L'entre-deux Mondes > L'Enfer
Lutte à mort au Pandemonium [PV Keleth]
(1/1)
Damascus:
Enfoui au plus profond des cercles des Enfers se trouve un lieu où plus qu'ailleurs règnent la corruption, le chaos et la décadence. Bâti sur les fondations même de l'essence du Mal se dresse le Pandemonium, la citadelle infernale, capitale des démons, haut lieu de perdition depuis la chute de Satan et l'avènement du conseil des Archi-diables. Première et principale cité des forces noires, son gigantisme n'a d'égal nul part ailleurs. Fidèle à l'idée de Lucifer, son architecte, de créer un monde où le désordre ferait Loi , la cité arbore une cartographie éclectique où d'immenses et somptueux palais côtoient des montagnes d'immondices abritant des sous races de démons mineurs et autres créatures. Dans les antichambres des juridictions maléfiques, on y fomente des prises de pouvoir, on commandite des assassinats, on œuvre à la résurrection du chaos ultime et surtout, chacun essaye de se hisser à une position supérieure en éradiquant durablement la concurrence.
Loin en dessous de ce vivier infernal, se trouve, occupant une caverne reculée, la forteresse d'obsidienne, demeure d'Aezarath, démone de premier rang et l'une des entités les plus vieilles des royaumes de douleur. Engendrée par Satan lui-même, elle avait occupée pendant des éons les marches du pouvoir et fut en son temps, maitresse et mère des principaux démons. Couvée par son "Père" et dévouée à l'accomplissement des desseins démoniaques, elle avait guidé des armées entières à la conquête des mondes de la surface, humains comme célestes. Son nom amenait la terreur et la souffrance et au sein de la suprématie des Enfers, elle était crainte et respectée. Peu pouvaient se targuer de s'être élevés à son niveau et les pouvoirs que lui avaient conférés son géniteur dépassaient l'entendement.
Mais tout avait une fin, et lorsque Satan tomba, il entraina dans sa chute ses généraux les plus loyaux et ses proches les plus fidèles. Aezarath en faisait partie. L'Ancien, responsable de l'éviction de l'Ange Déchu, prit les rênes infernaux et purgea les Cercles de l'engeance directe de son prédécesseur. Ce fut un carnage qui alla jusqu'à déséquilibrer les fondations du Mal. Nombreux furent les démons majeurs qui virent leur immortalité réduite à néant. Le Pandémonium fut le théâtre d'une guerre qui dura des siècles et qui aboutit à une victoire totale de l'Ancien. Pourtant, Aezarath échappa à son exécution. Retranchée dans sa citadelle imprenable que même l'Ancien ne put investir, elle fut condamnée à y passer le restant de son infinie existence. Bardée de défenses magiques, protégées par des sorts antiques oubliés, occupée par des armées de morts fidèles à leur maitresse, la forteresse noire était autant un spectaculaire ouvrage de défense qu'une prison éternelle.
