Alyn ne comprenait justement pas la signification de ces deux syllabes, mais elle en connaissait les conséquences et implications. Et si le sens qu’entendait William à ce sujet lui échappait, elle n’était pas sans ignorer que c’était toujours une source de complication, à moins de s’appeler Laura Ingalss et de vivre dans une petite maison dans la prairie… Ou encore d’être une de ces créatures douées pour la vie à deux, à la peau douce, qui buvaient du kir royal et étaient pompette au bout de deux gorgées… C’aurait peut-être été le cas d’Alyn si sa volonté n’avait pris le dessus il y a de ça… Pfiou… Une bonne dizaine d’années au moins. Ne jamais sous estimer les enfants. Ils ont le visage de l’innocence mais tous ne le sont pas.
Mais bref. L’avocat ne risquait pas de se voir embêté par Alyn d’une quelconque façon tant qu’il était réglo, qu’il ait dit l’aimer ou pas. Elle n’était pas du genre à courir après ces déclarations, les mon cœur mon amour lui portant sérieusement sur le… Cœur justement et lui donnaient la nausée. Elle préférait les histoires passionnelles, presque auto-destructrices, plutôt que ces démonstrations dégoulinantes de bons sentiments. Pour elle, ça n’était pas ça l’amour en tant que tel. Tout comme à ses yeux, il n’y avait pas qu’une manière d’aimer. Il y avait la façon d’aimer sa mère, son frère, sa famille. Et puis il y avait les amis, l’amour vache, les relations ambiguës… Les je t’aime bien, je t’adore etc. Bref, autant de nuances possibles. Mais finalement, l’amour entre un homme et une femme comme l’entendait Alyn se résumait à bien peu de choses. Un désir réciproque en toute occasion et une présence dans les cas extrêmes. Par cas extrêmes, elle n’entendait évidemment pas la panne d’une gazinière, non. Un cas extrême c’était plutôt « Y’a un type qui me tire dessus là, need back up please ». Ca c’était une situation extrême. Le reste du temps, c’était chacun pour soit, de son côté blablabla… Le peu d’expérience qu’avait Alyn de la veut à deux et de ce que ça impliquait était impressionnant en soit. Mais elle avait ça de bien qu’elle n’harcelait jamais ses anciens amants, sauf s’ils diffamaient sur son compte. Là, par contre elle voyait rouge. Enfin, ils n’en étaient pas encore là et c’aurait été bien dommage que des réflexions de ce genre les coupent dans leur élan. Ce qu’elles ne firent pas, puisqu’Alyn était à cent mille lieues de penser à ça à cet instant.
Alyn allait et venait, avec une lenteur calculée, jouant de ses reins et faisant ainsi se mouvoir la virilité de l’avocat aussi loin en elle que le lui permettait cette position. Evidemment, ces gestes lents et répétés n’avaient pas pour but d’apporter la jouissance, à l’un ou à l’autre, c’était plus comme… La mi-temps d’un match ? Une petite pause, qui n’ôtait rien à la sensualité de l’instant, pour permettre aux deux esprits de se calmer l’espace d’un instant afin de prolonger leurs ébats ? Plutôt. La jeune femme n’était pas vraiment friande de ces pratiques, parce que tout simplement, la plupart du temps elle n’était pas certaine de jouir. Elle préférait donc ne pas laisser la température et l’excitation redescendre, par crainte qu’elle ne puisse remonter. Or, là c’était différent. En quoi ? Là est toute la question.
Toujours est-il que, même si ça n’était qu’un moyen de faire lentement reculer la vague des plaisirs de l’orgasme, Alyn prenait beaucoup de plaisir à cette pratique.
A ne pas faire durer trop longtemps cependant, sinon le plaisir se muerait en impatience et ça serait désagréable. Les deux jeunes gens furent préservés de cela de toutes façons par l’intervention à point nommé du juriste qui troqua la passivité à laquelle Alyn l’avait contraint pour une nouvelle position où le rôle de passive lui serait cette fois confié à elle.
Le baiser que lui donna le juriste lui fut rendu, alors que les bras de la jeune femme venait s’enrouler avec une douceur calculée autour de son cou, alors qu’elle se redressait et manœuvrait son corps afin de permettre à William de prendre ses aises facilement et sans douleur. Cette position était encore plus délicieuse que la précédente, puisqu’elle permettait à Alyn de sentir encore mieux les mouvements de l’avocat, qui lui-même pouvait s’enfoncer encore plus loin que précédemment.
La poitrine de la jeune femme se soulevait et s’abaissait lentement, alors que sa tête se laissait partir en arrière, cambrant la totalité de son dos dans son élan et offrant ainsi gorge et poitrine aux bons soins de la bouche du juriste. Il su d’ailleurs en profiter et en faire bénéficier Alyn, dont l’excitation, qui était restée stationnaire durant un moment, se remettait à grimper dangereusement. Moins que des gémissements, ce furent des soupirs qui s’échappèrent de sa gorge. Leurs mouvements étaient langoureux et emprunts d’un érotisme certain, créant une ambiance voluptueuse qu’elle ne voulait en aucun cas déranger par des cris disproportionnés et décalés. Et puis, avec les assauts de William, l’empressement revint.
La pause était terminée, cette fois ils voulaient, ils avaient besoin, d’évacuer la tension accumulée dans leurs muscles et dans leur chair, cette tension qui était née de leur attirance réciproque. Ils étaient humains, ils faillaient comme tels. Des regrets ? Aucun de la part d’Alyn. Le visage aux yeux fermés et à la bouche entrouverte, mu visiblement par une expression de plaisir était très éloquente.
