Bac à sable > One Shot

Abus de confiance [Pv. Koda]

(1/2) > >>

Lilly:
Lilly joue Mayu Kamazuki

Mayu était horriblement stressée. Pourtant l'image que lui renvoyait le miroir de sa salle de bain reflétait une jeune femme forte au visage sérieux. Et c'est bien ce qu'elle était vraiment. Idole de tout un campus, elle excellait aussi bien dans son activité sportive qu'en classe où ses professeurs la couvrait d'éloges. Les études, c'était une chose mais sa passion réelle était la boxe. Depuis toute petite, elle enfilait les gants pour son plus grand plaisir et son niveau actuel, à  20 ans, en poids plume car pesant 57 kilos, lui avait fait atteindre les podiums. Championne universitaire de Seikusu, championne régionale, bardée de victoires dans sa catégorie, elle avait même battue par ko une professionnelle renommée lors d'un match amical, rencontre retransmise à la télévision nationale, ce qui l'avait fait découvrir auprès du grand public. Sur le ring, elle perdait son attitude discrète voire timide pour se transformer en tigresse acharnée. Véloce, rapide et puissante, elle y associait une technique exemplaire et audacieuse, ce qui couplé à son physique explosif et sa taille (elle atteignait presque le mètre soixante dix huit) en faisait une adversaire redoutable.

Elle s'épanouissait dans son sport, suivait des études de droit du travail, et était la chouchoute de son établissement. Le directeur veillait sur elle comme sur un bijou précieux et ne se gênait pas pour l'exhiber lors de conférence de presse, ce qui participait à la renommée de la fac de Seikusu. Le maire de la ville aussi la portait aux cieux et il n'était pas rare qu'elle soit sollicitée pour des campagnes de pub de la ville. Encadrée en permanence, elle ne trouvait le repos que quand elle rentrait chez elle où ses parents et son petit frère avait appris à la laisser redevenir ce qu'elle était: une jeune fille qui ne demandait qu'à vivre normalement.

Le gros problème de Mayu, c'était ... les garçons. Elle était épiée en permanence et et si l'un d'eux l'approchait ou qu'elle montrait un signe d'intéressement pour un étudiant, toute une machine répressive se mettait en route et l'isolait de ce lien social vital. Elle l'entendait tous les jours: ça va te nuire, tu vas te déconcentrer, tu auras le temps plus tard, pense à ta carrière! Mayu appartenait aux autres mais pas à elle-même ...

Aussi, elle s'était abonnée (à sa grande honte) sur un site de rencontre en préservant son anonymat et en montrant le moins possible. Elle était jolie avec un visage d'ange et sous un certain profil, on ne pouvait pas la reconnaitre. Elle avait reçu beaucoup de demandes et en avait sélectionnée quelques unes pour un final n'en conserver qu'une. Son interlocuteur, un jeune homme au profil un peu similaire au sien l'avait accroché par ses manières polies et son sens du relationnel qui l'avait très vite mise en confiance. Ils chattaient, évitaient les sujets trop personnels et tout avait basculé quand ils s'étaient mis d'accord pour un vocal. Mayu avait paniqué à l'idée de parler à un garçon pour un sujet pouvant aboutir ... à une rencontre, une vraie. Elle s'était sentie bête et nulle quand ils avaient parlé, sans réaliser que non, elle avait été tout à fait normal bien qu'un rien réservée. Mais elle avait ri et lui aussi. Le garçon ne la pressa pas par la suite et ce fut donc tout naturellement qu'elle lui proposa une rencontre. Il était temps et elle ne voulait surtout pas le perdre ou qu'il se lasse. Elle avait mis des heures à se préparer, écrivant et réécrivant un brouillon tout raturé de ce qu'elle voulait lui dire. Bon, elle perdit un peu les pédales mais parvint quand même à faire sa demande sans trop se ridiculiser. Il avait dit oui heureusement et ce soir, deux semaines après ... c'était le grand moment.

Mayu se regardait donc dans son miroir. Elle avait essayé plusieurs tenues. Elle s'était détestée en robe: elle trouvait que son physique de boxeuse n'allait pas avec. Les jupes, c'était pire. Elle ne portait habituellement que celle de l'uniforme de la fac. Au final, elle choisit un jean slim avec un joli petit haut moulant sur lequel elle passa une veste sage. Ainsi, elle évitait d'exposer ses muscles qu'elle craignait trop ... monstrueux. En réalité, Mayu était bien faite. Physique oui mais sans atteindre un niveau trop exagéré ... presque. Elle posa ses lunettes sur son nez et choisit une sacoche de sa mère assez discrète pour y fourrer ... pas grand chose. Le maquillage, elle évitait ou alors à peine. Le directeur de la fac lui disait toujours qu'elle devait éviter d'être trop jolie pour ne pas s'attirer des problèmes.

