Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre > Centre-ville de Seikusu

Le prix de la liberté. - Masa

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Kleora:
La sorcière poussait la lourde porte en bois de son atelier. Derrière, Kleora découvrait un amas de bric et de broc qui ne faisait guère de sens à ses yeux. D’une main, elle balayait la poussière présente sur un tabouret afin de s’y installer. Les fesses posées, son regard se perdait sur la sorcière agitée. Une solution, avait-elle déclaré avoir trouvée et son sourire patelin endormait la méfiance de l’hybride à court d’options. Bientôt, les serviteurs du comte seraient à leurs portes. L’angoisse montait, l’impatience l’exacerbait. Bientôt elle se retourna vers son invitée. Un sourire ravi aux lèvres, les préparatifs étaient terminés. Lesquels ? Aucun détail ne lui avait été accordé. Livrée à la bonne foi de la sorcière, ses décisions commençaient à créer le doute. Le temps n’était plus à la réflexion : le portail était prêt.

Des cris soudains à l’extérieur les alertaient de l’urgence : ils l’avaient retrouvée. Les voix étaient fortes, bruyantes et amusées par cette traque. Les coups répétés à la porte d’entrée ne connurent aucun succès ce qui obligea un des hommes à explorer le jardin. Le temps lui était compté avant leur intrusion. Une dernière respiration pour se donner du courage, Kleora allait passer l’informe portail verdâtre. Mais des mains se posèrent dans son dos, des paumes aplaties contre elle qui la poussèrent dedans sans lui laisser le choix de changer d’avis ou la possibilité d’avancer par elle-même.

« Accepte tout de même un dernier présent, souffla la sorcière. »

• •
Ses yeux peinaient à s’ouvrir, agressés par les néons d’un supermarché ; ses mains frottaient contre ses paupières closes. Perdue ailleurs, dans un monde inconnu, dans une rue déserte. Et forcée d’observer les alentours pour s’avertir du moindre danger, le choc était trop grand. Aucune architecture, aucun paysage urbain ne faisait écho à ses connaissances livresques. Sous le stress s’aggravant à chaque seconde, sa queue s’enroulait autour de sa jambe, cachée sa grande cape. Elle devait trouver de l'aide et vite. Comment s’y prendre dans un monde inconnu ? Au danger caché ?

Agitée, elle commença par se diriger vers la lumière, le supermarché dont l’enseigne la torturait. Mais sous une brise, sa capuche tomba et ses oreilles se dévoilèrent. Dans un réflexe immédiat, ses mains se posèrent sur sa tête pour couvrir ses attributs félins. Ils attirèrent l’attention d’un passant, sortant du magasin. Il la dévisageait d’un regard méprisant et réussissait plus à le détacher d’elle. Il était plutôt curieux de voir une étrangère excentrique ôté d'un étrange cosplay parcourir les rues à une heure si tardive. Attachant son sac de course au guidon de son scooter, l’inconnu s’installait dessus pour reprendre sa route.

Mais avant, il avait marmonné quelques mots sur ses oreilles.
Qu'elle comprit ?

Le bruit soudain du moteur résonnait dans les oreilles sensibles de la terranide. Pour la première fois, ce désagréable son résonnait et provoquait une atroce douleur. Elle s’enfuit dans un coin et à mesure que le chahut s’éloignait, elle tentait de calmer ses sens aux abois. A nouveau, Kleora se sentait seule, certes, mais elle goûtait pour la première fois à la liberté. Une liberté cruelle, odieuse mais une liberté tout de même.

Masamitsu Hiruka:
Il était temps d'arrêter les frais.

Masa avait pris sa décision. Ce n'était pas que la situation était désespérée, mais où irait-elle partant de là ? Il réalisait, finalement, qu'il ne serait jamais capable d'accomplir quoi que ce soit ou d'être plus que ce type solitaire, enfermé dans son studio, célibataire, presque redevenu puceau à force d'abstinence, qui tuera peut-être son ennui en versant le peu qui lui restera à une e-girl qui se foutra de lui en versant sa semence inutile dans une poupée bon marché.
Plutôt mourir que de vivre ainsi, de devenir cet homme-enfant débile et pathétique qui mourra, de toute façon, de ses mauvaises habitudes alimentaires et de l'absence d'activité physique.

