux. Gamzee tourna à gauche à une intersection à une distance plus que raisonnable de son point de départ. Malheureusement pour lui, cette intersection le mena à un cul de sac à son plus grand désarroi. Par réflexe, il s'enfonça jusqu'à fond de ce cul de sac et il regarda autour de lui. S'il faisait demi-tour, on le verrait sans doute. Le troll devait faire vite... tant pis, il décida de se cacher derrière une énorme benne à ordure, de couleur noire, ce qui était idéal pour lui pour se dissimuler compte tenu de ses habits sombres. Il s'assit derrière l'énorme machin et il replia les genoux contre son torse.

Et si on le trouvait quand même...? Non... il ne faut pas penser à cette éventualité là... Le monde humain, c'est trop de stress. Gamzee pensa alors à cette jeune femme, Phoebe, histoire de penser à quelque chose de plus positif. Elle le sortait d'un sacré pétrin, en y repensant... c'était... gentil. Sans doute qu'elle devait être quelqu'un de bien, alors. Dorénavant, il saurait que c'est quelqu'un de confiance. Le juggalo mordilla nerveusement son pouce droit: il avait toujours peur des mauvaises surprises ; « oui mais si il m'arrivait des ennuies », « oui mais si il m'arrivait des conneries après... »... Pourtant, il était seul, dans ce bout de rue. Mais il avait l'impression d'entendre toujours ce bruit de moteur s'approcher, encore et encore. Mais sans doute que ça n'était que dans sa tête.

Le 4x4 d'Adams s'engagea dans l'allée, continuant à rouler jusqu'à être juste devant Phoebe. La portière s'ouvrit. Un homme à la carrure d'un rugbymen en sortit. Des épaules comme des boules de bowling, un regard à la James Bond, et un teint chocolaté. Des muscles puissants. Un vrai bulldozer. Sur son crâne, un fin duvet de cheveux d'ébènes. Et un motif tribal dessiné grâce aux bons soins de la coiffeuse. Une ébauche de sourire se dessina sur son visage.

« Alors ma jolie, fausse alerte donc ? »

« Oui Adams. Juste un ado qui se croyait à Halloween. »

« Tu m'as l'air bien nerveuse.. »

« J'ai... Faim sans doute. Et j'suis fatiguée. »

« J'peux t'délasser ma jolie... Rentres donc avec moi... »

« Non merci Adams. J'ai ma voiture, je rentrerais toute seule. »

Ses joues avaient rougis imperceptiblement. Adams rit, et se détourna.

« Tu t'es garée où ma jolie ? »

« Euh... Pas loin. T'en fais pas pour moi... Je vais... Patrouiller un coup puis rentrer. »

« J'vais t'aider... »

« Non ! Non, merci... J'me débrouillerais. Bonne soirée Adams. »

L'agent la regarda un instant, soupçonneux, puis haussa les épaules et remonta dans son 4x4. Ce ne fut que lorsque le véhicule eut totalement disparut que Phoebe se détendit. Durant leur conversation, ils avaient marché un peu vers la ruelle où s'était enfoncé le troll. Heureusement, Adams n'avaient pas d'ordre précis et n'avait rien vu de compromettant.

Soulagée, à un point inimaginable, Phoebe se laissa tomber contre le mur derrière elle et inspira à fond. Puis, d'une voix tremblante, elle appela le troll.

« Gamzee ? C'est... Phoebe... Adams est reparti. »

Mais que faire à présent ? Certes, Phoebe voulait en savoir plus sur Gamzee. Mais dehors, dans le parc, ça n'était pas discret. Pas du tout. Surtout que dans une dizaine de minutes, pas mal de gens allaient sortir dans les rues pour le grand festival du sushi. Et Phoebe n'avait pas tellement envie de se frayer un chemin parmi tout ce monde.

« J'ai... Une idée. Gamzee... Est-ce que... Tu serais tenté d'venir avec moi ? Les rues ne vont pas tarder à s'animer et... Ce n'est pas l'endroit le plus discret pour discuter... Alors, si tu veux... Je n'habite pas très loin... »

Des minutes s'écoulèrent. C'était... plus long que ça ne le semblait... Mais avec le temps, le troll semblait relativiser, se calmer. Pourquoi c'était aussi compliqué, sur Terre ? Arf... aucune idée... Et si cette mascarade n'était qu'un moyen de le semer ?

“ Gamzee ? C'est... Phoebe... Adams est reparti. ”

Gamzee releva brusquement la tête, ce qui inévitablement fit frapper ses cornes contre le métal de la benne, le choc le sonna quelque peu. Il se redressa sur ses jambes, vivement, avant de sortir de sa cachette improvisée. D'un coup, il se sentait libéré d'un poids invisible, c'était... rassurant. Le troll poussa un dernier soupir avant de rejoindre Phoebe, calmement, un peu timidement.