"Maman! Je sors! Aiko organise une soirée chez elle, je rentrerai en taxi!

Sa voix douce tranchait avec le reste.

Le rendez vous était prévu à 20h00 à ce restaurant qu'elle avait trouvé sur le net et qui proposait, outre une carte variée, une discrétion certaine car agencé de manière à ce que les clients ne soient pas dérangés par les tables voisines.

A 19h45, elle s'y présenta. Il faisait déjà nuit et l'activité nocturne de Seikusu émergeait. Devant le serveur, elle se retrancha derrière sa mèche et donna son nom, Kamazuki, afin qu'il la guide à sa table. Le garçon n'était pas encore arrivé. Dans la travée la menant à sa table, un client se leva brusquement en riant et s'engagea devant elle sans y faire attention. L'impact fut brutal et il bascula en arrière. Elle n'avait pas bougé d'un centimètre ... Ses épaules solides avaient fait le reste ... L'homme s'excusa en bredouillant, impressionné, tout comme les autres convives. Mayu fonça dans son coin et se tassa sur sa chaise, enfin tranquille.

Cinq minutes passèrent, elle se triturait les doigts. Pourquoi n'était-il pas là? Allait-il venir? Peut être lui poser un lapin? Il était passé, l'avait vu et était reparti horrifié? Le regard de la fille naviguait de la chaise vide en face d'elle à l'entrée du restaurant. Plusieurs personne attendaient, un couple, une belle jeune femme, un groupe d'amis ... Elle stressait, ouvrit un peu sa veste, la referma, l'ouvrit encore ... vérifia l'appli sur son téléphone ... rien.

Köda Hirobe:

* On... On se dit 20h pour le rendez-vous ?
* Bien sûr. Toujours partante pour l'Extravaganza ?
* Oui oui. Ça a l'air bien !
* Tu m'en vois ravi. On se dis à demain alors. Passes une bonne nuit, prends soin de toi.
* Bonne nuit :D
Köda posa son téléphone sur sa table de chevet et observa calmement le plafond. Il ne s'était jamais imaginé que les sites de rencontres puissent être aussi efficace, mais il ne pouvait clairement pas renié cela désormais. Faut dire, il y avait un avantage certain : Les gens ne le rencontrait pas directement. Ils avaient certes accès à sa bouille efféminée, mais pour ce qui était de sa taille, de son corps peu développé, de sa voix presque trop douce... Eh bien c'était autant de détails qui ne se faisaient remarqués que bien plus tard, une fois que les discussions avaient été bien assez approfondies pour que ce genre de dissonances ne soient plus vraiment un problème. Pourtant, il avait flippé une fois. Chose assez stupide parce que l'idée venait de lui, mais quand ils avaient dû se faire un appel audio, il s'était demandé plus d'une fois si la déformation de sa voix, avec le micro de merde qu'il se tapait, n'aurait pas put complètement jouer en sa défaveur. Pourtant, tout s'était bien passé. Tout se passait miraculeusement bien, depuis le début de leurs échanges.

Cela faisait ... quoi, deux bons mois maintenant ? Il n'avait pas vraiment compté, et franchement, il ne faisait pas suffisamment attention au début pour se rappeler de la moindre date. Adepte de la technique du "sale petite rat" sur les sites de rencontres, il n'avait même pas regardé les profils qui lui étaient présentés, se contentant de valider toutes les propositions qui lui étaient faites dans l'espoir que quelqu'un réponde positivement. Il y en avait eut, souvent ça avait été un tôlé... Parce que ses airs androgynes lui amenèrent plus d'une fois des messages privés de mecs se faisant passer pour des femmes afin de chercher à courtiser des lesbiennes qui pourraient se laisser tenter par une expérience différente. Autant dire que chacun de ces messages furent une raison pour le jeune homme de vouloir briser son téléphone, puis de maudire la terre entière. À la place, il se contenta d'envoyer une requête à la modération du site pour torpiller ces tricheurs éhontés. Ce fut là toute sa première expérience, jusqu'à ce que le désespoir le mène à vouloir quitter ce genre de plate-forme pour ne plus jamais y revenir.

C'est là qu'il la rencontra. Une jeune femme, visiblement un peu timide au vu du manque de clarté dans ses messages, l'invitant tout simplement à échanger, afin de se rencontrer en un lieu sécurisé pour l'instant, et peut-être réfléchir à un plus tard. Soyons honnête, Köda ne savait pas du tout si ils allaient passer les premiers échanges, peut-être était-ce pour ça qu'il fit un effort considérable afin d'être doux, simple, délicat. Le but ? Apparaître sous son meilleur jour. D'ailleurs, de manière très étonnante, ce fut presque gratifiant de voir qu'au fur et à mesure de leurs échanges, ça marchait ! Ils se mirent à parler de plus en plus, de choses de plus en plus intimes, et pour l'un, et pour l'autre. L'androgyne s'étonna malgré lui de parler de sa vision un peu rude des cours, dans lesquels il avait simplement l'impression de vivre un ennui mortel, jours après jours, tandis que la jeune femme de l'autre côté de la fenêtre de texte lui avoua avoir bien du mal avec l'univers un brin étouffant dans lequel elle vivait. De fil en aiguille, ils s'appelèrent tout les deux, échangèrent avec beaucoup d'entrain puis...