Il allait en finir.
Mais il lui fallait une corde.
Et, tant qu'à passer au konbini, il se fera un bon repas du condamné !
Bon plan.

Il avait déjà regardé sur internet comment faire un nœud coulant, comment bien se pendre, avec un minimum de douleur. Il était trop lâche pour se sentir à la hauteur des anciens, qui s'ouvraient le ventre au couteau de cuisine, à genoux, en regardant la mort en face. Il voulait se balancer à la merci de la gravité et lui abandonner ses responsabilités.
Mais en attendant, il ne savait pas s'il voulait du bœuf ou du thon, ce soir. Sa mère aurait probablement dit que le dîner était un repas bon pour les produits légers, mais il n'allait pas dormir dessus ou en subir les conséquences, après tout.
Il opta pour les deux, verrait bien ce qu'il se ferait, et prit de belles parts.
Il n'avait plus besoin de son argent non plus.

En passant à la caisse, l'hôtesse lui lança un regard circonspect au moment de scanner le code de la corde.
Ca n'allait pas vraiment avec le reste.
Non pas que ça la regarde.
Il lui laissa un bon supplément.

En sortant du petit magasin, il referma sa veste d'été. La brise du soir menaçait de lui donner la crève. Non pas qu'il aurait dû s'en soucier mais les réflexes avaient la vie dure, et le confort était une valeur sous-estimée.
Un scooter débridé fila bruyamment dans la rue tranquille en tirant à Masa une moue fatiguée. Tout ce bruit ! Il l'avait toujours détesté. Mais bientôt, ça ne serait plus un problème.
Du coin de l'œil, du mouvement attira son attention. Il tourna la tête juste à temps pour voir une silhouette en peine se prostrer au bord du trottoir. Il resta là, ses sacs de course au bout de ses bras pantelants, cherchant à se convaincre de rentrer et d'en finir.

Mais il était trop gentil pour ça, et il combla doucement la distance entre cette inconnue et lui pour découvrir, à sa grande surprise, une jeune femme ravissante, une jolie jeune femme terrifiée, en panique, qui se cachait en écrasant sa tête de ses mains.
Que faire ? Il resta interdit quelques secondes avant de se résoudre à faire la seule chose humaine à faire : il posa ses sacs et s'accroupit à quelques mètres d'elle, cherchant à capter son attention pour la rassurer d'une voix calme et douce.

" M-Je peux vous aider, madame ? Vous êtes perdue ? "

Kleora:
Une seconde, une minute, une heure. Kleora ne sut combien de temps, elle passa là, accroupie à calmer son ouïe meurtrie. Paupières closes, muscles crispées, elle maîtrisait sa respiration pour reprendre contenance et maîtrise d'elle-même, c'était son choix d'échapper  à une vie paisible ; elle devait désormais l'assumer. Mais la réalité restait cruelle ; cette douce voix n’allait la changer. Une voix ? Doucement, elle ouvrit les yeux pour observer le frêle humain. A ses paroles, un silence s’éternisa : elle le jugeait du regard. Quand enfin, la féline conclut qu’il ne représentait aucune menace, elle osa demander des informations, tenter de comprendre où elle se trouvait.

« Où sommes-nous ? »

Une épaisse cape noire cachait une robe beaucoup plus légère. Des habits, cependant, inhabituels ici...

Ses mots lui paraissent clairs comme s’ils parlaient naturellement la même langue. Au fur à mesure, son sang-froid revenait. Elle se relevait, confiante face à l'étranger inoffensif. La sorcière semblait l’avoir mise en lieu sûr… Pour l’instant.

« Y a-t-il une auberge où je pourrais me reposer ? s’enquit-elle. »

Ses oreilles se redressèrent naturellement. Son ouïe était toujours meurtri par l’excès de nuisance sonore. Mais ses doigts étaient occupés à défaire la bourse pendante à sa ceinture. Peu rempli, ses quelques pièces accordées par son maître ne l’avaient pas quittées.

Une pièce entre les phalanges, elle la tendit à l’inconnu pour le remercier de son inquiétude et l’inciter à l’aider à trouver son chemin en cette terre inconnue. Elle était encore bien loin de se douter des mœurs bien différentes qui peuplaient cette dimension. Avait-elle au moins conscience du voyage accompli ? De l'étrangeté de ce monde ?

