L'entre-deux Mondes > Le Palais Infernal

Sorcellerie et trahison [PV]

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Helel:
Tous les démons étaient différents. Mais ce qui différenciait Helel des autres, c’était son étrange flair. Bien évidemment, tout démon pouvait renifler la peur aussi certainement qu’un homme inspire le parfum de sa bien-aimée. Mais le Grand-Duc était différent. Les notes indescriptibles de la terreur lui racontaient bien plus encore que de simples émotions, de basiques rictus qu’il n’avait nul besoin de magie pour traduire.

A travers leur délicieuse peur, le beau diable devinait, divinait, ce qui menait les petites magiciennes jusqu’à son antre. Oui, leur terreur avait comme discrète note, le parfum acide de l’envie et de la jalousie. Elles venaient chercher une vengeance, une vengeance pour un acte, un crime, qui était encore seulement sur le point d’être commis. Mais.

« Si jeunes. Et pourtant si douées. » Observa Helel, se laissant lourdement retomber sur sa chaise, jambe en équerre et doigts sur le bout de sa barbe. Elles masquaient admirablement les raisons profondes de leur peur. Mieux qu’elles ne le pensaient, en tous cas. Le beau diable devinait seulement la silhouette de celui qu’elles haïssaient tant. Il observa d’un œil intéressé le pendentif, un léger sourire aux coins des lèvres. « Voilà une offrande qui me change des sacrifices habituels. Un bel ouvrage. »

Le compliment du perfide Grand-Duc sonnait des plus sincères, car il l’était en très grande partie. Mentir devenait si facile, lorsque le mensonge s’enracinait insidieusement dans la vérité. Le problème étant qu’Helel n’était pas de ceux qui s’attachent à des babioles et autres talismans. Non, il faisait dans quelque chose d’à la fois beaucoup plus et beaucoup moins tangible : l’âme de ses proies.

« Voyez-vous, votre livre voudrait me vendre comme un monstre cruel, assoiffé d’âmes et de chair. Mais rien n’est moins vrai. » Menti sans honte le beau diable. « Cependant, il me paraîtrait insensé d’accepter un pareil ouvrage. » Il afficha une mine quelque peu désolée, masquant avec habileté le sourire carnassier que sa conscience voulait tant afficher.

Longuement, il réfléchit. Du moins, c’était ce que l’extérieur de son enveloppe laissait penser. Son esprit savait quoi proposer dès lors que la magicienne grecque lui avait laissé entrevoir le talisman. Elles étaient douées, elles étaient intelligentes, tirant sur les cordes du démon avec l’habilité de joueuses de harpe. Mais le beau diable était un tout autre instrument.

Il les observait sans se soucier de les gêner, insistant sur leurs courbes et leurs lèvres. Un sourire ornait les siennes, bras croisés sur son torse musculeux. Il faisait chaud, horriblement chaud dans l’étude du Grand-Duc. Était-ce normal ? Après tout, elles étaient en enfer. Mais cette chaleur n’était pas seulement comparable à un chaud jour d’été. Plutôt, c’était une chaleur qui s’immisçait sans consentement ni scrupules dans leurs bas-ventres. Le désir, le parfum envoutant du diable.

« Je viendrais à bout de tous vos soucis, et tout ça pour n’avoir qu’UN SEUL talisman confectionné au printemps de votre maîtrise magique ? Un mécène accepterait-il un simple tableau en échange de son financement à durée indéfinie ? » Il affichait un air de regret, laissant entrevoir son désir d’aider les deux jeunes femmes.

Mais après un moment de réflexion, Helel claqua des doigts, et un parchemin au texte enflammé apparut. Même les invocateurs les plus novices auraient reconnu là un document légal venu tout droit des enfers. Mais, si cela n’impliquait pas toujours de vendre son âme, il fallait bien faire attention à la moindre tournure de phrase. Bien sûr, il n’était pas dans l’intérêt du beau diable que ses clientes prennent leur temps pour lire les petites lignes.

« Si je ne peux vous faire signer votre âme, pourquoi pas votre service ? N’y voyez pas de mauvais jeu de mot ou de sous-entendu malintentionné. » Il plissa les yeux, affichant un sourire amusé mais avenant. « Je règle votre problème. Je vous donne ma promesse que ce contrat ne signe pas votre âme. En échange, vous passez une semaine dans ma demeure à fabriquer autant de ces runes que vous le pouvez. En conséquence de notre signature, vous avez également l’interdiction d’en produire pour toute autre partie, privée ou pub… »

Il n’en finissait pas ! Des secondes, minutes, peut-être même des heures de charabia légal. Et il faisait toujours aussi chaud, de plus en plus chaud à tel point que même une braise aurait pu en suer.

« Tout va bien, mesdames ? » S’interrompit le démon, se levant de son siège pour revenir derrière elles. Il posa une main sur l’épaule de l’une, l’autre sur l’épaule de sa consoeur, puis il se pencha légèrement vers elles, murmurant à leurs oreilles. « Il fait terriblement chaud ici, faites attention… Il ne faudrait pas que vous vous évanouissiez. » Pourtant, l’envie devait certainement mordiller les deux jeunes femmes, à plus forte raison quand le torse du colosse semblait être un reposoir approprié.

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