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Un petit palais plein de surprises ~ Gerd & la Clairière des Muses

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La Clairière des Muses:
Un doux sourire ne quittait guère ses lèvres. Qui aurait pu croire que la matronne retrouverait un de ses anciens clients entre ses murs ? Cette rencontre faisait remonter bien des souvenirs chez Céleste. Peu de gens avaient connu Dame Albame lorsqu'elle n'était qu'une jeune fille, vivant avec son clan selon les aléas de leurs voyages. Il lui arrivait de vendre son corps, lorsque les temps sur les routes étaient des plus difficiles. Elle chantait et dansait également, se donnait en spectacle et attirait fortement les hommes...Céleste fronça un seconde les sourcils et ramena une mèche de cheveux derrière son oreille, histoire de chasser certaines pensées de par ce geste.

Il est vrai que la mère maquerelle était devenue une toute autre personne. Son corps avait toujours été bien en formes, sans être exagéré, tout en étant pas commune, les femmes cherchant à être des plus fines et des plus légères. Céleste avait toujours accepté ses hanches larges et ses cuisses pleines, tout comme ses monts de chair arrière et avant. Sur ce point-là, rien n'avait changé. Mais elle s'habillait plus élégamment. Adieu les friperies et autres haillons des temps du clan, bonjour aux beaux habits et magnifiques robes dignes de la petite noblesse. La presque trentenaire avait beau être plus couverte qu'à l'époque, elle attirait toujours autant, si ce n'est plus. Et ça, ce n'était que physiquement...

Plus jeune, c'était une vraie pile. Peut-être était-ce dû aussi au fait qu'elle vivait avec des gens du voyage, à toujours bouger de point en point sans réellement souffler ? Elle était rayonnante, et elle l'est toujours. Son visage séduisant s'illuminait de par son sourire mais aussi à travers ses yeux brûlants. Sa posture était plus droite et surtout, elle semblait bien plus calme. Céleste ressemblait plus à une dame, celle de la haute-bourgeoisie qui côtoierait la noblesse. Bien que rebelle étant plus jeune, la jeune femme avait gardé ce côté fier. Oui, ce menton haut, cette posture, tout signifiait que la mère maquerelle était devenue une femme qui ne se laissait pas faire et qu'on devait respecter...

" Le temps n'a guère d'emprise sur toi, mon ami, ou alors très peu. Tu n'as pas changé d'un poil. Je pourrais en être presque jalouse. "

Toujours installée contre son bureau, Céleste observa son interlocuteur, impressionné d'un tel changement chez la jeune femme. Le sourire de la mère maquerelle ne fit que s'agrandir, cet air fier prenant le dessus, tout en étant à la fois amusée, puis faussement outrée.

" Moi, tué quelqu'un ? Pour qui me prends-tu ? Mais qui sait ? ..."

Dame Albame haussa ses épaules, tout en gardant son sourire. Voulait-elle semer le doute ? Possiblement. Voulait-elle le taquiner ou le choquer ? Fort probable également. Et elle n'en rajoutera pas plus pour le moment. Gerd a beau être un ancien client, il n'en reste qu'une simple connaissance. Même les plus proches amis de Céleste ne connaissent pas tout d'elle. La mère maquerelle était ce genre de personnes qui préféraient garder des secrets pour se protéger.

" Tu arrives un an trop tôt, mais tu es près du compte. J'imagine que demander l'âge d'un sorceleur est une question saugrenue..."

La jeune femme se redressa un instant pour retourner derrière son bureau, afin d'avoir accès à l'armoire. Elle en sortit une seconde tasse, avec une petite assiette. Prenant la petite théière, la belle demoiselle versa du liquide brun et brûlant dans cette tasse, la poussant légèrement vers son ami.

" Café Yirgacheffe, venant de l'étranger. Tu m'en diras des nouvelles..."

D'un geste de la main, Céleste invita son ami à prendre place en face d'elle si l'envie lui prenait. Ou peut-être avait-il envie de rester debout et proche de la demoiselle ? Elle n'en était nullement impressionnée ou embêtée, si cela était le cas.