Un nouveau chauffard amena un vent de panique. Il bifurqua violement au coin de la rue et frôla le trottoir étroit où ils se trouvaient. Les phares lumineux éblouirent les pupilles améthystes de la féline qui les protégea e ses mains. Mais elle lâcha dans un même temps la bourse qui s'écrasait bruyamment au sol. Les pièces roulaient à droite et à gauche.

S'adapter à ce nouveau monde allait être une tâche ardue...

Masamitsu Hiruka:
Le Japon ne manquait pas d'individus excentriques et bigarrés, mais celle-là avait quelque chose de vraiment spécial. Subjugué par sa beauté et paralysé par sa timidité, Masa n'aurait su dire exactement ce qui lui semblait si anormal chez la belle, et il se garda bien de lui faire remarquer, de quelque manière que ce soit, qu'elle avait l'air bien à la peine. C'était bien la première fois qu'il croisait quelqu'un de plus en peine que lui, à dire vrai, et il ne se serait pas attendu à ce qu'une jolie fille comme elle... C'est le genre de fille qu'un type fort et sûr de lui viendra toujours sauver de ses propres imperfections, après tout, non ? En tout cas, c'était comme ça dans ces histoires à l'eau de rose qu'il lisait parfois.

C'est qu'il pouvait se fatiguer lui-même, parfois !
Il était en train de se faire des plans pour sa dernière soirée sur Terre, et le voilà en train de se tenir pantelant devant un mannequin sûrement cokée et gavée de GhB par quelque enfoiré de première. C'était la bonne chose à faire, venir la voir pour l'aider, mais n'avait-il pas autre chose à faire ? Peut-être. Mieux que ça ? Là, c'était vraiment discutable.
Au moins, elle s'était relevée, mais sa question tira quand même, finalement, un regard incertain et inconfortable au jeune Japonais.

"Une... auberge... ?! Euh... Ben..."

Il se gratta la tête, évitant de se frotter de partout pour réagir à la sensation de fourmillement qui le prenait depuis la seconde où il avait commencé à ouvrir la bouche. Une auberge ? D'où elle sortait, celle-là ? Elle était probablement étrangère, elle devait utiliser un vieux mot ou...
L'apparition, soudaine et inattendue, des larges oreilles félines, l'arrêta net, tant dans tous ses mouvements que dans ses pensées. Il ne l'avait pas réalisé à la seconde même, mais la réalisation de leur présence lui avait fait l'effet d'un choc. Une neko girl ? C'était de vraies oreilles ou... ? Non, pas possible ! Mais elles étaient sacrément bien faites ! Quand bien même, il aurait fallu lui dire de ne pas sortir avec ses accessoires entre deux live shows. Parce que, entre son physique et ça, c'était bien ce qu'elle faisait, non ?
Elle devait être pétée de thunes et pas à plaindre, a priori.

La pièce qu'elle lui tendit, comme il retrouvait ses esprits, contredit ses préjugés tout en faisant remonter au galop les théories les plus fumeuses auxquelles il ne pouvait penser. Fixant la pièce argentée aux allures de monnaie antique, Masa se retrouva bombardé des souvenirs des vieilles légendes urbaines qui pullulaient dans sa ville natale, entre apparitions surnaturelles, agences gouvernementales inconnues, mutants dotés de superpouvoirs et autres délires de complotiste à bonnet d'aluminium.
En tout cas, ce qui était clair, c'était qu'avec ça, elle n'irait pas loin. Finalement, elle était plus dans la merde que lui avec ses accessoires de GN.

Le passage bruyant d'une voiture au coin de la rue bouleversa à nouveau l'hybride, la plongeant dans la détresse tandis qu'elle lâchait sa bourse, dont le contenu se répandit au sol dans un concert de tintements sonores. Masa regarda l'argent avec circonspection, considérant la valeur qu'il devait avoir là d'où elle arrivait, et se demandant comment lui annoncer que ce qu'elle possédait n'avait plus aucune valeur ici.
Avec un soupir, il se baissa pour ramasser les pièces tandis qu'elle continuait de se plaindre de son soudain éblouissement.
Il était fou de considérer de pouvoir l'aider. Il avait bien vu ces oreilles de chat. Et, s'il ne s'abusait, quelque chose semblait bouger sous sa jupe. Une queue ? Ca serait logique. D'où sortait-elle ? Il connaissait bien les légendes urbaines, très vivaces, qui pullulaient à Seikusu et parlaient d'êtres étranges venus d'ailleurs, mais y faire face, c'était autre chose. C'était comme traverser le miroir ou sortir de la Matrice.