Parlèrent d'un rendez-vous. Malgré tout, Köda avait un peu d'argent de côté. Il s'informa sur un bon restaurant, chercha un milieu chaleureux et accessible sans être grossier, puis finalement jeta son dévolu sur l'Extravaganza, un commerce très bien noté italien. Elle lui sembla emballée quant il lui proposa, aussi se donnèrent-ils une date, un horaire et ... Voilà où il en était. Sérieusement, ça avait marché ? Il peinait à s'en rendre compte, mais l'idée même d'avoir cette chance entama de lui nouer l'estomac. C'était... Enfin, ça allait être important, tellement important demain, il se devait de ne pas niquer toutes ses chances à la première impression. Clairement, il allait falloir qu'il s'habille un peu chic. C'était pas son fort. Puis ses manières, adieu les gros mots et familiarités. L'alcool pareil, il allait falloir faire sacrément gaffe, ça pouvait vite tourner au vinaigre quand il avait un coup dans le nez. Punaise, il commençait déjà à se prendre la tête. Il tourna la tête en direction de son radio-réveil. Il était déjà quasiment minuit. Dormir allait être compliqué. TRÈS compliqué.

*
*   *
Sortant enfin de ses cours de la fin de journée, l'efféminé regarda son téléphone et... manqua hurler. Plus de batterie. Faut dire, il avait passé la nuit à réfléchir à ce qu'il allait faire, comment il s'habillerait, non sans parler de la manière dont il devrait se présenter. Tout cela pour lire des conseils sur les rendez-vous amoureux pendant près de trois heures, s'endormir sur les coups de quatre heure du matin, cela sans mettre son outil de communication à recharger, ce qui justifiait le piteux état de son smartphone. Mais il n'avait pas le temps de se plaindre. Pour rejoindre le restaurant, il se devait d'atteindre le réseau de métro de Seïkusu, puis de prendre deux lignes différentes afin d'atteindre les abords du point de rendez-vous. Clairement, ça allait lui prendre un temps fou, et vu qu'un de ses enseignants lui avait tenu la jambe pour parler de ce qu'il avait rendu comme devoir (à savoir le minimum requis pour avoir la moyenne, il le savait très bien), Köda savait aussi qu'il en avait déjà perdu bien trop. Tant pis, il allait devoir courir, heureusement qu'il avait emporté son déodorant.

C'était donc la course. Loin d'être dans ses tenues plus naturelles, le jeune homme avait opté pour un pantalon brun, une paire de basket quasiment neuve, ainsi qu'une chemise blanche accompagné d'un manteau à buste court. C'est ce qu'il avait de plus masculin en soi, ou du moins ce qui ensemble faisait masculin. Il se souvenait toujours honteusement d'un photo qui avait circulée lors de sa période du lycée où il se changeait. Avec seulement une chemise sur le dos, un peu trop grande pour lui à l'époque, l'on aurait crû à ce cliché typique de la petite copine qui vole son haut à son compagnon après une nuit intense de gémissements et d'ébats. Et voilà, le simple souvenir de cela le foutait en rogne. Tant mieux en soi, ça lui donna d'autant plus d'énergie pour couvrir la distance jusqu'au métro, puis de s'y engouffrer pour alors sauter dans la première rame qui lui était accessible. Il leva les yeux vers le panneau lumineux indiquant la destination et l'heure.

19h10. C'était très très serré.

Le voyage se fit dans la nervosité. Se jetant hors du second tram alors qu'il était déjà 19h56, le pauvre retardataire se remit à courir comme un dératé, manquant d'ailleurs bousculer une petite vieille dans les escaliers. Il l'évita en bondissant de côté, se rétablissant n'importe comment sur la rembarde opposée, dévalant trois marches sur le talon avant de repartir comme un furibond, laissant derrière lui l'ancienne qui vociférait dans sa descente qu'il était un voyou malpoli. C'est ça, bave toujours vieille conne, il aurait  dû lui coller ses deux genoux dans le dos au lieu de l'éviter, c'aurait fait une retraite de moins à payer. En tout cas il traversa les deux prochaines rues comme un marathonien en plein record mondial, puis apercevit enfin les lumière du restaurant. Il décéléra lentement, retrouvant un rythme normal à petit pas, tout en recouvrant son souffle. Hop, une main dans le sac, et il s'applique une nouvelle dose de déodorant, souhaitant être parfait, donc pas couvert de sueur sous les bras. Par chance, la fraîcheur du soir l'aide à se refroidir après l'intensité du voyage.