" Bien des années se sont passées. Que deviens-tu, depuis ? Et qu'est-ce qui t'a amené entre les murs de ma Clairière ? "

Gerd:
La jeune Céleste était clairement là. Physiquement, la matrone n’avait guère changé en comparaison de la fille de joie qui se vendait dans sa roulotte avec un sourire et un appel chantant. Et si elle s’était assagie et s’était intégrée à ce monde qu’elle avait intégré, affichant les ors et la stature d’une grande dame nexusienne, ce sourire, fier, qui rallumait le pétillant de son visage et de son regard, était toujours là. Elle savait bien d’où elle venait et comment elle en était arrivée là et la pétulante nomade pouvait bien se réjouir derrière la confortable propriétaire.
Joueuse, elle avait gardé le mystère sur ses secrets, et Gerd les avait respectés avec un sourire malicieux. Peu lui importait en vérité. Ils n’avaient jamais beaucoup parlé. Il avait parlé, sur l’oreiller, une fois leurs corps en sueur enlacés dans ses draps satinés, sans jamais trop en révéler, et Céleste, elle, n’avait rien laissé fuiter. On pouvait penser connaître quelqu’un à cause d’une expérience commune, un matelas partagé quelques fois en l’occurrence, mais cette impression était bien souvent illusoire.
Comme elle lui faisait le cadeau de dévoiler son âge, peut-être pouvait-il en faire autant ? En tout cas, autant qu’il en soit capable.

« Tu as raison, l’âge n’a guère d’emprise sur nous et nous ne le commémorons pas. Nous ignorions généralement notre âge exact en quittant les Écoles et je ne connais pas le mien –pas précisément–. Mais je dirais… environ quatre vingts ans. »

Et potentiellement plus. Il flirtait avec le triple de l’âge de la belle et en avait plus que le triple quand ils s’étaient trouvés la première fois. Elle n’avait jamais demandé, peut-être par pudeur ou peut-être par politesse. Puisqu’elle était maquerelle désormais, cette question ne risquait plus de poser de cas de conscience entre eux. Il était au moins normal qu’elle se soit montrée curieuse car, sans connaître sa nature, on ne lui donnerait probablement pas tellement d’années de plus qu’elle –et la Voie l’avait bien marqué–.
Tandis qu’il jouait avec l’arithmétique, elle s’était éloignée pour leur servir du café. Suivant son geste de la main, le sorceleur s’installa dans le fauteuil faisant face à celui de Céleste. Il lui adressait un regard étonné après qu’elle ait annoncé le nom du café qu’elle leur servait, mais il ne dit mot pour le moment. Il rapprocha la tasse de lui. Elle aurait presque eu l’allure d’une pièce de dînette entre ses gros doigts, mais il les utilisait avec une agilité qui ne rendait sa prise en rien maladroite.

« Bien des années, il est vrai. J’ai peur que ma situation n’ait guère évolué, contrairement à la tienne. Et ce compte de banque qui grossit ne m’inspire guère. A qui le léguerais-je ? »

Il était de notoriété commune, parmi les connaisseurs, que les sorceleurs étaient stériles. Parmi les connaisseurs comptaient les travailleurs du sexe, intéressés tant par ce détail rassurant que par le savoir qu’ils ne pouvaient porter de maladie. Cela pouvait expliquer qu’on passe à beaucoup leur caractère très entier, pourvu qu’ils payent d’emblée, dans les bordels de Terra. On ne trouvait guère de clientèle plus propre.
Au-delà de leur stérilité, la destruction de leurs écoles signifiait qu’il n’y avait même pas pour option de faire un legs en leur faveur à leur mort. Que faire de tout cet argent, alors ? Gerd y avait pensé :

« Alors, quand je m’arrête en ville, je m’amuse. J’en profite ! Tu me connais : je n’ai jamais aimé me coucher seul si j’avais une autre opportunité. Et on m’a beaucoup parlé de cet endroit ! Je ne savais pas que tu en étais la matrone, par contre. Il y a beaucoup de commérages et de mystères parmi les gens du commun, mais ça ne fait qu’éveiller ma curiosité. » Il sourit. « Alors, je suis venu voir quel genre de Muses hébergeait ta Clairière ! »

Il porta finalement le café à ses lèvres et le goûta. Ses lèvres se pincèrent et un nouvel éclat de curiosité s’anima dans son regard. Son sourire finit par s’élargir malicieusement.