“ J'ai... Une idée. Gamzee... Est-ce que... Tu serais tenté d'venir avec moi ? Les rues ne vont pas tarder à s'animer et... Ce n'est pas l'endroit le plus discret pour discuter... Alors, si tu veux... Je n'habite pas très loin... ”

Normalement, une personne lambda se serait sentie gênée par cette proposition, parce que c'est la moindre des politesses est de ne pas importuner autrui après que l'on vous ait déjà grandement aidé. Mais...

“ Je suis d'accord, si ça ne te gêne pas. ”

En réalité, Gamzee sentait qu'il n'avait pas vraiment le choix... S'il restait dehors, il lui arriverait forcément une connerie. C'était inévitable. Cependant, cette proposition ne le gênait pas du tout, au contraire, il en était presque ravi. Ce n'est pas parce que l'on est un alien d'une dimension parallèle qu'on est forcément aussi sociable qu'un reclu octogénaire dans les Alpes.

Puis la curiosité avait à faire la dedans. Ainsi, il pourrait voir un foyer humain, un vrai. C'était sa nature curieuse qui refaisait surface... Au final, que cela aurait gêné Phoebe ou pas, Gamzee l'aurait sans doute suivi, « histoire de », quoi. Quitte à passer pour un psychopathe. Il serait temps qu'il apprenne qu'il y a des choses à ne pas faire, en société terrienne...

“ Je te suis, alors. ”

Fit-il en esquissant un sourire amical, malgré ses... dents.

Phoebe se retint de sourire alors qu'elle entendait un bruit métallique, un peu sourd. Comme si quelqu'un s'était cogné. Mais elle ne rit pas non. Elle ne connaissait pas assez le troll pour se le permettre. Et puis ça serait mesquin de se moquer, même gentillement, alors que ce genre de mésaventure arrive à tout le monde, et à Phoebe plus souvent qu'à son tour. Mais malgré toute sa bonne volonté, Phoebe ne pouvait contrôler le pétillement amusé de ses yeux.

Elle se reprit assez vite, souriant franchement quand Gamzee accepta. Elle ne pensait pas qu'il l'aurait fait. Après tout, c'est bien connu que les humains craignent ce qu'ils ne connaissent pas, et qu'il éradiquent ce qu'ils craignent. Mais Phoebe ignorait si le troll avait déjà rencontré des gens comme ça. Si ça avait été le cas, peut-être qu'il n'aurait pas été aussi confiant. Ou bien alors il avait déjà été confronté à ce genre de personne, et.. Non, Phoebe ignorait décidément ce qui avait décidé le troll. Mais ce n'était pas le plus important à ce moment-là. Un coup d'oeil sur sa montre la fit se presser un peu. Elle lui rendit tout de même son sourire, un peu hésitant.

« D'accord. Donc.. Et bien j'ai ma voiture pas loin.. A quelques mètres... Ha, la voilà. Vas-y, montes. »

En parlant, elle avait commencé à marcher, se doutant que Gamzee suivrait. Elle avait ensuite ralentit sur les derniers mètres, et finit par trouver la ruelle. Sur ses derniers mots, elle ouvrit la portière passager et prit la Pizza -qui sentait encore diablement bon et qui était tiède à travers le carton- le temps que son invité de la soirée monte. Elle posa par la suite le carton près du pare-brise, et referma la portière. Vérifiant que personne n'arrive, la blondinette fait le tour et rentre également.

« Tu devrais t'attacher... J'habite pas très loin, mais mieux vaut être prudent.. »

S'il ignorait ce qu'lle voulait dire par s'attacher, elle en fit la démonstration quelques secondes après, avant de mettre le contact. Personne derrière, personne devant, personne sur les côtés. Elle fit marche arrière et sortit de la ruelle déserte pour s'insérer à nouveau dans la circulation. Si tant est que trois véhicules dont un vélo puissent être considérés comme de la circulation. Elle passa quelques croisements, et s'arrêta devant un immeuble assez coquet, de trois étages, isolés des autres par une cour tout autour et un petit jardin derrière. Elle se gara dans le parking attenant, et pria silencieusement pour que tout se déroule sans accroc. Pitié, faites que mes voisins soient déjà sortis... Ou alors... Il me faudrait une excuse... Oui.. Ue excuse... Pourquoi pas un ami, que j'ai dû ramener d'une fête costumée ? Oui... Je pense que ça pourrait marcher... Oh merde, mes clés...

Et pendant qu'elle prend son sac pour farfouiller dedans, après s'être détachée et avoir éteint le moteur, les lampadaires du parking s'éteignent. En un sens, elle est soulagée. Elle finit par mettre la main sur son troussau de clé, et poussa un petit cri -assourdi- de victoire. Elle brandit le trousseau de clé, et esquissa un sourire en s'emparant du carton de la pizza, dont l'odeur imprégnait l'habitacle, et en retirant ses clés du contact.