Et cette éternité, Aezarath l'avait mise à profit pour cultiver sa vengeance. Derrière ses murs vertigineux, elle avait vu sombrer l'Ancien, banni par ses semblables, et remplacé par le conseil des Archi-diables. Eux aussi, elle les méprisait. Ils n'étaient rien face à elle et elle aurait put les éradiquer ... s'il ne formait pas une assemblée si puissante. Toutes les tentatives de déstabilisation de ce nouveau pouvoir échouèrent. Elle œuvrait dans l'ombre et ses espions lui rapportaient tout ce qui se passait là haut, loin au-dessus de sa caverne. Et c'est en apprenant une nouvelle dont l'écho n'aurait jamais dû lui parvenir qu'elle vit un terme à son emprisonnement. Car même si l'Ancien avait été banni, le nouveau pouvoir la considérait toujours comme une menace potentielle. Une rumeur circulait, seulement connue des têtes pensantes. Cette rumeur prétendait que l'Ancien, lors de l'affrontement ayant conduit à son bannissement, avait saigné. C'était bien évidemment ridicule et inconcevable. N'importe quel démon aurait ri de cette aberration. Et la rumeur ne s'arrêtait pas là. Il se disait qu'un démon suffisamment puissant avait pu récupéré, lors du combat, cinq gouttes de sang qu'il avait réparti dans cinq fioles qu'il avait cachées avant de succomber à ses blessures. L'une de ses fioles était réapparue au Pandémonium et le Conseil activait ses agents pour la retrouver. Une goutte de sang de l'Ancien représentait une arme à laquelle nul ne saurait s'opposer. Aezarath ne pouvait ignorer ce qu'elle venait d'apprendre. Elle étendit ses réseaux d'influence et d'informateurs, dépensa une fortune pour obtenir des renseignements, et après des recherches titanesques, localisa la fiole en premier. Celui qui la possédait n'était pas puissant mais immensément riche et toujours plus avide d'agrandir sa fortune. C'était un démon-marchand de premier ordre, protégé par des hordes de monstres. Sa demeure au cœur de la citadelle maléfique, dominait le quartier qui l'abritait. Aezarath avait engagé des tractations et le négociant vit en cette éventuelle transaction le moyen de devenir l'une des premières fortunes des Cercles mais aussi se débarrasser de cet encombrant artefact qui forcement attirerait l'attention du Pouvoir. Le seul problème était qu'Aezarath ne pouvait quitter son domaine. Il lui fallait un intermédiaire, une personne qu'elle connaissait bien et qui lui serait loyale. Elle avait une idée.
La démone, assisse sur son trône d'ossements angéliques figea son regard sur l'homme qui se tenait à quelques mètres devant elle.
"Damascus ... voilà bien longtemps que nous ne nous étions vus. je ne t'ai jamais oublié tu sais."
Damascus, jadis son amant, le plus puissant démon qu'elle ait connu, à part l'Ancien. Il avait magnifié de son aura les ténèbres des Enfers et sous sa domination, les légions célestes avaient été englouties par les armées noires. Mais comme mentionné précédemment, tout avait une fin. Des millénaires plus tôt, avant la chute de Satan, le puissant démon avait sombré dans une léthargie morbide et s'était réfugié dans un univers où l'ennui le terrassa. Il avait abandonné son statut quasi divin pour une existence incompréhensible. Une existence incarnée dans l'enveloppe de l'homme qui se dressait devant elle. Aezarath avait mit du temps à le retrouver après sa fuite des Enfers et à présent, elle le tenait.
"J'ai été blessée que tu m'abandonnes comme tu l'as fait. J'ai cru mourir de douleur."
Son discours venimeux était destiné à rappeler à Damascus qu'elle pouvait l'annihiler d'un battement de cils. Il n'avait plus ses pouvoirs ni sa force d'antan et même s'il restait redoutable, il ne faisait pas le poids. Elle lui exposa ses exigences sans vraiment entrer dans les détails du pourquoi. Elle ne pouvait pas lui dire que la fiole lui permettrait de renverser le Conseil des Archi-diables, d'en prendre la place et de rétablir le dogme de leur "Père". Néanmoins, le prix qu'elle lui proposait pour rémunérer son engagement était indécent. Damascus n'avait pas besoin d'argent, ni de biens, il possédait lui-même de vastes domaines et une citadelle dans les Enfers. Ce que voulait Damascus, c'était le libre arbitre, le choix de pouvoir vivre sans suivre les règles démoniaques. Aucuns démons ne le pouvait, ils suivaient tous le chemin de la souffrance et du sang. Et seul un démon du rang d'Aezarath pouvait lui accorder ce droit. En vérité, seule Aezarath, dernière gardienne des doctrines souillées et des secrets de Satan pouvait l'exorciser de cette voie.
