Quelle nuit magnifique! Les constellations piquetaient le ciel de velours noir, narguant les pales lumières de la ville qui s'étendaient en toiles d'araignée multicolores... C'est sans doute ce qu'aurait pensé William s'il n'avait rien de mieux à faire que de regarder les étoiles et s'il avait une âme de poète. Dieu merci, ce n'est pas le cas. L'avocat était dos tourné à son immense baie vitrée, éclairé d'une lueur fantomatique par son écran d'ordinateur. Les cliquetis ininterrompu des doigts sur le clavier était la seul chose que l'on pouvait entendre dans le bureau de l'avocat qui était loin de la ville et de son boucan puisqu'il culminait à 150 mètres au-dessus.
Soudain une sonnerie retenti. Le cliquetis s'arrêta et l'avocat décrocha le combiné.
-William Dolan, annonça-t-il d'une voix impatiente.
-Bonjour maître Dolan, ici le commissariat, répondit la voix déformée qui s'élevait du haut-parleur.
-Le terme approprié serait plutôt "bonne nuit", inspecteur Kiyomasu.
-Oui, veuillez m'excuser mais j'ai cru comprendre que vous ne dormiez pas. Je vous appelle pour vous annoncer que vous avez été commis d'office pour une affaire.
William se leva de son siège sous le coup de la colère. Il n'avait vraiment pas que ça à faire. Cette nomination tombait très mal et bien sûr, il est interdit de refuse cette tâche.
-Qui, gronda Dolan.
-Hé bien une jeune fille qui se nomme...
-Je vous demande qui est celui qui m'a désigné pour cette affaire, explosa le juriste.
Moment de silence à l'autre bout du fil, puis le commissaire annonça d'un ton ébranlé qu'il s'agissait du bâtonnier. L'ordure. Ça, il allait lui payer au centuple.
-Pourriez-vous passer au poste? Demanda le commissaire avec une timidité risible. Elle refuse de faire sa déposition sans la présence d'un avocat et chaque minutes est précieuse pour la bonne marche de l'enquête.
Dolan répondit à sa requête par un rire authentique. L'avocat riait réellement à gorge déployée. C'était soit ça, soit insulter l'officier de tous les noms, et ça bien sûr ce n'était pas digne de lui.
-Je passerai à 8h, fit-il lorsqu'il eut fini de rire.
Sans attendre la réponse il raccrocha et se remit devant son ordinateur. Il secoua la tête et gloussa encore une fois avant de se remettre à taper sur son clavier. William se demandait si le policier avait réellement imaginé qu'il sortirait en plein milieu de la nuit pour assister des bons à rien qui n'arrivent même pas à tirer les vers du nez d'une suspecte.
* * *
8 heures. Comme promis Dolan arriva au commissariat. Il était chez lui ici, même si tout le monde n'était pas de cet avis. Il serra quelques mains mais la plupart des visages étaient fermés. Une chose dont qu'on ne pouvait pas reprocher à ces braves gardiens de la paix puisque Dolan libérait avec une facilité déconcertante les criminels qu'ils s'étaient acharnés à mettre sous les verrous. L'inspecteur vint l'accueillir lorsqu'il fut avisé de sa présence. Il lui serra la main, le regard fuyant, encore un peu gêné de leur conversation d'hier. Cet homme est un poltron et un faible. William avait eu à faire avec lui dans le passé. Malléable et naïf à souhait. Il n'avait même pas l'intelligence de détester Dolan.
-Merci d'être venu maître Dolan, je vous ai préparé un entretien avec votre cliente, déclara l'officier.
-J'aimerais lui parler seul dans un premier temps, si ça ne vous dérange. Je ne connais rien de l'affaire et j'aimerais avoir sa vision des choses avant tout.
Les sourcils de l'inspecteur prirent la forme d'accent circonflexe. Il hésitait à dire ce qui crevait les yeux. En effet, c'est évident que le témoignage de l'accusé est le moins objectif qu'il lui sera donné d'entendre. Cependant, l'inspecteur eut la présence d'esprit de ne pas le rappeler à Dolan, s'évitant ainsi une nouvelle humiliation - publique cette fois-.
L'avocat équipé de sa petite mallette et d'un costume noir aux reflets verts nacrés, poussa la porte de la salle qui servait habituellement aux interrogatoires et se présenta devant sa cliente.