Quelques embouteillages, normal en ce matin de semaine. Les japonais partaient travailler, il y avait de l'agitation, du bruit... Des cris, des vélos, des sonnettes. Eric quant à lui savourait l'insonorisation de sa berline. Une magnifique voiture, qui lui avait coûté plutôt cher, comme toutes les bonnes voitures, mais dans laquelle il pouvait écouter la musique de son choix, en l'occurrence Deep Purple, sans être pollué par l'environnement sonore extérieur.
Quelques chansons plus tard, oui il avait utilisé sa voiture alors qu'il aurait pu aller de chez lui à son travail à pieds ou en vélo mais rappelons-le, il n'aurait pas pu alors profiter de l'environnement confiné, privé et insonorisé que lui offrait le luxe de sa voiture. Donc il prenait sa voiture. Quelques chansons plus tard donc, le voilà qui arrive au plus grand building de tout Seikusu. Un gratte-ciel colossal où sont les sièges sociaux des plus grosses firmes du coin, et les pied-à-terre des firmes internationales, comme celles d'Eric. Après avoir donné ses clefs au voiturier, Eric étira son bras, ce qui releva légèrement sa manche et lui permit de consulter sa montre. Son premier rendez-vous n'était qu'à neuf heures et demi, il était un peu plus de huit heures, il avait donc le temps d'aller jusqu'au Starbucks du coin pour se prendre un café. Et un muffin. Moca Vanille, évidemment.
Le truc, c'est que même si le Starbucks était à côté, il y avait du monde. Encore heureux qu'Eric était dans un bon jour, parce que sinon, se retrouver au milieu d'une foule lui aurait d'emblée donné des envies de meurtre. Devoir dire pardon, excusez moi, à tout bout de champ dès qu'on frôle quelqu'un ou marcher sur les pieds d'inconnus... De quoi tomber dingue. Manque de bol, ou coup de chance tout dépend du point de vue, pour Marine, le sort voulu que le trentenaire parvienne à se glisser rapidement jusqu'à elle, mais que dans l'objectif de la dépasser, ses pieds s'empêtrent dans la cape de Marine.
Dans ces cas là, soit on a de la chance, soit on en a pas. Et l'occurrence, Eric en a eu. Il est parvenu à ne pas tomber, donc à ne pas entraîner Marine dans sa chute, en jouant de ses orteils et de son équilibre, mais mieux encore, il eut le réflexe de retenir la jeune femme par le bras, et donc de l'empêcher de tomber également. Quoique la cape avait dû peut-être tirer sur son cou. C'était un moindre mal.
Evidemment, Eric avait commencé par être surpris. Et puis, en voyant les raisons pour lesquelles il avait manqué de saloper son costard, son visage s'était durci, ses sourcils s'étaient froncés. Encore une excentrique, fan de jeux de rôles et autres grandeurs natures. On se demandait ce qu'elle pouvait bien foutre dans le quartier des affaires à cette heure là, et pourquoi, comme par hasard, sa maudite cape s'était-elle prise dans ses foutus pieds. Il ne voulait pas hausser le ton, mais il fallait qu'il exprime son agacement.
"Hé, Irène Adler... Ça a pas été trop dur de passer les années 90 en velours?..."
Il passa une main dans ses cheveux diaphanes, un sourire mesquin étirant ses lèvres. Elle avait failli bousiller sa journée à cause de son accoutrement ridicule. Heureusement qu'elle était jolie, parce que sinon Eric aurait été capable de bien pire.