Regagner son chez elle avait été d’un réconfort sans nom pour Sam, et sans même devoir expliquer ce qui s’était passé ! C’était, en fait, un carton plein pour la jeune femme. A relever qu’elle n’avait pas eu même à sortir un rond de sa poche. Toutes ses habitudes allaient donc reprendre. Elle continuerait à voler ici et là, à corriger ceux qui s’en prendraient à elle, à faire du skate et du roller sans s’occuper de ce qu’on pourrait penser d’elle et à faire de la danse exotique pour s’offrir quelques petits extras qu’elle ne pouvait voler. Les glaces par exemple. Celles des stands dans les galeries marchandes. Elle en était, plus que friande, addicted. Certains, que Dolan croiserait peut-être au coin d’une usine, étaient plus volontiers accros à l’héro, la coke ou toutes ces saloperies du même genre. Sauf que Sam non. Elle n’avait jamais consommé que du cannabis et de l’ecsta, une fois, mais elle n’aimait pas perdre tout contrôle. C’était même vital pour elle que de rester maîtresse de ses réactions. Dieu seul savait ce qu’elle serait susceptible de dire droguée… Et puis il fallait avouer qu’elle était très contente de casser tous les clichés. C’est vrai qu’en la voyant, on ne peut penser qu’une chose. En regardant ses bras, on ne peut que chercher les marques rouges, témoins implacables de ses plaisirs coupables. Sauf qu’il n’en était rien. Certes, elle était marquée et avait des bleus. Mais rien qui ne laissait croire qu’elle versait dans ce genre de délires. C’était très contradictoire, elle prouvait ainsi qu’elle n’allait pas au bout de la spirale autodestructrice comme on le lui avait dit. Mais elle s’en carrait l’oignon. De toutes façons, une vie entière de psychanalyse ne serait d’aucune utilité à la jeune femme, qui avait bien d’autres choses à faire que de s’épancher, larmoyante, sur une épaule feignant la compassion.
Bref, fin de cet aparté. Quand Sam avait franchit le seuil de sa chambre, de pacha, ni une ni deux, elle quitta ses rollers, laissa ses vêtements et bijoux sur le sol et fila prendre une douche. Une loooooongue douche pour la laver des heures pénibles qu’elle avait passées dans sa crade cellule. Elle n’avait ensuite même pas pris le temps de manger qu’elle était allée s’écrouler dans son lit. Autant vous dire qu’elle ne vit pas la pendule faire un tour. L’après-midi était déjà bien avancé quand elle émergea, difficilement, du cocon de chaleur et de douceur que constituaient ses draps et oreillers. Seulement, elle n’était pas du genre paresseuse. Au contraire, elle était proche de l’hyper-activité. Aussi rejeta-t-elle ses couverture et passa rapidement un pantalon de toile délavé, craqué en divers endroits (cuisses, genoux, mollets) qui finalement découvrait la peau de Sam autant qu’il la cachait, assortit avec un tee shirt aux manches longues en résille, manches retenues par des bagues passées à ses majeurs, sous lequel elle arborait un simple soutient-gorge. Elle releva ses cheveux en queue de cheval, passa ses rollers et sortit.
L’air frais de la nuit tombante lui fit du bien, et le bruit régulier et monotone de ses roues sur le macadam était on ne peut plus rassurant. L’air ailleurs, elle rêvassait, regardant le ciel qui prenait peu à peu des teintes orangées à bleutées puis violacées. Elle profita de sa tranquillité pour se faire plaisir et rider sur les rampes, tenter des choses plus audacieuses que les autres… Mais point trop n’en faut, elle se dépensa à peine. Sa dernière gamelle n’ayant pas encore finit de cicatriser.
Nonchalante et prête à rentrer chez elle, elle arrivait aux abords de l’entrée de la zone industrielle quand, un peu plus loin, Sam aperçu une voiture, une berline hors de prix, gardée par deux gorilles. Elle ne savait pas pourquoi, mais ça ne lui disait rien qui vaille. Les mafieux passaient souvent par ici, ça n’était pas ça qui la dérangeait. Mais d’habitude, ils restaient enfermés dans leur voiture et se contentaient soit de jeter des corps, soit des mourants, soit des gens presque morts de trouilles car leur devant du blé. Quoiqu’ils en soit, ils ne restaient jamais à un endroit où ils pouvaient être vus. Prudente, Sam entra dans l’usine la plus proche et monta sur le toit. Cet endroit, c’était chez elle. Elle connaissait les moindres recoins, savait parfaitement comment s’en sortir le cas échéant. Passant de toit en toit, elle chercha quelque chose dans le décor qui n’aurait pas été habituel. Et elle ne tarda pas à trouver.
C’est avec une surprise teintée d’amertume qu’elle reconnu la silhouette de son ancien avocat se découper dans l’une des « rues » de la zone. Elle le suivit un moment des yeux, son air assuré ne lui échappa pas, pas plus que la petite brise qui faisait onduler ses cheveux. Elle s’interrogeait. Qu’est-ce qu’il venait faire ici ?
La tête de Sam se secoua ensuite négativement, alors qu’elle sautait sur une gouttière, en sautait et se réceptionnait avec souplesse, fléchissant les genoux pour ne rien se casser, à quelques centimètres devant l’avocat.
-Bonsoir Maître Dolan. Si je peux me permettre, ce n’est pas un lieu adéquat pour une personne de votre condition, si vous me permettez cette remarque… Vous cherchez quelque chose peut-être ?
Ne restant pas à sa place, elle se mit à rouler, tournant lentement autour du jeune homme, sans le quitter des yeux et guettant sa réponse. Elle se doutait que son lieu de vie approximatif avait été indiqué dans son dossier, mais il aurait dû lui être retiré. Même, elle l’avait renvoyé. De ce fait, la curiosité de Sam était intacte. Que faisait-il ici ? Il défendait sûrement quelqu’un d’autre, en fait.