« Tu sais que j’ai parcouru le monde en long, en large et en travers pendant longtemps. Le nom ne me disait rien et ce terroir ne me dit rien non plus. D’où as-tu dit qu’il venait, ce café Yirgacheffe ? »

La Clairière des Muses:
" Tu ne fais clairement pas ton âge, et tu te tiens drôlement bien...pour un vieux débris. "

Juste une petite boutade, rien de plus. Ne vous avais-je pas dit que la matrone était taquine ? Céleste ne se défaisait pas de ce sourire qui lui ourlait les lèvres. Tandis qu'elle servait les tasses de café, son esprit vagabondait entre différentes pensées, notamment quelques souvenirs. Elle était si jeune, la petite Céleste, lorsqu'elle dût vendre son corps pour des plaisirs charnelles afin de gagner de quoi s'en aller, de quoi acquérir une nouvelle liberté...Le groupe qu'elle avait trouvé à sa presque majorité était nomade eux aussi, et il n'était pas rare de croiser des mercenaires en manque de compagnie sur les routes pour devenir des légendes. Il y en avait de tout genre. Des fois où la simple odeur de l'homme qui partageait sa couche lui donnait la nausée, jusqu'à des hommes plus doux, ayant la puissante envie d'épouser la métisse. Il y avait aussi Gerd. Il avait ce petit quelque chose de rassurant, bien qu'il était un massacreur de monstres, un des plus doués, avait-elle entendu dire parmi les nomades. Il savait aussi faire plaisir et se faire plaisir avec une femme. La jeune brune avait appris un peu plus avec lui...Dire qu'il avait autant

Papillonnant des paupières, dame Albame revint à elle, déposant la tasse de café devant son invité et elle-même. La rapprochant de ses lèvres charnues, Céleste souffla sur le liquide brun pour ensuite en goûter une lichette. En l'écoutant, la belle brune se rendit compte d'une chose : malgré l'ouverture de sa maison de courtisanes et de tout l'entretien que cela nécessite, lui avait vécu bien plus longtemps, avait traversé le monde, et comme il le dit si bien, il a dû ramasser un gros butin. Et ce n'est clairement pas en étant perpétuellement sur les routes que l'on dépense le plus d'argent.

" Le léguer ? Je crois surtout qu'à force d'être sur les routes, tu ne profites pas assez de ton argent. Ce n'est pas en campagne que l'on dépense le plus d'argent. Et si vraiment tu souhaites léguer ton or à quelqu'un, j'imagine qu'en quatre-vingt ans, tu n'as pas dû te faire que des ennemis. "

Qu'il n'y voit pas une manière détournée de sa part pour récupérer cet argent. Céleste n'était pas ce genre de personnes, et surtout, si jamais il venait à le faire, elle n'en voudrait clairement pas, de cet argent. Sa vie n'avait pas toujours été rose. Dame Albame avait subi bien des sévices dont peu de personnes étaient au courant. Ce n'est pas des choses que la jeune femme partageait ainsi. Elle venait de loin, pour ne pas dire de la plus basse classe sociale, mais aujourd'hui, elle avait réussi à monter sa maison de courtisanes. Elle avait une famille qu'elle devait protéger. La mère maquerelle avait réussi tout ça de ses propres mains. Elle était fière de dire qu'elle s'en était sortie toute seule. Alors non, elle n'accepterait pas cet argent, même si les intentions de Gerd étaient sincères. Mais là n'était pas la question.

Toujours en discutant de son héritage et de la manière dont dépenser son butin, le sorceleur fit référence à la Clairière, cette nouveauté pour lui.

