Cette fois, Jack avait compris ce qu’il se passait. Lorsque ses instruments avaient commencé à s’emballer et que les alarmes avaient sonné toutes d’un coup dans un tintamarre assourdissant, le chasseur de primes s’était immédiatement préparé, reprenant les commandes et s’attachant pour se préparer à négocier tout ce qui lui tomberait dessus.
« Putain, c’est pas vrai ! Quelle poisse ! »De retour à pleine vitesse vers la Base sans nom, où il espérait retrouver la belle et improbable Jessica, Jack venait de tomber sur une nouvelle perturbation. Faille sauvage ou non répertoriée, il n’avait aucun moyen de les anticiper, aucune connaissance à leur sujet malgré ses premières expériences et, plus il bougeait à son compte, plus il courait le risque d’une très, très mauvaise rencontre. Il ne pouvait que se préparer à tout et…
« WOOOW !! »En mode de vol spatial, l’appareil du vétéran se retrouva brutalement soumis à une résistance atmosphérique et à une gravité significative. Comme la fois où il s’était presque crashé sur Terre. Cette fois, il était prêt, et il reconfigura les moteurs en quelques secondes, ne chutant que d’une grosse centaine de pieds et dans une épaisse couche nuageuse avant de se stabiliser. Sa respiration était vite devenue haletante et une sueur froide lui courait sous les bras et perlait sur sa peau, marquant son front en témoignage de la panique qui avait failli s’emparer de lui.
Désormais stable, immobile dans les volutes blanches célestes, il fit un bilan des dégâts. Ses senseurs réclamaient un redémarrage et il l’initia tout de suite, patientant, anxieux, jusqu’à ce que le check-up se termine et que les balayages reprennent.
Un sifflement électronique strident le fit sauter sur son siège.
BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII-I-IIIIIII-IIIIIIIIIIIIIIIIII---Il reprit les commandes, fit une embardée.
Lina plongea sur le dos sous la couverture nuageuse, perdant encore 300 pieds en esquivant désespérément et de justesse un missile lancé pour elle. Le cœur de Jack battait la chamade dans sa cage thoracique. Ses réflexes s’engagèrent immédiatement, et son vaisseau accéléra rapidement pour se préparer au combat. Cependant, de nouveaux bips signalèrent de nouveaux contacts et le verrouillage de nombreuses armes sur lui. Il déglutit et comprit vite qu’il n’était pas encore mort car ses poursuivants l’avaient épargné jusque là, et il ralentit doucement, repassant en vol stationnaire et découvrant le vol d’engins de combat de pointe l’encerclant et s’approchant doucement.
« Ici le Lina, traqueur indépendant. Je vous transmets mon identifiant, » tenta-t-il, inquiet.
Il envoya ses codes sur toutes les fréquences avec son message, et attendit. Bientôt, une voix grésilla sur une vieille fréquence radio.
« Donnez le contrôle à l’opératrice, fréquence (…), et préparez-vous à votre appréhension, » répondit laconiquement la voix en question.
C’était mieux que de se faire vaporiser en l’air. Jack obtempéra, et
Lina se dirigea seule vers sa destination inconnue.
- ° ¤ ° -
Il s’était retrouvé confiné dans une petite base militaire isolée commandée exclusivement par des femmes, où les hommes semblaient remplir les fonctions les plus subalternes. Il avait vite compris qu’il partait avec un sérieux handicap et la suite le lui avait confirmé. Il s’était fait cuisiner pendant un temps impossible à évaluer, interrogé sur tout ce qu’il savait comme sur tout ce qu’il ne savait pas. Il ignorait même où il était, mais il n’avait pas de réponse. Il avait été poussé à bout et pressuré jusqu’à finir à bout de nerfs. Il avait pleuré, crié, imploré de rentrer chez lui. On l’avait laissé. Longtemps.
Et puis, à un moment, on l’avait lavé, changé, et on l’avait reçu avec plus d’égards. Ces femmes avaient évalué qu’il n’était pas un ennemi et qu’il ne représentait pas une menace. On l’avait nourri et on lui avait donné des informations de base : il se trouvait sur Terra, dont Anéa lui avait déjà parlé, et il dut lutter pour ne pas avoir l’air surpris et ne pas soulever de méfiance indésirable. Les autorités d’un État nommé Tekhos le retenaient et étaient prêtes à le relâcher et à le guider jusqu’à chez lui. Il n’était pas le bienvenu.
Il n’avait pas de choix. Trop content d’en avoir fini et de pouvoir rentrer, il avait joyeusement accepté.
- ° ¤ ° -
Il avait été cagoulé et conduit hors de la base. Leur véhicule avait voyagé plus d’une heure avant de s’arrêter, et avant que la cagoule lui soit enfin ôtée. Jack cligna des yeux et fronça les sourcils en retrouvant enfin le soleil, le vrai… ou plutôt un astre solaire réel… et découvrit
Lina posée au milieu de nulle part, sur une surface de sable dur et plat, intacte. L’engin qui l’avait conduit là n’attendit même pas de voir s’il partirait. Des senseurs devaient le suivre et des engins se préparer à le descendre à la première bêtise. Qu’importe. Il retrouvait son coucou avec plaisir.
C’était un éclaireur léger doté d’un petit cockpit, de deux couchettes superposées spartiates, d’une petite cabine d’hygiène et d’une soute basse de plafond, et équipé d’armes complémentaires et d’une propulsion considérablement modifiée. Il portait encore quelques séquelles d’aventures passées mais il fonctionnait parfaitement et même mieux que jamais. On y accédait principalement par une porte coulissant latérale, qui s’ouvrait sur les couchettes et sur la circulation étroite, tout juste suffisante pour lui. A l’arrière, on pouvait accéder à la soute. A l’avant, on avait la cabine d’hygiène, puis un placard tactique et le cockpit. C’était simple. Basique. Suffisant pour son mode de vie nomade. Il y dormait d’ailleurs rarement.
Il se demandait si on avait programmé la trajectoire de la faille sur son ordinateur, ou si on prendrait le contrôle de
Lina jusqu’à ce qu’il revienne à sa dimension originale. Il aurait plus aimé pouvoir comprendre comment tout ça fonctionnait, pour devenir autonome et pouvoir se débrouiller seul la prochaine fois. Mais il pouvait, au moins, rentrer chez lui.
Il marcha rapidement vers l’appareil, l’inspecta rapidement et, son tour fini, activa une commande biométrique dissimulée pour ouvrir la porte latérale.
Il ne s’attendait pas à ce qu’elle s’ouvre sur un clandestin.