L'entre-deux Mondes > Le Palais Infernal

Le casse impossible | Feyre

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Feyre:
Les indications se succèdent ; la voix la guide dans ce tortueux labyrinthe. Au-delà de la confiance, une véritable nécessité de la trouver naît. Comme si elle était désormais la seule à pouvoir la sortir de cet enfer. Dans sa course silencieuse, Feyre ne prend plus le temps d’observer, de se prémunir des dangers. Elle est précipitée, audacieuse et ne veille qu’à rejoindre sa destination sans bruit équivoque.

L’air chargé de luxure embrume son esprit. Elle n’a jamais été très maligne, bien qu’elle est un véritable don pour se sortir des situations épineuses. Là encore, ses facultés physiques et sa grande souplesse sont plutôt les atouts qui lui permettent de survivre. Alors les effluves envoûtantes l’abrutissent plus qu’elle ne l’est et la conduisent aveuglément dans ce traquenard.

Avec sa bêtise s’est toujours accompagnée une irrésistible curiosité, accentuée par cette voix résonnante, jusqu’à son âme. Cette porte ne lui inspire guère confiance. Son instinct lui hurle de partir, de s’enfuir loin de ce palais dangereux. Comme un éveil soudain de ce dernier, une vaine tentative de l’empêcher de tourner cette poignée. Elle ne contrôle rien et se laisse guider.

Le salon est particulier et l’homme, coincé comme elle, semble prendre ses aises dans cette pièce. Est-elle à son habitude une pièce déserte ? S’il a réussi à survivre sans se faire prendre — fait qu’elle ne remet toujours pas en cause malgré son caractère surréaliste —, l’étranger doit avoir ses raisons. D’un naturel déconcertant, Feyre prend place sur l’un des luxueux divans.

« Un client voulait récupérer une rose, un truc du genre. » Oui, elle n’a pas vraiment écouté les explications plutôt intéressées par l’action. C’est à peine si la suédoise a retenu l’objet à voler. « Qui sont ces maîtres ? Depuis combien de temps es-tu ici ? Ce lieu est sûr ? » Tant de questions posées d’un coup, une fois que la sienne fut répondu.

Feyre est dépassée par les événements, la disparition subite de ses compagnons et les effluves aphrodisiaques. Tout cet environnement est bien difficile à assimiler pour un esprit humain pour qui, souvent, l’enfer sort de l’imagination de quelques fervents croyants.
Même maintenant, posée à son aise, il lui est difficile de comprendre. Des détails, des explications lui échappent encore. Si par chance, elle s’en sort vivante… Cette mystérieuse aventure la poursuivra pour de nombreuses années.

« Ca a l’air plutôt calme et j’entends personne hurler à l’agonie… C’est déjà ça. »

Trop confiante envers ce parfait inconnu, l’humaine se saisit de sa flûte pour s’y désaltérer. Le soufre a brûlé sa gorge et la boisson se propose comme un doux remède à sa soif, moins idéal qu’un bon verre d’eau fraîche tout de même.

Asmodeus:
Caché sous les traits de ce mortel robuste qui inspirait la confiance à la Suédoise, Asmodée s’amusait secrètement. Il la suivit du regard comme elle s’asseyait, sans prendre de cigarette – il rangea l’étui sans un mot – et la laissa attraper machinalement une flûte de champagne. Elle semblait clairement s’interroger sur l’incongruité des lieux, et sans doute s’interrogeait-elle sur le luxe apparent de ce qui lui était proposé, mais elle avait aussi l’air trop bouleversée pour vraiment y réfléchir. Ses questions révélaient ses véritables préoccupations : elle se demandait où elle était tombée et à qui elle avait affaire.
Il ne donna pas de réponse à Feyre au départ, la laissant cogiter dans son coin et entamer l’alcool, qui soulagea l’agression du soufre sans faire passer pour autant correctement la soif. En l’absence d’alternative, elle n’aurait guère d’autre choix que de continuer et de se resservir si besoin – là n’était pas le problème –. Et c’est quand, finalement, elle évoqua l’ambiance des lieux qu’il se mit à rire avec légèreté dans un nuage de fumée bleue.

« Oui ! L’éducation chrétienne… On s’attend plutôt à ça, en Enfer, c’est vrai, » s’amusa-t-il, buvant une gorgée de champagne avant de continuer : « Oui, c’est l’Enfer ; en tout cas, une section de l’Enfer. Tu es dans un des palais du domaine du Cercle de la Luxure, un des péchés capitaux. Et les maîtres sont… et bien… des Démons, principalement. »

Il esquissa un sourire doucereux en guettant sa réaction, faisant balancer sa flûte au bout de ses doigts entre deux gorgées et tirant régulièrement sur sa cigarette. L’affirmation allait sûrement lever son lot de réactions et de luttes intérieures, entre choc et déni de réalité. Il fit passer la pilule en douceur avec un élément rassurant :

« Tu peux être rassurée, cela dit : la Luxure n’est pas le pire Cercle dans lequel on peut tomber. La Colère ou l’Avarice, c’est déjà autre chose… Le temps est différent, ici, mais je suis là depuis un moment et regarde-moi : je vais très bien ! »

Il écarta les bras comme pour signifier qu’il était à l’aise et ne craignait rien, et il sourit avec amusement à l’Humaine tout en lui envoyant, par jeu, une petite vague aphrodisiaque à rajouter à l’aura imprégnant déjà les lieux ; de quoi la faire vaciller un peu plus, par jeu, sans la torturer – pour le moment –.

