Ils arrivèrent enfin au bout d'une énième galerie labyrinthique, comme cité précédemment, Khaléo laissa ses doigts parcourir la roche dans le noir le plus complet, ainsi personne ne pouvait voir la combinaison de lockets, et de pivotement des pierres dans le mur, suivie d'une série de petits leviers à relever dans un ordre précis, afin d'ouvrir les balastes contenant de la poussière de granit, et du sable, libérant les poids permettant d'actionner le mécanisme d'ouverture.
Des petits gravats et de la poussière tombèrent du plafond, la galerie trembla et quelque chose se mit à bouger, d'énorme, de lourd, une porte ronde, taillée comme une géante pièce de monnaie plus épaisse et large, se mit à "rouler" donc, laissant les premiers rayons lumineux de cette nouvelle pièce, éclairer doucement son visage, et les parois, madriers de soutient de la galerie minière.
Sur la "porte" des centaines... sinon milliers d'inscription, comme sur certains murs, laissées là par les anciens travailleurs de la mine, une mine abandonnée depuis trop longtemps pour que quiconque s'en souvienne, des petits dessins, des noms, probablement de leurs familles, des espoirs, des rêves... tous inscrits ici à même la pierre pour l'éternité sans doute.
Cette nouvelle pièce était immense... un gigantesque dortoir pour les mineurs, remplie de hautes et belles colonnes, le plafond recouvert d'arcs, et de voutes gothique se croisant d'une colonne à l'autre, mélangée à d'autres éléments de style roman, des braseros, un à droite, et l'autre à gauche de la pièce, suffisaient étrangement, à éclairer tout l'intérieur de la mine, un jeu de pierre précieuses bien taillées et positionnées sur la surface des murs, parfois laissées là uniquement dans ce but, d'autres, installées dans les hauteurs, éclairaient de leurs couleurs vert jade ou émeraude, rouge spinelle ou rubis, blanc quartz ou prismique diamant, bleu reflet de mithril ou violet améthyste, par réflexion, par mélange de couleurs, leurs feux kaléidoscopiques changeants selon l'intensité de la flamme des braseros, sur les parois de cette grande pièce.
C'était d'une beauté indéchiffrable et innommable, même pour Khaléo qui la considérait comme la huitième merveille du monde, les pierres précieuses semblaient redessiner des vitraux d'église, ou de temple, et des scènes étranges, d'anciennes batailles contre des forces obscures se dessinaient sur le plafonnier.
Lorsque les yeux arrivent "enfin" à se dégager du plafond, pour se poser sur l'horizon de cette pièce, des tas de choses y étaient entreposées, dans un coin, de vieilles reliques, des statuettes, en métaux différents, bronze, argent, or, cuivre, et pierres aussi, représentant des dieux oubliés, ou qui ne seront plus jamais vénérés aujourd'hui, par petite inquisition destructrice d'autres croyances pour imposer celle des autres, l'homme pouvait se montrer bien plus que persuasif, quand il considérait toute autre croyance paienne à la sienne.
Khaléo avait "sauvé" et mis sous sa "chemise" plus d'une relique de ce genre pendant qu'il était encore soldat, il considérait la destruction du savoir faire d'autres civilisations ou ethnies comme du gâchis et de la folie, peu importe leurs croyances... ça n'en restait pas moins de l'art à ses yeux, et il aimait à conserver tout ce qui flattait son oeil, brillant, étincelant, doré, ou coloré, ça devait faire partie de son coté "félin", mais surtout d'un patrimoine, celui de sa vie.
D'un autre coté de la pièce... Des armures entassées au sol, solerets, cuissardes, bassinets, salades, espaulières de différentes formes, quelques vieux boucliers aussi, et des épées, toutes abimées, émoussées, oxydées, pleines d'entailles ou de bosses, certaines carrément pliées, mais il les gardait, ce coin ressemblait à un musée sur sa propre vie, comme si chacune de ces armures, des entailles et des trous qu'elles possédaient, étaient les lignes d'un chapitre écrit de son histoire qu'il aimait à revisiter du regard, autant que les nombreuses cicatrices partout sur son corps, pouvaient aussi, raconter d'autres douleurs, mais aussi chapitres de sa vie.
Des peaux de bêtes, fourrures, étaient disposés à terre comme des tapis, et aux murs comme des trophées, ainsi que des têtes d'ours des crètes, de daims, de cerf, de tigres et mêmes de lions, prouvant que son coté prédateur, et chasseur n'était pas en reste, donnant sa touche de charme sauvage et inquiétante à cet endroit, qui laissait présager que l'on se trouvait dans l'antre d'une créature effroyablement dangereuse.
Il marchait doucement au centre des colonnes, avançant d'un pas presque "ritualisé" dans ce "temple", laissant ce qu'il restait de ses vêtements tomber au sol, en les détachant lui même d'une main libre, soutenant aisément de son autre bras le corps de Kokoro, ici... c'était chez lui... Et il pouvait s'y ballader nu, il n'en avait absolument rien à faire, comme pour tout le reste de "son" territoire, la nature reprenait ses droits, autant sur son esprit, que sur son corps lorsqu'il était ici, il se ressourçait dans cette forêt et ce lieu, il espérait que ce soit la même chose pour elle, il allait l'aider... Du repos, tous deux en avaient besoin, Khaléo déposa Kokoro dans un lit de fourrure douces et neigeuses, la plus rare qui soit, provenant de lions blancs vivant uniquement dans des terres dangereuses, sur le territoire des glaces éternelles, tuer un lion blanc de ses propres griffes à l'âge adulte y était un rite obligatoire, tous les dix ans, il y retournait pour prendre la vie de l'un d'eux, pas par simple plaisir de la chasse, non, mais par régulation de la population, ne tuant que les plus vieux des mâles dominant ayant régné un peu trop longtemps, sans laisser la chance aux jeunes individus de s'accoupler et accroitre considérablement leur population, c'était donc bien un mal nécessaire...
Aussi rare qu'il fut en voie de disparition sa fourrure est considérée comme la plus douce, sans doute la raison pour laquelle il fut traqué et tué de longs siècles jusqu'a sa presqu'extinction, une fourrure presque aussi douce et soyeuse que le duvet fin recouvrant le corps de Khaléo, qui, frottait son visage, sa crinière, contre toute la surface de ton cou et tes joues, emprisonnant ton corps entre lui et cette fourrure , dans un étau de tendresse et de chaleur qu'il espérait réparateurs pour ton corps dans ton sommeil, il resta là à veiller sur toi, queue de tigre s'enroulant autour de ta taille, possessif et protecteur.