Damascus n'avait pas le choix. Il dévisagea son interlocutrice. La démone était toujours d'une beauté stupéfiante mais qui cachait une cruauté sans nom. Dans cette enveloppe de chair qu'il s'était créé, il ne pouvait pas lui tenir tête. Sous son antique forme démoniaque, il l'aurait vaincue mais s'il devait invoquer cette ancienne forme, l'incantation drainerait son essence vitale jusqu'à la mort. Il accepta le marché d'autant plus que la récompense était prometteuse même si il se doutait bien qu'Aezarath tenterait de l'éliminer à l'issue.
Le contrat était simple. Il devait livrer un sarcophage à une adresse et rencontrer un démon qui lui remettrait une fiole. Ensuite, il devait ramener cette fiole à sa commanditaire. Sans savoir ce qu'elle représentait, ce contenant devait avoir une valeur colossale pour que la démone se démène autant pour se la procurer. Damascus franchit un portail scintillant qui le transféra dans un quartier luxueux de la capitale des démons. Devant lui, le sarcophage, magiquement camouflé en caisse en bois lévitait et suivait un parcours défini par les mages d'Aezarath. Damascus n'avait qu'à le suivre pour arriver à destination. Le Pandémonium n'avait pas changé, il y régnait toujours un bordel absolu. Depuis longtemps passé dans le monde des humains, Damascus n'avait pas suivi tous les chamboulements qui avaient bouleversé les Enfers. Qui dirigeait à présent? Quelles étaient les factions en présence? Il s'en moquait. Cette mission terminée, il retournerait à Nexus se saouler avec Tadéus, son riche associé humain.
Le démon suivit sa caisse jusqu'à une demeure luxueuse mais discrète, le lieu du rendez-vous. Bien qu'il y ait foule, l'endroit était noyé dans la masse. Damascus repéra aussitôt les spadassins et hommes de main du marchand. Un tel déploiement indiquait la valeur de l'échange. Un minotaure géant lui indiqua une porte et il entra dans l'enceinte de la demeure. il était attendu, les gardes savaient qui il était. Son interlocuteur attendait, imperturbable. Il s'agissait d'un démon qui ne dégageait aucune aura de puissance.
"Parlons peu" croassa l'hôte "Qu'as tu pour moi?"
"Ceci" répondit Damascus en passant la main sur le sarcophage. La magie de camouflage disparue et la boite mortuaire apparut comme elle l'était, richement ouvragée, faite de métaux aussi rares que précieux. Le couvercle s'ouvrit sans bruit, dévoilant le contenu : le corps d'un Séraphin, mort depuis bien longtemps et parfaitement conservé, ses ailes intactes repliées sous lui. Même son épée sacrée reposait sur sa poitrine.
Damascus en eut le souffle coupé. Sa valeur était inestimable. Rien ne pouvait justifier le don ou l'échange d'un trésor pareil. Comment Aezarath avait-elle put se procurer un Séraphin mort? Et plus encore, contre quoi s'en séparait-elle?
Le marchand était dans le même état que Damascus. Ses yeux brillaient d'une malsaine convoitise.
"Enfin ... il est à moi. Et voici pour toi, général déchu."
Damascus tiqua, l'autre savait qui il était. On lui tendit un coffret dans lequel se tenait une petite fiole à l'effigie d'un démon majeur du passé. Damascus rendit le coffret après avoir prit la fiole. Elle était chaude, quelque chose pulsait à l'intérieur et dégageait un pouvoir contenu par une magie antique.
"Va maintenant, rejoins ta maitresse et éloigne de moi cet objet qui causera notre perte à tous."