Il arrivait enfin à destination, serein, passa un coup d'oeil par la vitre pour observer l'intérieur et... se jeta en arrière par un soudain coup de panique. Bonne nouvelle, sa compagne de dîner était là, dans le restaurant, déjà attablée. Par contre, mauvaise nouvelle, ainsi que raison de son soudain recul : Il la connaissait ! Enfin... connaître était un bien grand mot. Il savait surtout qui elle était. Mayu Kamazuki. La star actuelle de l'université, championne sur le ring, intouchable lors des cours tant la présence éminente du corps enseignant et administratif autour d'elle dissuadait tout les clampins qui s'imaginaient pouvoir lui conter fleurette. Il avait jamais fait le rapprochement ! En même temps, sur le site de rencontre, c'était marqué Mayu K. autant dire que ça aurait put être n'importe qui ! Pis honnêtement, maintenant qu'il commençait à se calmer, autre chose lui apparaissait assez clairement : elle avait l'air si délicate, si douce quand ils parlaient ensemble... Difficile d'imaginer que la petite demoiselle avec qui il parlait était la même que celle qui sonne ses adversaires à grands coups de poings dans les chicots.

Bon sang, il avait rendez-vous avec Mayu Kamazuki. Eh bien... Soit ! Savez quoi, il allait non pas seulement s'en sortir parfaitement, non, ça devenait bien plus intéressant que ça ! Il le sentait en lui, au plus profond de ses entrailles : lui, qui n'avait jamais eut son heure de gloire, qu'avait toujours dû gérer des histoires insupportables toute sa scolarité, on lui présentait la coqueluche de l'établissement sur un plateau d'argent ? Il ne comptait certainement pas se passer d'un met aussi délectable. Merci aux mille kamis de l'avoir placée sur sa route, désormais, il se devait d'assurer.

Il quitta son recoin de sûreté. Droit, calme, il s'approcha de la porte d'entrée, en passa le seuil non sans le tintement d'une clochette signifiant son apparition, puis se dirigea vers l'accueil, où un serveur semblait préparer les amuse-bouches d'une table. Il tourna la tête vers sa rencontre de ce soir, visiblement elle l'avait remarqué, en même temps difficile de louper son air si féminin. Il la gratifia donc d'un sublime sourire avant de se retourner en direction du serveur, procédant à l'accueil classique que l'on pouvait attendre d'un restaurant qui tient à sa réputation. "Bienvenue, avez-vous une table de réservée ?" et tutti quanti, il suffira au jeune homme de prononcer son nom et celui de sa compagne pour qu'on lui informe que la précieuse demoiselle est déjà arrivée, chose qu'il n'avait bien entendu pas loupé. Mais point de remarque désagréable, ni de propos froids et acerbes. Il se contente d'opiner du chef, puis de se laisser guider jusqu'à la table à pas lents.

On lui tire la chaise, il remercie le serveur d'un air aimable, puis installe son manteau sur le dossier de la chaise tandis que l'employé s'éloigne. Il relève les yeux, contemple le visage timide caché derrière des lunettes de Mayu. Mais c'est qu'elle était terriblement mignonne avec son air angoissé !

" Bonsoir Mayu, mille pardon pour le retard. Acceptes-tu malgré tout que je m'assieds avec toi à table ? "

Lilly:
C'était décidé. Encore cinq minutes et s'il ne venait pas, elle s'en irait. Bien que les délais soient acceptables, Mayu était tellement stressée qu'elle avait presque envie de fuir. Elle passait par tous les stades de la nervosité et alternait les instants calmes avec des pics électriques. Il s'agissait de son premier vrai rendez-vous et s'aventurer dans l'inconnu affectif (puisque c'était bien le but ultime de la chose) l'effrayait plus que tout. Autour d'elle, l'ambiance était sereine et de nombreux couples filaient le parfait moment d'intimité autour d'un verre de vin ou d'une conversation complice. Et elle ... Une ombre voila son espace proche et elle leva les yeux. L'un des serveurs tirait la chaise d'en face pour ... la jeune femme qu'elle avait vu entrer.

"Euh ... oui, je, c'est pourquoi? Cette place est réservée." dit-elle à l'attention de l'employé.

Elle ... non, il l'interrompit d'une voix douce et posée, teintée d'assurance masculine qui contrastait avec son physique. C'était bien un garçon mais pas du genre qu'elle attendait. Mayu papillonna des yeux, surprise mais suffisamment habituée à cacher ses émotions pour que cela se détecte à peine.