" Et bien, il y a toutes sortes de Muses. Des femmes comme des hommes, d'ailleurs. Mais je crois savoir que tu as une préférence pour les courbes féminines. Si tu m'aiguillais sur ce que tu aimes, je pourrai te proposer quelqu'un qui puisse accepter le plus si affinités, car c'est bien ce que tu recherches, n'est-ce pas ? Je peux également te faire le tour du propriétaire, si l'envie t'en dit de voir les lieux et rencontrer les Muses..."

Sur ce point-là, Céleste pouvait faire confiance à Gerd. Il n'avait jamais été violent avec elle, bien qu'ils eurent parfois des rapports de force lors de leurs rapports, mais il n'était pas méchant. Son statut de sorceleur faisait aussi qu'elle savait que les filles n'avaient aucune crainte à avoir sur la propreté de son engin, ni même sur la question de la contraception. Pas besoin de sort ou de potion. Ce « vieillard » ne pouvait féconder, c'est d'ailleurs une raison du pourquoi on ne voyait plus ces yeux d'ambre à la pupille fendue...Soudainement, elle releva les yeux de sa tasse et fixa son invité, toujours avec ce petit sourire en coin, taquine.

" Oh...Et ne réponds pas que tu me veux. Je ne suis plus la jeune nomade que tu as connu à l'époque. Il est très rare que j'accepte de partager ma couche avec quelqu'un...Même si je sais ce que tu vaux, mon ami. "

Gerd, malgré son grand âge, n'était pas un homme vilain, au contraire. Son allure, son charme, tout cela respirait l'aventure et la liberté. Certes, il y avait aussi parfois des odeurs de sueur et de sang mais...C'était ça aussi l'aventure, non ? Céleste était devenue beaucoup plus sélective sur qui aurait l'honneur de finir entre ses cuisses. Rares sont les hommes qui ont ce privilège. La jeune femme n'est clairement quelqu'un d'aigri. Disons juste qu'elle sait comment se rendre encore plus désirable, et aime à voir jusqu'où certains peuvent aller pour pouvoir passer du bon temps avec elle, ne serait-ce que pour une journée, une nuit ou même une heure ?

Mmh...Visiblement, le café piquait la curiosité du sorceleur. Elle avait vu dans son regard la surprise de cette saveur inconnue. Il est vrai que la jeune femme avait eu un mal fou à en quérir un petit paquet, de ce mets brun et il valait son pesant d'or, mais Céleste était une femme pleine de secrets...Elle répondit à Gerd avec le même sourire qui déformait les lèvres de son invité. Plein de malice.

" As-tu réellement découvert tout Terra ? Connais-tu chaque recoin ou même grain de poussière ? Je ne suis pas en train de remettre en question ton expérience de sorceleur ni de tes voyages à travers moult paysages mais...Le monde est sans cesse en mouvement. Une ville magnifique peut devenir ruines en une journée après une terrible bataille. "

La mère maquerelle continua dans sa lancée, prenant une lampée de café entre deux paroles.

" Peut-être vient-il d'un endroit que tu as connu et qui a changé. Dans tous les cas, je suis heureuse de te faire découvrir quelque chose. Après tout, il est rare de surprendre un sorceleur, encore plus quelqu'un de ta trempe. "

Il en fallait peu pour ravir la presque trentenaire, pour le coup. Toujours dans le jeu, elle posa sa tasse, croisant les bras sous sa poitrine, tout en faisant face à son ami.

" Je ne suis pas femme qui dévoile ses secrets. Je ne serai pas aussi désirable si j'étais une bavarde, n'est-ce pas ? "

Il est certain que si elle avait été une Muse à part entière, elle aurait eu pour surnom La Secrète, mais...À force de jouer ainsi avec les hommes, de les faire tourner en bourrique et de faire en sorte qu'ils la désirent encore et encore, Céleste Albame, même en n'était que la propriétaire des lieux, s'était vue obtenir un nouveau sobriquet : l'Intouchable...

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