Curieux comme discours. Damascus trouvait que tout allait trop bien, trop vite. Mais peut être était-ce aussi simple que cela. Il devait rejoindre un point d'où les mages d'Aezarath le téléporterai à la citadelle d'obsidienne. Il ajusta son équipement de cuir sombre, s'assurera que son épée passée dans son dos coulissait bien dans son fourreau et sortit de la demeure du marchand. Aussitôt les gardes postés à l'extérieur s'éclipsèrent et deux démons-mages vinrent apposer des glyphes de protection primaires sur les murs de la propriété qu'il venait de quitter. La place sur laquelle il s'engagea grouillait de créatures et d'esprits mineurs. Il se fraya un chemin des épaules, sentant pulser contre sa poitrine la fiole qu'il avait glisser entre sa peau et son justaucorps.
Soudain il s'immobilisa, une présence spirituelle monstrueuse s'imposa en ces lieux. les êtres réceptifs à la magie démoniaque gémirent de terreur et se recroquevillèrent sur eux-mêmes.
Damascus saisit la poignée de son épée. Non, tout ne serait pas aussi simple que cela ...
Keleth:
L’enfer… Autant dire que Keleth n’en avait sûrement connu que les meilleurs jours. Ceux où, se libérant de la tyrannie bête d’un despote incapable de contenir sa propre stupidité, les grandes familles démoniaques et autres puissances des tréfonds avaient découvert qu’ils étaient bien plus puissants et capables qu’on ne le leur avait fait croire. Ces temps où, par l’action d’un démon qui n’avait alors ni prestige ni reconnaissance, l’ensemble du monde infernal s’était transformé à mesure que l’ichor infâme de Satan avait lentement abreuvé les terres déjà rouges de l’Ampelyon, la porte sur les autres plans du monde connu. Ce n’était dans le fond pas un mal, même si parfois, l’archi-démone avait encore l’occasion de se demander ce à quoi devait ressembler ce domaine de chaos et de luttes incessantes. Finalement, ce que son ancêtre, qu’encore maintenant nombreux appellent l’Ancien, avait apporté lors de la mise à mort de celui qu’on prenait pour le plus puissant des êtres démoniaques, c’était un ordre. Un ordre qui, même si il mettait à mal de nombreux démons de par leur nature diamétralement opposée, avait eut le bienfait de permettre à tous de progresser, de s’améliorer, de se ranger de la façon la plus optimale afin de donner aux différentes castes, aux différentes légions, un second souffle. L’Ancien, alors de rang inférieur, provenant d’une famille qui n’avait jamais obtenu la grâce des puissances des Enfers, avait de ses mains acquis le pouvoir, le respect, et la preuve que le système chaotique n’apportait que malheur et opprobre sur l’ensemble de la race démoniaque. Un haut-fait qu’encore aujourd’hui tout le monde a en mémoire.
Mais à cette époque, encore une fois, Aethesa Shivas Al-Keleth n’était pas encore de ce monde. Certes, elle avait reçue les enseignements de son ancêtre quand elle n’était encore qu’une pauvre petite bouse sans forces, ayant entendue par la même occasion l’ensemble des histoires de son tout-puissant grand-parent, mais elle n’avait jamais eut la gloire de pouvoir contempler cet instant de providence passée. En revanche, elle connaissait la suite, bien plus sombre, bien moins miraculeuse. Une fois au pouvoir, le tout-puissant démon avait tôt eut fait de mettre en place le conseil des Archi-Diables, et y occupait une place prépondérante, mais le temps, les éons et les âges, avaient eut le malheur de le choisir comme principal ennemi. Difficile fut la découverte de la folie qui hantait cet être pourtant signe d’une implacable volonté, sans parler d’une force à nulle autre pareille. Quand l’Ancien entama de perdre l’esprit, qu’il fut englouti par sa propre rage, par sa nature de destructeur impitoyable incapable de continuer à affronter un ennemi à sa hauteur depuis qu’il avait atteint les ultimes sommets du monde infernal, nombreux furent ceux qui tournèrent les armes vers cet être avec une certaine peine sur la conscience. Keleth fut de ceux-ci à l’époque, et si elle ne fut pas de ceux capable de lui porter le coup suffisant pour enfin pouvoir l’arrêter et le sceller dans quelques autres dimensions dont il ne pourrait revenir, elle ne manqua point les détails de cet assaut : Des morts parmi les plus hauts souverains de la nouvelle caste infernale, des blessure qui mirent des millénaires à se résorber, même chez les membres du conseil des Archi-Diables, mais surtout… Les quelques perles écarlates qui s’échappèrent de l’unique blessure dont souffrit le tout-puissant Ancien, dont elle ne sut malheureusement jauger l’importance à cette époque.