« Et cette… rose, que voulait ton client, tu sais ce qu’elle fait ? Tu as une idée de qui était ton client ? »

Feyre:
La suédoise ne dit jamais non à une cigarette mais sa gorge est dans un tel état qu’elle s’y refuse, pour la première fois. L’alcool l’amène ses douleurs et ses esprits. Il se mêle parfaitement aux effluves étranges et la pousse plus loin dans son état second. Plus les secondes passent, plus la voleuse se fait détendue et menée par d’inappropriées réactions de son corps.

Mais elle parvient encore à s’intéresser à la discussion et tenter de comprendre cet endroit. Il est bien difficile à concevoir pour son esprit. En réalité, la présence de l’inconnu lui permet d’appréhender un fragment de cette expérience et de ne pas se croire dans un énorme trip incontrôlé.

Est-ce vraiment mieux ?

Son compagnon de mésaventure eut le don d’apaiser ses craintes. Il va très bien. Pourquoi pas elle ? Il faut juste réussir à survivre comme lui pour ensuite trouver le moyen de s’échapper. Après avoir passé autant de temps ici, peut-être qu’il connait un moyen de procéder ? Autre que le portail. Avec tout ça, Feyre a perdu la notion du temps. Elle ne compte plus vraiment dessus.

« C’est pour ça que je me sens aussi… » Mais les mots sont difficiles à trouver. Son désir s’intensifie. Si Feyre a toujours eu l’habitude de composer avec une volonté obscène dans les pires situations, peu à peu son appétit devient difficile à contrôler. Malmené par les pouvoirs du démon, une proximité devient impérative.

« La rose, répète-t-elle pour se concentrer dessus. Asmodée l’aurait volé du paradis, un truc comme ça. J’ai pas vraiment écouté… Pour le client, seul Machiro a des informations sur lui. Mais j’ai aucune idée d’où il est passé ! »

Dans un geste naturel, Feyre vient s’installer sur les genoux de son sauveur.

« Y a un risque qu’un démon nous trouve ici ? Ou tu connais une autre pièce sûre ?  »

Le salon lui paraît un peu facile à trouver. Il n’est peut-être pas utilisé mais il lui est difficile de se laisser aller alors que n’importe qui pourrait aisément passer la porte d’entrée. Et ce, malgré la confiance qui s’est établie envers l’inconnu.

Asmodeus:
La Suédoise réagissait merveilleusement bien à ses intentions et à l’aura baignant les lieux, et Asmodée se sentait attiré par les vagues de désir échappant de l’Humaine, poussé par les forces de la Luxure à la satisfaire et à la marquer de son passage. Mais il avait quelques questions avant, et il écouta sa réponse avec attention.
Ce commanditaire savait pour l’origine de la rose, mais elle n’en savait pas plus. Ce Machiro en saurait peut-être plus. Machiro –il fallait éviter qu’il se fasse trucider, si ce n’était pas déjà le cas–. Le Déchu envoya une commande en se concentrant une seconde et un Démon proche arrêta ce qu’il faisait, dans un couloir adjacent, pour se mettre à la recherche du voleur susnommé.
Et sur ces mots, Feyre venait de perdre tout intérêt stratégique. Si elle n’en savait pas plus, son interrogatoire n’était plus nécessaire et son utilité se limitait à ce qu’elle pouvait encore offrir. Parce qu’elle avait collaboré, même à son insu, Asmodée était prêt à envisager de la laisser partir. Mais il y avait ces pulsions insatisfaites à considérer, auparavant. Il travaillait l’Humaine depuis qu’elle avait commencé à le suivre et encore plus depuis qu’ils s’étaient installés là, mais elle se montrait encore méfiante et incertaine. C’était compréhensible, et il allait travailler sur ce détail.
Ça ne serait pas bien compliqué, après tout.

« Je vois. Ne t’inquiètes pas, ce n’est plus ton problème maintenant, » lui assura-t-il pour la rassurer.

Dans l’état dans lequel elle était, lui donner un droit de retrait suffirait probablement à lui faire lâcher cette affaire de rose. Et pour ce qui était de son inquiétude…

« Tu préférerais sortir ? » lui demanda-t-il avec un sourire amusé. « Pas d’inquiétude : nous serons tranquilles, ici. C’est un lieu reculé et jamais utilisé. »

C’était évidemment faux. Ils étaient au calme parce qu’ainsi le voulait-il. Personne n’entrerait à moins qu’il le décide. Il les avait bien installés en retrait pour renforcer la crédibilité de leur jeu de cache-cache aux yeux de la Suédoise, mais, pour le reste, tout le monde au palais pouvait savoir qu’ils étaient là. En ce moment-même, elle brillait comme un phare, son excitation la rendant identifiable comme une balise.
Mais Asmodée voulait se la garder, au moins pour le moment. Il la trouvait jolie, sa voleuse impromptue, et il posa sa flûte de champagne avant de se rapprocher d’elle, venant s’installer tout près et se tourner dans sa direction, descendant vers elle, se pressant contre elle, conduisant une main large, ferme et confiante sur son ventre et glisser sur sa taille et son flanc tandis que son visage plongeait dans son cou et que ses lèvres embrassaient sa peau brûlante.

« Je te sens tendue. Laisse-toi aller, ça te fera du bien ! »

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