Le désordre occasionné par Chaperon dans la rue avait semé le chaos et la confusion. Le brouhaha était assourdissant, les cris et les hurlements fusant dans tous les sens. Les gens étaient apeurés, tentant de fuir cette scène indigne de la cité. La garde urbaine, alertée, arriva rapidement sur les lieux, s'efforçant de ramener l'ordre dans cette rue en proie à la chienlit. Mais rien n'y fit, lycanthrope incontrôlable, Rouge avait hurlé sa rage et son indignation ; tout ce qui se trouvait sur son passage, telle une bête sauvage, ressortait traumatisé, fissuré.
En ville, la rumeur enflait ; la panique s’emportait ; les volets se verrouillèrent. Les passants se bousculaient, cherchant à éviter les coups et les griffes acérées de la lycanthrope. Les étals des marchands, oui, ceux-là même qui ne levèrent pas même le petit doigt pour intervenir la première fois lorsque Rouge fut agressée par deux brutes vinasseuses, volèrent en éclats, les commerçants apeurés tentaient de sauver leur marchandise. Chaperon, elle, hors de contrôle, loup-garou incontrôlable, rencontra toutefois une ferme opposition face aux défenseurs de l’ordre civil ; en effet, la garde, armée des orteils jusqu’au chef, tentait tant bien que mal de l'immobiliser, mais la vélocité qu'elle déployait était surprenante. Les rues étaient jonchées de débris et de témoins muets de la furie louve du Chaperon cramoisi de colère. Le rythme saccadé de cette scène surréaliste ne laissait aucun répit, chaque instant était un nouveau déchaînement de violence sonore. Les cris et les hurlements semblaient ne jamais s'arrêter, tandis que les bruits de fracas et de destruction résonnaient sans fin dans les rues. La garde urbaine sut qu'elle devait agir rapidement pour neutraliser Rouge et son affidé avant qu'elle ne fasse plus de dégâts. Mais la lycanthrope était manifestement redoutable, presque impossible à maîtriser et encore moins à atteindre. Les coups et les griffes pleuvaient, frappant les gardes sans relâche.
Et finalement, après une lutte acharnée, Chaperon s’échappa et rejoignit les bas-fonds de la cité marchande. La garde urbaine ne parvint pas à la capturer. C’était clair, c’était un échec… Mais les rues, elles… Elles étaient à jamais marquées par cette matinée désordonnée, chaotique. Les habitants se souviendraient longtemps de cette lycanthrope incontrôlable qui avait semé la terreur dans leur ville et qui, désormais, rôdait librement dans les rues sombres de la cité…
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Après avoir assommé l’intendant, Rouge entra dans le repaire de Vittorio Vulcano, un lieu où la frontière entre le monde des hommes et celui des plantes semblait s'effacer, ne laissant derrière elle qu'un souffle d'émerveillement et de beauté. Un havre pacifique où la nature et la science se mêlaient avec une harmonie surprenante. Situé au cœur d'un parc naturel verdoyant dissimulé derrière une cascade, il offrait un spectacle saisissant de vie végétale luxuriante intra-muros, dans l’enceinte fortifiée de la ville. Tous ses murs étaient ornés d'une mousse exubérante et de lierre rampant, tandis que les étagères surchargées de fougères, de plantes grimpantes et d'arbustes semblaient prendre possession des lieux. Le sol en marbre, recouvert de tapis de mousse et de feuilles, était traversé de petits ruisseaux d'eau pure et de bassins de pierre abritant des espèces végétales exotiques. L'air saturé d'humidité et de fragrances étranges témoignait de la présence enivrante de cette flore étrange et fascinante.
Au centre de la pièce trônait une grande table en bois brut, cirée par les années. Des machines anciennes et des outils archaïques étaient disposés sur des étagères branlantes, rappelant l'époque glorieuse des grands mages naturalistes. Cependant, malgré cette apparence vétuste, ce laboratoire était un lieu où la rigueur scientifique se mêlait à la poésie de la nature. Des plantes exotiques et des créatures fascinantes étaient enfermées dans des bocaux de verre, témoignant de la passion inébranlable du Néréide pour le monde qui l'entourait. C'était un lieu hors du temps, où la passion scientifique s'accordait à la perfection avec la beauté naturelle qui l'entourait. L'atmosphère y était chargée d'un sentiment presque sacré, où chaque murmure semblait être un écho à quelque chose de plus grand, de plus mystérieux et de plus universel. C'était un lieu où la poésie de la nature se mêlait à la rationalité de la science, suscitant une synergie unique. Les émotions devaient y être intenses et la recherche constante, marquée par un désir de comprendre et de s'émerveiller.
Dans la pièce principale de son laboratoire, Vittorio Vulcano était penché sur une éprouvette, manipulant avec précaution les substances qu'elle contenait. Ses cheveux blonds et soyeux, coupés courts, encadraient son visage anguleux aux traits fins et élégants. Bien que ses yeux en amande, d'un doré intense, brillaient d'une vive intelligence et d'une détermination sans faille, nous devinions aisément qu’il venait tout juste de sortir du plumard. Vêtu d'un kimono blanc orné de motifs floraux, il semblait à la fois élégant et décontracté, comme s'il était parfaitement à l'aise dans son domaine disciplinaire. Alors qu'il était absorbé par ses recherches, Vittorio aperçut Chaperon entrer dans la pièce principale de son laboratoire. Il fut surpris de voir cette jolie damoiselle dévêtue pénétrer dans son sanctuaire scientifique, mais il ne perdit pas son sang-froid. Il garda son calme, observant la lycanthrope qui se tenait devant lui, immobile et pour l'heure dans l'expectative.“Mademoiselle, je vois que vous êtes en danger et que vous avez besoin d'un refuge.”
Les yeux du Néréide étincelaient d'un mélange de curiosité et d'inquiétude, car il savait que la moindre erreur pourrait être fatale. “Je m’appelle Vittorio Vulcano, je suis un mage expérimenté, spécialisé dans le monde du vivant.” Il avait entendu parler des légendes concernant les loups-garous, mais il n'en avait jamais vu de ses propres yeux. Certes ! Ce n’était pas la première fois qu’une victime d’un mauvais sort ou d’une transformation indésirée débarque en catastrophe dans son pré-carré. S’il ne savait pas comment réagir face à cette situation imprévue, à fortiori à la vue de son domestique… inconscient, il était en revanche convaincu d’une chose : il devait rester vigilant et tempérer le loup face à l’agneau. “Je peux vous donner les outils et les ressources nécessaires pour contrôler vos pouvoirs, afin que vous ne soyez plus jamais en danger. Nous pouvons travailler ensemble pour développer vos compétences magiques et vous aider à vous adapter à votre nouvelle vie.” Vittorio restait méfiant, cherchant à comprendre les intentions de cette créature, prêt à agir au moindre signe de danger. Leur rencontre dans ce laboratoire allait bouleverser leurs existences à jamais. “En outre, vous vous reposerez ici en toute sécurité, loin des regards indiscrets de la ville et de la garde urbaine. Vous me semblez très lasse, fatiguée. Je vous fais mander une carafe d’eau ?”
Mais pour l'heure, tout n'était que silence et attente.