Maintenant, après plus de cinq cents siècles de vie, ses millénaires de bannissement derrière elle ainsi que ses trois derniers siècles au poste de Loi démoniaque, Keleth avait autrement plus conscience de ce qu’il s’était passé ce jour-là. Dans l’arène elle-même, seuls les plus grands, les plus puissants des démons s’étaient permit d’affronter le symbole du nouvel Enfer, par simple désir de purger avec honneur la nouvelle source de rage et de chaos qui s’installait dans ce plan infernal. Mais les charognards, les avides de puissances et de faveurs avaient eut un tout autre objectif, qui malheureusement n’allait pas de pair avec les dirigeants de ce plan. Quand l’Ancien perdit les quelques précieuses gouttes de son essence naturel, quand les perles rubis s’échouèrent sur le sol en crépitant, bouillonnant de la puissance contenu dans la moindre infime once de leur matière… Il y eut des êtres suffisamment stupide pour les récolter, les amasser en une hâte qui ne pouvait faire qu’écho au projet suicidaire de se retrouver au coeur d’un affrontement d’une telle envergure. Mais ils parvinrent à accomplir leur sale besogne. Ils acquièrent alors l’un des objets les plus légendaires du marché noir des bas-fonds infernaux, connue sous diverses noms : Ichor de Rage, Once de chaos, Tue-Malin ou même encore Breuvage d’Adieu. Quelques gouttes de sang d’un être qui pouvait sûrement réduire les mondes en esclavage. Quelques gouttes du sang du mentor, grand-père, membre de famille le plus proche de l’actuelle Exécutrice des Enfers : Keleth.
Autant dire que l’Archi-démone avait depuis longtemps fait le choix de faire de cette affaire un objectif personnel. Elle respectait l’Ancien comme nul autre, aussi voyait-elle désormais dans l’existence de ce breuvage, vendu contre des fortunes que nul être vivant n’aurait l’audace d’imaginer, une hérésie et un outrage qu’elle ne pouvait laisser impuni. Si il s’agissait du sang de son parent, elle avait surtout fait le choix de le voir comme un objet impie qui méritait la destruction la plus simple et immédiate. Il ne s’agissait pas tant là de son devoir d’Exécutrice que celui de descendante directe : Cette potion infâme devait disparaître, être transportée le plus loin possible de la moindre convoitise, et foutue sous scellée au même endroit où se trouvait désormais l’Ancien, à savoir le coeur de la plus gigantesque des prison ésotérique jamais produite pour un être démoniaque. Et que l’ombre maudite de ce tout-puissant démon soit bien la dernière chose que les quelques pillards trop cupide rencontrent, Keleth n’en avait cure. Nul n’avait le droit d’en posséder la plus petite des gouttes.