« Viens, on va monter... »

Elle lui ouvrit la portière, et remonta la vitre qu'elle avait ouverte un peu plus tôt dans la journée. Puis, elle verrouilla la voiture qui clignota pour marquer ce fait. Avec le petit bruit qui accompagne des fois la fermeture automatique des portes. Elle marcha d'un pas vif vers l'entrée de l'immeuble, jetant un oeil angoissé vers le poste du concierge. Personne. Ouf. Elle fit un signe de la main à Gamzee et appella l'ascenseur. Qui arriva assez rapidement, pour une fois.

En entrant, elle fit signe au troll de la suivre, lui adressant un sourire qu'elle voulait rassurant. Elle croisait les doigts en espérant ne croiser personne à la sortie de l'ascenseur, et indiqua le second étage.

« Mes voisins ne sont, normalement, pas là... Je... Tu as faim au fait ? »

Elle lui posa la question car, juste avant, son ventre avait protesté bruyemment. La pizza, si tentante, était dans sa main. Elle ferma les yeux un instant, s'exhortant à attendre, quand la sonnerie signifiant qu'ils étaient arrivés à l'étage retentit. Elle retint son souffle, et attendit que les portes s'ouvrent. Elle faillit lâcher un cri de frustration alors que la nièce de ses voisins semblait attendre l'ascenseur. Si près du but... La femme en face d'eux, une jolie rousse d'une vingtaine d'année, écarquilla ses jolis yeux noisette.

« Oh mon dieu ! Qu'est-ce que... »

Priant un dernière fois, même si elle n'a jamais été croyante, elle se composa un air enjoué, posant un bras autour de la taille de Gamzee.

« Magnifique, n'est-ce pas ? Et très réaliste hm.. ? C'est un ami. Il va à une fête costumée plus tard dans la soirée, et je dois l'aider à peaufiner son costume; Lais je trouve que tout y est pourtant, non ? »

La rousse sembla chercher ses mots, et balbutia :

« Ha... Euh... Oui... Parfait... Il... Ho mon dieu, j'ai eu la peur de ma vie... Bon... Bah bonne soirée ! »

Elle s'empressa de rentrer dans l'ascenseur une fois que Phoebe eut fait sortir Gamzee, son bras toujours autour de sa taille. Celle-ci sourit, et attendit d'être sûre que l'ascenseur descendait pour lâcher le troll, ou tout du moins sa taille, et l'entraîner vers la petite porte rouge un peu plus loin. Elle lâcha alors le bras de Gamzee qu'elle avait saisit par réflexe pour l'entraîner, et chercha un instant une clé pour ensuite la tourner dans la serrure. Un cliquetis plus tard, elle poussa la porte, et invita le troll à entrer avant elle. Ce ne fut que lorsqu'elle referma et verrouilla sa porte à nouveau qu'elle s'autorisa à soupirer de soulagement. Adossée au bois peint, elle ferma les yeux et lâcha son sac au sol.

« Voilà... Bienvenue chez moi... »

Elle s'autorisa un répit de quelques minutes, le temps de calmer son coeur battant, et elle posa la pizza sur la table ronde qui trônait dans la petite cuisine à droite de l'entrée. Elle se rendit ensuite dans le petit salon, à gauche de l'entrée, et alluma une lampe. Ce qui permit d'éteindre l'aveuglante lumière du plafonnier. Un petit couloir partait, au fond à gauche du salon, et qui conduisait à la salle de bain, les WC, la chambre de Phoebe et les deux pièces vacantes où elle y entreposait son matériel d'agent spécial de la Brigade Terra et ses cartons non-déballés.

« Bon.. Euh... Tu veux boire quelque chose ? J'ai euh... De la limonade.. De l'orange pétillante... Du Coca... De la bière... Du Whisky... Du vin aussi... Des jus de fruits... De l'eau.. Et sans doute du Rhum. »

Comme il l'avait dit, Gamzee emboîta le pas et suivit Phoebe jusqu'à sa... voiture. Oui, c'est bien comme ça qu'on dit ? Bon. Il s'installa ensuite sur le siège passager, c'est ce qui lui semblait le plus évident en cet instant. À vrai dire, il n'était pas très rassuré, il connaissait ces engins de loin, mais à l'intérieur, c'était tout autre chose. Sans parler de ses cornes, qui le forçaient à baisser sa tête... Un peu anxieux, le troll jeta un coup d’œil à la conductrice et répéta son geste et s'attacha non sans difficulté. Comment ces humains avaient-ils idée d'inventer des choses pareilles ? Franchement. Quand même.