"Bonsoir Koda, je ... viens à peine d'arriver, il y a beaucoup de monde dans le métro, ne t'inquiète pas. Oui oui, assieds toi je t'en prie."

Elle rectifia sa position sur la chaise, les épaules bien droites, les mains sur la table et se racla discrètement la gorge.  Le garçon, celui qu'elle attendait, était enfin devant elle et le silence qui suivit entraina une gêne qui lui fit baisser ses yeux sur ... ses couverts qu'elle scruta comme des trésors tout juste découverts. Néanmoins elle avait eu le temps d'appréhender Koda. Sur le ring, elle ne mettait qu'une seconde à lire qui elle avait en face d'elle. Là, elle n'avait pas eu besoin de plus avec lui, physiquement en tout cas. Koda était frêle, selon ses critères sportifs. Elle se sentit aussitôt monstrueuse d'autant plus qu'elle le regardait de haut. Côte à côte, elle était bien plus grande que lui. Elle y était habituée mais elle savait d'expérience que ça perturbait l'égo de beaucoup de garçon. Lui, n'avait pas l'air d'en tenir compte plus que ça. Il la regardait sereinement et s'imposait malgré ses airs très efféminés. Son visage était magnifique et compensait tout le reste, enfin ... ce n'était pas exactement ce que Mayu voulait penser mais elle ferait le tri plus tard. Il fallait vite briser la glace, la sienne, et commencer ce fichu rendez-vous comme n'importe quelle fille normale le ferait. Elle releva donc les yeux sur lui (sa réflexion les avait rendu polaires) et elle lui sourit, animant son visage d'une expression qu'elle espérait radieuse.

"Je suis très heureuse de te rencontrer. Après autant de vocals, j'avais hâte de te voir."

Et elle ajouta à voix très basse, presque imperceptible.

"Tu ... tu es très beau."

Indéniablement il l'était. Ca devait être dur pour lui, il devait attirer tous les regards. Mayu savait exactement ce que cela faisait mais pas pour les mêmes standards de beauté. Heureusement, personne ne venait trop la chercher sur ce sujet...

Le serveur vint s'enquérir de leur commande et ils n'avaient pas encore ouvert la carte. Un apéritif en choisissant?

"Euh, oui oui ..."

Un truc sans alcool, sans sucres, sans éléments susceptibles de briser son travail quotidien d'ascète ... Oh et puis non, c'était son soir et elle allait faire une entorse à son régime!

"C'est bon le Bloody Mary? Oui? Alors je veux bien."

L'alcool, elle en buvait un tout petit peu et à de très rares occasions aussi elle se jura intérieurement de faire quand même très attention. Et puis, dans le Bloody Mary, il avait surtout de la tomate avait dit le garçon.

Koda la regardait; bien sûr qu'il la regardait puisqu'il avait rendez-vous avec elle! Que pensait-il? Trop tankée? Ca n'avait pas l'air de le déranger non plus. Il souriait aimablement et respirait la confiance. Mayu avait envie d'être confidente et puis il n'y avait pas tant d'autres sujets que ceux personnels puisque les autres avaient été évoqués sur l'appli.

"Tu fais du sport?"

Quelle question con, elle se maudit aussitôt. Non, il était évident qu'avec ce physique, il était plus intellectuel qu'autre chose.

"On pourrait en faire ensemble ..."

Arrête Mayu ... Tu le fais monter sur un ring et tu le tues au premier coup, même gentil ... Trouve autre chose! Il y avait bien une question existentielle qui la taraudait quand même.

"Tu ... tu n'es pas déçu par ... Je veux dire c'est comme ça que tu m'imaginais?"

Köda Hirobe:
On ne peux pas dire que le jeune homme manquait de manière. L'avantage à vivre sous l'apparence qu'était la sienne, c'est que l'on apprenait à se mettre en scène, même si l'on appréciait plus ou moins sa forme physique. Dans les fait, Köda avait toujours haï le fait de ressembler à une femme, mais pour autant, il s'avait que cela lui avait apprit à poser sa voix, à contrôler ses gestes, à satisfaire les attentes que d'autres pouvaient avoir de lui afin de s'éviter les plus grosses emmerdes. Cela n'avait certes pas jouer en sa faveur sur d'autres points impossibles à contrôler, comme les rumeurs et la jalousie, notamment dans sa vie scolaire, mais il savait par contre se rendre parfaitement satisfaisant envers ceux qui étaient prêt à voir en lui une personne honorable. En cet instant, il cherchait le meilleur comportement pour une première rencontre, tentant de comprendre comment cette magnifique demoiselle en face de lui pouvait concevoir sa propre personne. Les détails manquaient, mais une fois assis, il entama de lister les petits messages que la demoiselle lui envoyait, volontairement ou non.