C’est ainsi que la femme passait parfois des semaines à la recherche d’une de ces fioles remplie de sang. Rare étaient les véritables ‘Breuvage d’Adieu’, beaucoup de démon cherchant surtout à confondre les plus faibles représentants de ce monde infernal afin de leur vendre un mélange odieux les rendant malade pour une décennie contre un prix monumental. En revanche, de manière quasiment inexistante, l’Exécutrice entendait parfois parler d’une occurrence, d’un court instant, parfois de rumeurs qui l’amenait à découvrir l’une de ces légendaires fioles emplie de sang. Par deux fois, elle les avait récupérées. Et par deux fois, elle avait manquée découvrir l’étendue de la toute-puissance conférée par ce liquide impie, ne manquant pas pour autant de s’en sortir à grand renfort d’expertise dans son domaine martial, et d’une belle part de violence aux proportions titanesques. Depuis maintenant plus de cent-vingt ans, elle n’en avait plus entendue parler, et avait ainsi commencée à croire que les autres contenants étaient déjà aux mains de démons collectionneurs, voyant en ces objets une valeur de prestance et de supériorité notoire sur d’autre nobles du monde infernal, voire parfois sur les membres même du conseil des Archi-Diables. Grand mal lui en fut quand elle découvrit, il n’y a pas moins de deux semaines, que l’une de ces légendaires boissons étaient depuis peu entre les main de Rebiusz le dément, un marchand humain qui avait tant et tant pactisé avec les démons que nombreux se disputaient encore son âme sans jamais savoir qui l’emportera un jour.
Pour la démone, cette affaire d’appartenance d’âme n’avait point vraiment d’importance, mais sa prétendue marchandise était autrement plus dérangeante. Elle se devait non seulement de vérifier la véracité de ces rumeurs, mais surtout se préparait déjà à transformer le contrevenant d’une manière qu’elle seule était encore capable d’appliquer : une torture infinie, lente et douloureuse, au bout de laquelle l’être infâme allait bien sûrement finir entre les griffes de l’Ombre, ultime forme d’existence de l’Ancien, chose indéfinie qui déambulait sans but au coeur de la zone où était désormais scellée l’entité autrefois si lucide. Elle organisa donc avec précaution son passage, ne voulant pas perdre l’occasion en or qu’elle avait de peut-être, une nouvelle fois, éliminer une autre de ces fioles maudites du marché noir. Cela fut relativement simple pour elle, et elle obtint rapidement un lieu et une horaire précis où se devaient de survenir un échange de bons procédés dans lequel la fiole devait être échangée. Autant dire que la patience avec laquelle elle dût composer pour ne pas tout simplement se présenter, dans toute sa supériorité, afin de massacrer l’ensemble de ses suspects et récupérer l’objet de son obsession sur leurs cendres, fut passablement peu appréciée. Mais elle ne jeta pas l’ensemble de ses chances aux oubliettes pour une affaires de jours, puis d’heure. Elle attendit l’instant exact de l’accord commercial. Qui était l’acheteur ? Elle ne le savait pas, mais elle ne comptait pas le laisser partir sans le mariner un minimum. En revanche, connaissant déjà le vendeur, elle se fit une joie de lui apposer une marque de chasse, s’assurant par la même de pouvoir aller le cueillir sans souci une fois cette affaire réglée.
C’est ainsi que la démone passa ses dernières heures de préparations dans une certaine montée de pression incontrôlable… Avant de finalement tendre la main pour ouvrir l’un de ses portails de poursuite, puis de s’y engouffrer, traversant les plans infernaux… Pour enfin aller à la rencontre de sa cible.
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L’Exécutrice apparut de nulle part, et son arrivée ne manqua pas de provoquer un émoi particulièrement visible, ainsi qu’audible, à tout ceux qui n’avaient pas suffisamment de puissance pour identifier celle qui venait de se téléporter. Certains gémirent, d’autres encore plus lucide entamèrent immédiatement un certain repli stratégique, se frayant un passage, à demi-paniqué, entre leurs confrères pour se terrer dans une rue annexe à la large voie marchande où ils se trouvaient. À la fois si étrangement humaine d’apparence et si éminemment démoniaque dans sa nature, son aura, sa présence, Keleth se laissa doucement tomber sur le dallage depuis le portail qu’elle avait créée pour enfin se rattraper sans un bruit, se redressant de toute sa hauteur avant de couvrir d’un regard rapide l’ensemble des occupants de ces lieux. Certains avaient peur, d’autres priaient pour ne pas être les prochaines têtes coupées, et les derniers avaient déjà entamés de fuir au plus loin que possible. Ce fut d’ailleurs ceux-ci qu’elle voulut entamer d’analyser, mais elle abandonna rapidement cette idée. Non pas parce qu’ils n’étaient pas suspects, ça non, mais plutôt parce qu’elle venait, en l’instant, de poser son regard aux prunelles sombres sur un homme des plus audacieux. Le démon avait la main sur le fourreau, et au creux de ses habits, un étrange objet qui battait presque à l’unisson des battements de coeur de l’Archi-Démone. Le lien étrange, corrompu, mais suave de cette puissance cachée sous quelques fins vêtements ne fut pas non plus pour simplifier le tout nouvel acheteur dans l’éventuelle recherche d’une cachette. Elle le sentait, elle savait où il était, et contempla alors avec un regard de glace l’être qui se trouvait à quelque mètres d’elle sans pour autant s’être mise à bouger.