Lentement, les soupirs laissèrent la place à de petits gémissements. Ils s’élevaient et disparaissaient aussi vite, chaque poussée de reins de William en faisait naître un nouveau, qui était achevé par son successeur, et ainsi de suite. Alyn se mit à respirer bien plus fort alors qu’elle se sentait proche du paroxysme de son plaisir. Une fois encore, la position changea pour en revenir à celle par laquelle ils avaient commencé et par laquelle tout allait se terminer.
Chacun des muscles de la jeune femme était tendu, dans l’attente de la douce délivrance que leur apporterait l’orgasme salutaire, ses reins plus cambrés que jamais. Ses cuisses trouvèrent encore cependant la force, elle-même tirée de l’envie, pour aller s’enrouler tel un étau de chair autour de la taille du juriste.
Elle respirait beaucoup plus vite à présent, et les soupirs qu’elle avait commencé par exhaler n’étaient plus que de pâles souvenirs comparés aux cris de plaisir que Dolan lui faisait pousser, d’une voix toujours plus forte, toujours plus aiguë. Tantôt était-ce le nom de l’avocat qui était psalmodié, tantôt c’était la supplique de ne pas le voir s’arrêter.
Tels des boas affamés, les bras d’Alyn se resserrèrent lentement autour du cou de William, ses mains allant se perdre dans sa nuque et ses cheveux pour mieux l’enlacer contre elle.
Et puis les efforts fournis finirent par payer.
Son souffle se perdit, coupé net. Quand il revint, ce ne fut que pour haleter en gémissements lascifs. Dans son corps, c’était l’effervescence qui prenait fin. Elle avait eu l’impression qu’on avait mis son sang à bouillir avant de l’éteindre d’un seul coup, d’une seule grande rasade d’eau. L’orgasme que William venait de lui prodigué, né dans son bas ventre, s’était insinué partout, répandant sa douche chaleur dans son sillage telle une onde de choc. D’un coup, la tension était retombée, seuls subsistaient encore dans la chair d’Alyn les dernières particules de jouissance, réminiscences du plaisir donné.
Son dos courbé reprit lentement sa position normale, les fesses de la jeune femme retrouvant mollement le matelas sous elle alors que l’étreinte de ses bras se faisait moins pressante. Les lèvres de Dolan se joignirent aux siennes, elle les lui offrit sans se faire prier, tandis que ses cuisses imitaient ses bras et desserraient partiellement leur étau. Le cœur de la délinquante battait encore rapidement contre ses côtes, et elle gageait qu’il ne se calmerait pas avant plusieurs minutes. Elle se demandait si William en percevrait les bruits sourds. Elle le gardait contre elle, rassurée par le poids de son corps sur le sien. Indépendamment du partenaire, c’était un moment qu’elle appréciait beaucoup, où beaucoup de choses n’avaient plus cours, où beaucoup de choses n’existaient plus. A cet instant de vulnérabilité, quand la vague de plaisir a déferlé et tout emporté sur son passage, il n’existait plus ni différences sociales, ni conséquences, ni quoique ce soit. Il y avait seulement deux personnes, encore unies. La magie prenait fin au moment même où l’un des deux se mettait à bouger et se retirait de l’autre. Certains le faisaient dès les ébats clôturés, d’autres prenaient un peu plus de temps et partageaient un baiser, comme Alyn et William présentement.
Après le baiser, la jeune femme enfouit sa tête dans le cou du juriste et remonta un peu le fil des évènements, sans bouger. Elle tenta de retrouver comment ils en étaient arrivés là déjà ? Ah oui. Une question muette après une phrase ambiguë, un baiser échangé et à partir de là tout avait dérapé. Elle ne se montrait pas si facile à convaincre habituellement. Non, en fait d’habitude elle contraignait les gens à ce qu’elle voulait elle. Elle faisait le premier pas. Pourquoi ne pas l’avoir fait ? Peut-être parce que l’avocat et elle n’évoluaient pas dans les mêmes cercles et que quoiqu’elle fasse, elle ne serait jamais assez bien pour lui. Ah, pour se faire troncher, si. Il suffisait d’avoir la plastique adéquate : check, Alyn l’a. Mais pour le reste ? Y’a pas de reste. Ils avaient fait l’amour, bon. Et après ? Ca n’avait été que l’évacuation d’un désir tout à fait humain entre deux personnes consentantes. Et après ? Après, deux options. Soit Sam le virait de chez elle avec pertes et fracas en lui interdisant de remettre les pieds chez elle, soit elle le laissait être son avocat. Maintenant que la tension sexuelle aurait disparu, rester avec lui devrait être plus facile. Peut-être. Elle allait se méfier en tous cas. Sans être paranoïaque, elle voulait voir si le comportement du jeune homme allait changer vis à vis d’elle maintenant qu’il avait eu ce qu’il voulait. Il ne risquait aucune revanche, que pourrait-elle bien lui faire de toutes façons, mais un changement de comportement la ferait tout juste disparaître. Si elle avait pu commencer quelque chose de neuf à Seikusu, elle pouvait très bien commencer quelque chose de neuf ailleurs.
Autant de réflexions nourries en un laps de temps très court, à la vitesse de l’éclair, avant que la tête d’Alyn ne retombe mollement dans les oreillers. Ses yeux bleus, rendus plus qu’iridescents par ce qu’ils venaient de faire s’ancrèrent sur le visage de Dolan, tandis que ses lèvres charnues s’étiraient en un petit et doux sourire. Elle n’osait pas bouger plus, de peur de casser quelque chose que toutes les super glues du monde ne pourraient recoller. En attendant de savoir sur quel pied danser, c’était toujours mieux que de prendre des risques. Surtout quand il y avait beaucoup à perdre.