S'il se devait de lui donner un point en particulier, c'est qu'il avait en face de lui une jeune femme d'une grande beauté, mais qu'on ne pouvait définir par ce simple point. Elle l'analysait, c'était une certitude. Peut-être moins discrètement que lui en revanche, notamment parce que si le jeune homme était en pleine représentation théâtrale, l'intrépide combattante en face de lui au contraire l'observait avec cette expression aiguisée sur le visage, ainsi qu'au coeur de ses prunelles. Une habitude que le damoiseau comprenait, étant donné qu'il savait depuis quelques minutes qu'il était en face de la nouvelle star du ring de son établissement, mais qui dans d'autres situations auraient sûrement tôt fait de couper la chique au moindre prétendant un tant soit peu "commun". Non pas que Köda se voyait comme une espèce de surhomme, mais il avait au moins l'intelligence de savoir reconnaître qu'une fine observation de la part de cette magnifique compagne n'était point une forme d'agression, tout au plus une mauvaise habitude qui devait, très souvent, lui créer bien des problèmes dans le milieu amical. Si encore elle en avait un, réflexion qu'il garda toutefois pour lui.

" Je suis très heureuse de te rencontrer. Après autant de vocals, j'avais hâte de te voir.
 -  Moi donc, même si je sais que mon physique n'est pas à mon avantage, n'est-ce-pas ? "

Il fit mine d'en rire, préférant jouer directement la carte de son apparence. La combattante l'avait suffisamment scruté, étudié du regard pour qu'il ait bien compris qu'elle avait en quelques sortes jaugée sa nature physique. Non pas qu'il soit ventripotent ou réellement dénué de musculature, mais Köda savait très bien que son corps était fin et délicat, qu'il n'y avait dans sa chair aucune forme de masculinité, sûrement une grande première pour cette demoiselle qui devait bien plus souvent croiser des bodybuilders ou des coachs sportifs en pleine possession de leur herculéennes statures. En revanche ... Il ne manqua pas d'entendre ce qui se glissa de ses lèvres, tout bas. Une remarque qui ne manqua pas de le faire sourire, même si il ne le releva pas de vive-voix. Alors il était à son goût ? Ce n'est pas bien jeune fille, l'apparence n'est qu'une autre forme de tromperie, l'androgyne en était d'ailleurs un expert émérite. Et de lui donner une telle cartouche pour ses futures approches allait avoir des conséquences toutes particulières !

Mais en attendant, le serveur était de retour pour prendre leurs commandes. Fin de cette ouverture de discussion, le jeune homme aux cheveux lilas entama de guider Mayu dans le choix de sa boisson, avant de lui-même commander un plaisir qu'il avait depuis quelques temps, à savoir un gin. Pas un tonic cependant, non seulement parce qu'il n'était pas plus fan en soi du soda dans l'alcool, mais surtout parce que son idée immédiate était de se faire passer pour une personne assurée, dotée d'un certain standing. Finalement, ce que l'analyse poussée de la demoiselle lui avait donnée comme information, c'est qu'elle allait être sensible aux différents détails dont il ferait preuve tout au long de ce rendez-vous, aussi son jeu se devait d'être impeccable s'il voulait quérir un résultat satisfaisant. Un résultat dont quelques terribles images en sa tête commençaient à donner la forme finale. Elle était la conquête idéale, alors il se devait d'être le plus parfait des gentlemans. La fière combattante ne le savait pas encore, mais aussi inoffensif que peut paraître l'efféminé, il commençait déjà à ramener ses griffes autour de son cou.

" Tu fais du sport ? On pourrait en faire ensemble ...
 -  Cela m'arrive, mais au vu de ta forme, je doute que je serais un bon partenaire d'entraînement malheureusement. "

Il répondait avec douceur, un léger rire dans la voix, qu'il jouait évidemment comme une forme d'auto-dérision par rapport à sa propre chair. L'idée n'était pas de jouer forcément l'homme qui se dépréciait en permanence, simplement de ne pas se mettre trop en avant. Il ne voulait pas l'étouffer, surtout qu'elle semblait d'elle-même prendre le courage d'engager la discussion, de lui parler ouvertement, aussi d'en faire trop risquait uniquement de le desservir. Non, tout ce qu'il fit pour le coup fut seulement de la laisser enchaîner naturellement, même si elle sembla avoir soudainement un poids bien plus lourd sur le coeur, le regard presque fuyant aussi, quand elle lui posa enfin une question qui fâche :

" Tu ... tu n'es pas déçu par ... Je veux dire c'est comme ça que tu m'imaginais ? "