Il ne pouvait pas l’ignorer, Keleth savait ce qu’il portait sur lui et c’était évident qu’elle était là pour cette raison. Mais pour le moment, elle ne fit même pas mine d’être agressive, du moins si l’on prenait le temps d’ignorer l’écrasante aura meurtrière qui s’échappait d’elle. Non, à la place, elle prit la parole avec un ton qui ne laissait aucun doute sur ses intentions : froide, sèche et tranchante, telle les lames qu’elle comptait bientôt utiliser :
« Sais-tu qui je suis, démon ? »
Avec un peu de chance, sa seule réputation la précédera, mais autrement elle ne pouvait pas du tout être sûre que l’homme en face d’elle puisse imaginer le pétrin dans lequel il se trouvait. À cette distance, elle pouvait dégainer et le trancher sans peine, mais la question était de savoir qu’elles étaient les compétences de cet acheteur… Ou de ce coursier ? Visiblement, l’homme portait le flacon de bien étrange manière, suffisamment pour que l’Exécutrice en vienne à se demander si il était vraiment à l’origine de cet achat. Même si ça n’avait pas vraiment l’air bien important, car elle ne comptait pas changer le sort qu’elle lui réservait malgré tout, cela avait le mérite d’être questionné… Et ce suffisamment pour qu’elle enquille rapidement avec un propos qui n’avait, visiblement, aucune raison d’être commenté ou nuancé :
« Sois mignon, donnes moi ce que tu caches sous tes frusques, et expliques moi ce que tu fais ici avec un tel objet, avec un peu de chance, ça m’évitera de passer directement à l’étape du découpage. »
Damascus:
"Sais-tu qui je suis, démon?"
Non il ne le savait pas. Il avait quitté les Enfers depuis trop longtemps et les luttes dynastiques ne l'intéressaient pas. Depuis l'abandon volontaire de son statut d'archi-démon, Damascus se foutait de savoir qui régnait ou combattait pour le pouvoir des cercles infernaux. Le conseil n'était qu'apparence, bien évidemment. Tout un chacun voulait toujours être plus puissant que l'autre. D'où la mission délivrée par Aezarath d'ailleurs. Qu'était-elle sinon pour s'élever parmi les puissants? La jeune femme qui venait d'apparaitre n'était pas une simple démone influente. il se dégageait d'elle une monstruosité sans nom, bien plus intense que les pouvoirs d'êtres déjà supérieurs. Non, cette chose là était bien au-dessus. Damascus le sentait. Il pouvait comparer cette aura, ayant vécu au contact de Satan, son créateur. C'était il y a des éons mais il ne pouvait oublier la pression spirituelle de son "père". Celle-ci n'y ressemblait pas, elle était différente mais tout aussi dangereuse. il lui faudrait se méfier. Mais au contact de cette créature des abysses, sa propre aura s'éveilla malgré lui. L'antique démon ne se laisserait pas traiter comme un moins que rien. Bien qu'il décèle chez elle un danger comme il en a rarement affronté, il reste néanmoins curieux. Qui est-elle?