Pourtant, cette escapade motorisée se fit sans encombre. Ce n'était pas si horrible que ça, après tout ! C'était une véritable première pour le caprin, néanmoins. Puis ils pénétrèrent dans le bâtiment dans lequel semblait habiter Phoebe. Gamzee était toujours assez intrigué par l'esthétique des lieux, et tout en suivant la flic, son regard se perdait çà et là sur le décor, avec un air un peu perdu et pourtant curieux. Étrangement, il se sentait... plus en sécurité. Le troll était bien plus détendu à présent, même s'il n'était pas totalement en sureté.

La preuve à l'instant, quand celui-ci effraya une jeune femme qui n'aurait peut-être pas dû sortir à cet instant... Malgré les apparences, Gamzee était tout aussi effrayé que cette humaine. Effrayé, certes, mais plus dans le sens « surpris ». Heureusement que Phoebe était là pour rattraper tout ça... parce que lui, ne savait absolument pas comment réagir. Il sentait une certaine chaleur sur ses pommettes, sous son maquillage. Il rougissait, oui, mais grâce au maquillage cela ne se voyait pas. Ou très peu.

Après cette rencontre pour le moins hasardeuses, ils se dirigèrent vers l'appartement de Phoebe, enfin ils arrivaient à leur but. Décidément, les foyers humains ressemblaient beaucoup à ceux des trolls. Avec quelques différences notables, certes, mais la ressemblance y était. Gamzee s'avança un peu plus dans l'appartement, regardant tout autour de lui tel un enfant.

“ Bon.. Euh... Tu veux boire quelque chose ? J'ai euh... De la limonade.. De l'orange pétillante... Du Coca... De la bière... Du Whisky... Du vin aussi... Des jus de fruits... De l'eau.. Et sans doute du Rhum. ”

Sorti de ses rêveries, le troll secoua la tête et se mit à réfléchir à ce qu'il voulait comme boisson... Arf... il ne savait pas trop, les humains savent concocter de bonnes choses, alors le choix était difficile...

“ De... de la limonade, s'il te plaît. ”

Répondit-il enfin, avec une touche d'hésitation. Mais il ne regretta pas son choix.

Gamzee retourna à ses contemplations, mais une question lui trottait dans la tête.

“ C'est gentil de ta part, Phoebe. Tous les humains ne sont pas comme ça, je suppose ? ”

Demanda-t-il, toujours un peu ailleurs sous l'effet des drogues qui avait ingéré tantôt, mais il connaissait pertinemment la réponse. Pourtant, cela ne lui semblait pas aussi évident là, maintenant. Gamzee alla s'installer dans le salon, sur le canapé, tranquillement, sans prendre la peine d'attendre que son hôte le lui en donne l'autorisation. Et ça ne semblait pas le gêner plus que ça.

« Limonade, d'accord... »

La demoiselle s'empressa de se rendre dans la cuisine, ouvrant et farfouillant dans le frigo pour en sortir la bouteille de Limonade. Elle ouvrit quelques placards et en sortit un verre qu'elle remplit avec la limonade avant de remettre la bouteille au frigo. Elle se sortit un verre et le remplit de jus d'orange, et rejoignit le troll. Il avait bien fait de s'installer, Phoebe avait presque oublier de lui en parler. Elle lui tendit son verre et s'installa sur le pouf en face. D'ordinaire, elle aimait s'y asseoir en tailleurs, mais ce soir, sa jupe ne jean ne le lui permettait pas.

« Non, en effet. Rare sont les humains qui... Qui ne paniquent pas en voyant quelque chose sortant de l'ordinaire... Et qui ne décident pas de poursuivre ce qu'ils craignent avec une fourche... »

Elle rougit légèrement, en pensant qu'elle était un peu comme ça. Sauf que les créatures qu'elle arrêtait, c'étaient des criminels. Meurtriers, violeurs, ce genre de choses. Elle en ferait autant pour les humains qui feraient la même chose. Mais elle a rejoint la brigade spéciale, aussi rares étaient les humains arrêtés. Ils se concentraient plus sur les créatures de Terra. La blonde sortit de ses pensées en entendant son ventre gargouiller.

« Oh... Euh... Tu as faim ? Je peux faire réchauffer la Pizza si tu veux.. Y en a largement assez pour deux... »

Et elle pourrait peut-être commencer à l'interroger. Car elle était vraiment curieuse. Jamais encore elle n'avait vu de troll. Et Gamzee était plutôt sympathique malgré les préjugés qu'elle entretenait. Elle se leva d'ailleurs, et se dirigea vers la cuisine pour faire pré-chauffer le four et sortir des assiettes et couverts. Enfin une assiette pour le moment. Elle plaça ensuite la pizza dans le four pour quelques minutes.

« Dis-moi... Tu... Tu viens d'où exactement ? »