C'était terrifiant.
Mais c'était excitant, aussi.

"Ecoute, la police va t'arrêter si tu vagabondes et... Je ne sais pas ce qu'ils feraient à quelqu'un comme... toi," finit-il par dire alors qu'elle se remettait de ses émotions.

Il avisa une des pièces qu'il avait ramassé, l'examina, essaya de la mordre, comme il l'avait vu dans un dessin animé, simplement pour se faire mal à une dent et retenir un râle de douleur.

"Je ne sais pas d'où tu sors ça mais je ne vais rien acheter avec. Ici, on utilise des yens. Je pourrais changer des dollars ou une autre monnaie étrangère pour des yens dans un bureau de change, mais... Ca ne vient pas d'ici, n'est-ce pas ? Tu es une de ces personnes étranges dont on parle dans les histoires à dormir debout qui se passent entre ivrognes dans le coin."

Ce n'était même pas une question. Masa se faisait à l'idée et la prononcer la rendait, bizarrement, moins folle.
Il soupira, rassembla les pièces à terre, les remit dans la bourse et la lui rendit.

"Si je dois t'aider, autant se connaître. Je m'appelle Masamitsu. Hiruka Masamitsu. Mais mes amis m'appellent Masa."

Quels amis ? Tu penses berner qui, là ?

Il ignora ses pensées négatives pour faire une petite courbette.

"Et toi ?"

Kleora:
Quelqu’un comme elle.

N’a-t-il pas de mots pour la décrire ? A-t-il déjà rencontré quelqu’un comme elle auparavant ? Ses réactions, depuis la découverte de ses attributs félins tendent à répondre que non. A ses yeux, l’existence des hybrides est une évidence. Peut-être pas dans ce monde ? Si ses déductions étaient justes, quel sort l’attendait ?

Ses craintes commencent mais elle les repousse dans un coin de son esprit. Pour survivre, il lui faut déjà comprendre les règles élémentaires.

Lorsqu'il l'aide à ramasser les pièces, maladroitement épargnés au sol, il l'informe de l'inutilité de cette monnaie ici... Mince ! Kleora aurait du demander plus de précisions à la sorcière... Les devises citées lui sont inconnues mais peut-être, si elle réussit à s’en procurer, il pourrait l’aider à se nourrir, se vêtir et se loger.

La féline ne compte pas s'apitoyer sur son sort ; ça ne changerait rien. Non, quoi qu'il arrive, elle embrasserait cette liberté durement acquise au péril de nombreux efforts.

Après avoir rassemblé ses pièces tombées, il lui rend sa bourse complète. Signe évident qu’elle ne sert à rien. Son regard curieux scrute les alentours, ignorant sa courbette. Cependant, son attention revient sur lui quand il demande son prénom.

« Kleora. M'aider ? Vraiment ? Je te rendrais l'appareil, sois en sûr. »

La terranide n'est pas du genre à accepter l'aide d'un parfait inconnu mais une étrange bienveillance se dégage de Masamitsu. De plus, sa parole donnée, elle ne reviendrait pas dessus, quelques en soient les conséquences. De nature orgueilleuse et fière, ses principes prévalent sur sa propre vie.

Ainsi, sa confiance accordée à l'humain, il représente une chance rare d’en apprendre plus sans se mettre en danger.
Nul ne sait si sa prochaine rencontre sera aussi bienveillante et rassurante que celle-ci.

« Malgré mes lectures et connaissances, je n’ai jamais lu ni entendu parler d’un tel endroit ni vu des personnes habillées comme toi… Comme tu l’as dit, il est fort probable que je vienne d’ailleurs. »

Ses pupilles améthystes ne cessent de se balader sur leur environnement sans réussir à comprendre ce qui se présente face à elles. Pourtant, elle se fait curieuse d'en découvrir davantage encore.

« Où habites-tu ? »

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