Autour d'eux, c'est la débandade. Certains ont réussi à fuir, la plupart des autres se terrent comme ils peuvent, cherchant l'abri de recoins ou de protections dérisoires. L'air lourd est devenu plus dense, plus pesant. Les yeux de Damascus rougeoient et une écume fumante s'échappe de sa bouche tandis que son essence originelle s'éveille dans ce corps trop faible pour la supporter.
Le crissement de l'épée qu'il tire de son fourreau dorsal résonne comme un glas funèbre. Bras tendu, la lame pointée vers l'inconnue, il lui tourne autour à distance de frappe. La place a tout lieu de devenir une arène de combat. il ne sert à rien de fuir ce genre d'individu. Le combat parait inévitable et il compte bien l'emporter en ôtant au passage la vie à une maitresse infernale. Aezarath ne pourrait que lui en être reconnaissante d'ailleurs. C'est d'une voix aussi glaciale et sèche qu'il lui répond.
"Je n'aime pas le ton que tu emploies fillette."
Il continuait à lui tourner autour lentement. Ce n'était pas pour rien. Il analysait son assurance, l'économie de ses gestes, ses armes, son calme apparent. Oui il en était sûr, il s'agissait d'une redoutable gladiatrice. Mais lui aussi était un bretteur mortel. Des millénaires de guerre en avait fait une arme pure. Et même si son enveloppe actuelle ne pouvait restituer qu'une infime fraction de sa puissance d'antan, il demeurait toujours considérablement efficace. L'épée droite qu'il tenait était une arme de grande facture, forgée par un maître armurier pour trancher dans des chairs mystiques. Elle n'avait pas le pouvoir de Scylla, son épée infernale qui demandait en prix une énergie considérable mais elle restait quand même une bonne arme.
"Je te trouve arrogante ... N'as tu pas songé que je pourrai t'écraser facilement moi aussi?"
Il savait bien que non mais il devait lui répondre de la même manière.
"Je crois que ta tête va rouler au sol, ici même. Je boirai ton sang à la source, une fois ce joli cou débarrassé de ... cette bouille juvénile."
Il l'estimait beaucoup plus jeune que lui, de nombreux millénaires. Si elle ne l'avait pas reconnu, c'est qu'elle avançait dans l'ombre. Son dédain lui ferait peut être faire une erreur mortelle. Quoi qu'il en soit, il ne l'épargnerait pas. Mais la prudence était de mise. Comment une horreur pareille pouvait-elle arpenter les sols infernaux?
Sa première attaque fut parfaite. Après s'être abaissé en virevoltant, sa lame fendit l'air à hauteur des genoux de son adversaire. Il savait qu'il trancherait les os et les ligaments, la mutilant irrémédiablement. Le fil de l'arme ne cisailla que de l'air et Damascus pivota en remontant sa lame à la verticale. Le geste était rapide, trop pour un œil novice qui n'aurait rien comprit à cette offensive. D'ailleurs, les spectateurs présents ne comprirent pas eux mêmes se qui se passait. Là encore, la démone aurait dû être ouverte de bas en haut, de l'entrejambe à la tête mais cela n'arriva pas. Pour terminer, dans une rotation parfaite, Damascus entreprit de décapiter la fille. Il faillit réussir, la pointe de l'épée passant à un millimètre de la chair pâle de la gorge visée.
Trois attaques foudroyantes, trois échecs. Le démon glissa quelques pas en arrière, en garde, l'épée tenue à l'horizontale des deux mains, à hauteur d'épaule. Une position défensive redoutable destinée à rompre toute attaque frontale. Damascus réfléchissait à toute vitesse. Ses velléités de victoire rapide se délitant instantanément. Ça allait être difficile. Il douta même en réchapper. Il avait insufflé dans ces trois coups une vitesse phénoménale. Un démon de son niveau à lui aurait péri.
"Tu m'intrigues petite fille ... Et sais tu te battre aussi bien que tu es désagréable?"
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