Il manqua hausser un sourcil. C'était là une bien curieuse réaction, un propos qui ne manqua pas de venir rajouter quelques rouages aux machinations de l'androgyne. Il était habituée de voir les sportifs comme des personnes particulièrement fières, qui avaient généralement une grande confiance personnelle en leurs attributs physiques, concevant naturellement qu'un corps sain et entraîné leur offrait des avantages notoires par rapport au commun des mortels. Mais là, ce qu'elle lui offrait comme image, c'était celle d'une toute jeune femme en contradiction avec ses entraînements et ses forces, qui avait du mal à se percevoir comme une personne désirable et désirée. Une faille dont il n'avait pas conscience de l'éventuelle profondeur, mais qui lui permettait déjà de réagir de manière tout à fait opportune :

" Mayu, je ne sais pas ce que tu t'imagines mais... Je ne savais guère à quoi tu ressemblais, et non, je ne suis absolument pas déçu. "

Statuant déjà ce fait, il ne manqua pas de se pencher un peu en avant, de manière à rapprocher son visage du sien. Pas suffisamment pour qu'il rentre dans l'espace personnel de la demoiselle, bien sûr, mais assez pour qu'elle soit obligée de tourner son visage en direction du sien, réaction naturelle quand quelqu'un se rapproche sans prévenir. Coudes sur la table et mains croisées sous son menton, le bel androgyne montrait alors un tableau plus familier, il rentrait un petit peu plus dans la sphère de la connivence, de la relation entendue et amicale, afin d'alors rebondir sur son précédent propos :

" Tu es magnifique, n'en doute pas. "

Si elle avait réussie à le lui dire tout à l'heure, même tout bas, Köda lui ne cherchait pas à faire dans la dentelle : son objectif était de montrer un homme assuré, maîtrisé, correct, dont le charme était naturel, pas lourd ou abondant. Ici, il lui montrait qu'il assumait ses goûts, mais surtout qu'il était capable de la complimenter sans la moindre forme de doute, encore plus alors qu'elle présentait quelques failles. Il ne savait pas à quel point ça pouvait lui faire du bien, mais connaissant un peu le milieu sportif, il se doutait bien qu'elle ne devait pas recevoir foule de félicitations et de compliments malgré son poste de future coqueluche du ring. C'était ainsi, le sport de haut niveau se faisait sous la pression et le besoin d'excellence, pas avec des tapes dans le dos et de la camaraderie positive. Est-ce qu'elle allait être sensible à son aveu du coup ? Il ne le savait pas, mais bon, autant se le permettre malgré tout. Après tout, pour un tel propos, il n'avait pas eut à mentir ou se forcer. Il la trouvait effectivement très belle, c'était un fait dont il n'avait clairement pas eut à se cacher.

Les boissons arrivèrent en cet instant, aussi Köda tourna la tête pour remercier le serveur tandis qu'il posa les deux verres sur la table. L'un comme l'autre purent alors se tourner vers leur ouverture de soirée avec un certain calme du côté de l'androgyne. Il attrapa la base de son verre, le leva légèrement avant de dégainer un sourire plein de douceur, un faciès qu'il savait être particulièrement dangereux quand il se trouvait en présence d'une personne sensible à ses charmes. Est-ce qu'elle allait lui donner le plaisir d'y réagir ? En tout cas, il allait débuter ce repas en rajoutant une dernière cartouche, avant de passer à quelque chose de plus délicat :

" Santé, à la joie que fut notre première rencontre, et au plaisir que sera cette soirée, je n'en doutes pas un instant ! "

Il amena son verre contre le sien, le fit tinter délicatement, puis glissa le rebord à ses lèvres pour en boire une gorgée. L'amertume lui couvrit le palais, le faisant frissonner de plaisir.

" Ah, quel bonheur. As-tu déjà goûté du gin Mayu ? Souhaites-tu essayer sinon ? "

Lilly:
Mayu ne s’empêcher de laisser apparaitre un petit sourire rassuré et de satisfaction quand Koda lui donna sa réponse. Elle était soulagée car son physique restait un sujet dont elle faisait tout un complexe. Alors, oui, sur le ring, elle était parfaite, taillée pour la confrontation et le contact physique, mais au quotidien, être plus musclée qu’un homme rendait les relations … difficiles. La virilité masculine acceptait difficilement qu’une fille soit en mesure de lui coller une raclée facilement, d’être plus rapide et surtout, bien plus forte.

La boxeuse ne laissait pas apparaitre ses émotions mais elle souffrait de ce relationnel difficile qu’elle avait avec les hommes dont beaucoup la félicitait ouvertement avant de la trucider en coulisse. Heureusement, ce soir, elle était suffisamment habillée pour que son corps taillé ne soit pas trop visible. Bon, bien sûr, elle avait les épaules les plus carrées de la salle mais sa veste en atténuait un peu la forme.

Koda était très mignon. Elle apprécia ses compliments qui eurent pour effets de rosir ses joues et il lui était difficile de le regarder dans les yeux. Elle n’en menait pas large et remettait sans cesse ses lunettes en place sur son nez avant qu’elle ne s’en aperçoive. Elle se maudit aussitôt de son manque d’assurance, se demandant s’il ne la prenait pas pour une poupée perdue. Mais non, il avait dit qu’elle était magnifique et c’est sur ce point-là qu’il fallait assurer. Mayu ajusta sa position et s’appuya sur la table. Elle venait d’ouvrir deux boutons de sa veste, ce qui eut pour conséquence de libérer un peu sa poitrine comprimée et aussi de la laisser respirer plus librement.

Le coin dans lequel ils étaient offrait une discrétion qui rassurait. Pas du tout dans son élément, Mayu réfléchissait à toute vitesse pour trouver un sujet à aborder quand le serveur apporta les boissons : pause idéale pour ré-agencer ses idées et assurer la suite. Le Bloody Mary sentait la tomate et avait l’aspect justement l’apparence d’un épais jus de tomate avec une petite éclaircie au fond du verre. Curieuse, Mayu trempa ses lèvres après avoir bien évidemment répondu de manière très cérémoniale à Koda. Oh … il s’agissait d’un simple jus de tomate un peu salé et … un rien déçue, Mayu leva un peu plus son verre de telle sorte que la vodka concentrée tout au fond en dévale les parois pour remplir sauvagement sa bouche sans qu’elle soupçonne le drame à venir. Le réflexe d’avaler fut le plus fort plutôt que de tout recracher, d’autant plus que le jus de tomate atténua faussement la brulure de l’alcool. Mais rien ne pouvait résister à la force de la vodka et la boxeuse sentit sa langue, sa gorge, son estomac chauffer chauffer chauffer jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de le cacher. Elle inspira profondément, les pupilles dilatées, battit de la main devant sa bouche et de l’autre, tira sur son top pour le séparer de sa peau. Elle était rouge, elle était sûre et elle pria pour ne surtout pas transpirer. Et en plus de ça, Koda lui parlait.

"Hein ? Quoi ? Du gin ? Non, jamais ! Je ne connais pas."

Argh !!!! Faites qu’un séisme secoue le japon où qu’une météorite s’écrase au large des côtes et provoque un tsunami !! Elle se ridiculisait devant son premier rendez-vous et aurait voulu avoir une pelle pour creuser un trou et s’y enterrer. Mayu toussa et mit une bonne minute à se remettre de ses émotions. Elle reniflait et avait des larmes dans les yeux qu’elle s’empressa de tamponner doucement avec un disque en coton qu’elle sortit de son sac. A cet instant, il lui était très difficile de regarder Koda. Lui, avait l’air si sûr, si assuré, si … normal, qu’elle se sentait toute penaude.

"Je … Excuse-moi, je me suis laissée surprendre. Comme je ne bois pas de choses fortes, je me suis étouffée."

Elle rit nerveusement, se frottant les mains sur ses cuisses. Elle devait absolument rattraper le coup et offrir une image d’elle plus … moins idiote. Elle bredouilla une nouvelle excuse inintelligible et fonça aux toilettes ou heureusement elle était seule. Dans le miroir, son expression mit quelques secondes pour passer de complètement larguée à celle d’une bête de guerre. Mayu reprenait le dessus et s’appuyait sur sa passion pour se refaire une personnalité.

Arrête de te comporter comme une empotée ! Ce n’est pas toi ça ! Ce rendez-vous, tu l’as voulu alors assure ! Montre toi … désirable! Il te plait !

Elle farfouilla dans son sac, se refit le portrait, ouvrit un bouton supplémentaire de sa veste et tira sur son top pour offrir une vue plongeante sur ses atouts. A cet instant, elle fut proche de replonger dans la mortification mais la boxeuse en elle fit en sorte qu’elle passe ce cap. Et quand elle revint en salle, il n’aurait pas fallu que quelqu’un se dresse sur son passage. Si Koda n’avait jamais été chargé par un animal sauvage, alors ce serait sa première expérience.

"Je veux gouter ton gin !"

Et c’est ce qu’elle fit, prête cette fois-ci et elle ne failli pas quand elle avala la moitié du verre. Errrk c’était immonde, amer et bizarre.

"MMMmmmh c’est bon !"

Est-ce que cet angle convenait pour qu’il louche dans son corsage ? Allez Koda, ose ! Ça me rassurerait.

Elle lui sourit, d’un vrai sourire sincère, elle espérait beaucoup de cette rencontre et maintenant qu’elle s’était mise en tête qu’il lui convenait tout à fait, elle souhaitait peut-être un premier … geste ? Qu’il lui touche les doigts ou lui tienne la main … ou soit plus entreprenant, sous réserve qu’il en ai envie après la démonstration honteuse.

Navigation

[0] Index des messages

[#] Page suivante

Utiliser la version classique