Dans ces landes, le soleil était de plomb et les rares bosquets ou point d'eau, étaient semblables à de véritables oasis, au milieu de ces terres vide de civilisation et cela à perte de vue. Le campement Ashnardien s'était dressé en ces lieux pour une bonne raison. Non loin d'ici, se trouvait une fissure, une véritable balafre dans Terra qui pouvait presque être considérée à part des terres sauvages, de par sa taille et son petit écosystème propre. Cet endroit était bien sûr quasi inaccessible, tant pas la dangerosité du terrain que par sa faune et sa flore. Malgré tout, certaines guildes, d'ailleurs présentes aujourd'hui, semblent depuis quelques années s'être installées non-loin de la balafre. Certaines questions ne sont pas à poser, mais ce n'était pas un secret que la Guilde Impériale de minage et d'extraction, s'étaient installées au même moment où la Grande chasse fut instaurée.
Il était bien plus simple de prétendre à une forme de chasse, pour se débarrasser progressivement de la faune locale, des plus dangereuses, que d'engager une troupe de mercenaires ou envoyer une compagnie de soldats. Peut-être plus long et laborieux, mais il n'était pas dit que le Gouverneur ne trouvait pas là de bons comptes. Ghar allait donc, bien malgré lui et comme tant d'autres, servir de piège à rats ou de chair à canon, dans tous les cas, la guilde s'en tirait à ne payer qu'une petite poignée de gagnants, pour le travail d'une centaine de mercenaire, si le vainqueur de la chasse s'en tirait avec une belle somme d'argent, cela n'était rien en comparaison des bénéfices de la Guilde.
Mais l'orc était bien au dessus de tout ceci, ou en dessous, il ne s'en souciait pas et se contentait de saisir une opportunité pour récolter assez d'argent et poursuivre sa route. Un peu de renommée ne faisait pas de mal non plus.
Allongé sur le dos, à même le sol et les mains jointes sur son torse, avisant sans sourciller ce ciel dégagé, sans le moindre nuage pour adoucir la chaleur quasi suffocante de ce milieu de matinée, la créature avait l'air quasi morte. Seule sa cage thoracique, se gonflant et se dégonflant périodiquement, témoignait du fait que la brute respirait encore. De toute manière, personne n'aurait osé s'en approcher, ni même le toucher avec un bâton pour s'en assurer.
Soudainement, une petite pierre, sorti de sa torpeur la peau grise, qui se perdait dans une contemplation presque religieuse. Le caillou ricocha sur le corps robuste de la brute, rappelant à l'ordre la nature moins sereine de l'orc. Ghar redressa le buste dans un grognement caractéristique, les crocs saillants exposés en serrant les dents sous la contrariété, ses paluches imposantes le retenant, à plat sur la terre sableuse du terrain.
La bête ne prêtait plus réellement attention à ce qui se déroulait dans la file depuis un moment. Les rares participants qui s'étaient présentés seuls, comme lui, n'étaient que des pécores, des jeunes sans expériences et des fous. Soit comme Ghar, ils n'avaient pas prit connaissance de la règle de cette année, soit s'imaginaient bien plus fort qu'ils ne l'étaient réellement. Alors, lorsque cette terranide attira l'attention de la brute, il se surprit à la contempler un instant, éteignant la rage qui bouillait en lui. Un orc reste un orc et même si Ghar faisait preuve d'un intellect le démarquant largement de ses pairs, il aurait très certainement écraser entre ses mains, le crâne de celui qui avait osé lui lancer cette pierre. Mais, de façon déconcertante, il se redressa en silence, grommelant entre ses crocs.
C'était une occasion, peut-être la dernière possible. Ghar n'avait pas réellement le temps de penser, même s'il se voulait plus stratégique que ses frères peaux vertes, il restait assez pragmatique. La terranide se démarquait bien assez des autres participants solitaires, pour qu'il s'autorise à tenter sa chance avec elle. Certainement avait-elle des idées derrière la tête, Ghar avait l'habitude de travailler pour des employeurs ou avec des compagnons, qui s'imaginaient pouvoir le rouler dans la farine à un moment ou à un autre. Mais l'orc savait compter et même écrire, cela en disait assez long sur la différence entre la brute et un orc ordinaire. Ces deux choses qu'il se gardait de dire. Il est bien plus facile de se préparer aux actions d'un potentiel adversaire, s'il vous imagine plus stupide que vous ne l'êtes vraiment.
Sous le cliquetis de son bardas, il ajusta son baudrier et le reste de sa tenue. Se dépoussiérant en s'approchant, son regard aux iris d'ambre, se posa sur la silhouette de l'autochtone. Ce n'était peut-être pas si mal. Les terranides sont majoritairement originaires de ces contrées, peut-être serait-elle un atout. Dans tous les cas, Ghar ne put se retenir d'étirer un sourire en coin, assez évident sur la raison de celui-ci. Sans discrétion ou gêne aucune, il détaillait le corps de la lapine. Finalement à mi-chemin, il haussa la voix, comme pour rassurer Hîra et confirmer l'inscription au fonctionnaire qui semblait s'impatienter. Il n'était pas dupe que ces deux-ci n'était pas ensemble depuis le début, mais ça il s'en fichait, du moment qu'ils étaient deux et qu'ils payaient leur inscription.
"Ouais... J'suis là, c'est bon."
L'orc n'était pas forcément mauvais acteur, il jouait le jeu et ça se voyait. Simplement comblé d'avoir trouvé une solution à son problème. Ou du moins, que la solution l'ait trouvé lui.
Décrochant sa petite bourse de cuir, il reposa, en plaquant la main sur le bois, la somme de tout à l'heure, juste devant le fonctionnaire, dans un geste fort qui failli bien craquer les pieds, pourtant solides, de cette table.
"Comme tout à l'heure..."
Venant se placer à côté d'Hîra, afin de témoigner de leur coopération, il était plus choquant encore de remarquer la différence de carrure entre les deux. Cette terranide et cet orc, deux véritables opposés. Entre la brute épaisse à la gueule cassé et la gracieuse lapine à la silhouette de rêve. Nul doute que ce duo allait révélé quelques surprises.
L'homme grisonnant ajustera ses petites lunettes rondes, d'un mouvement terriblement lent, avant de ranger l'argent dans une petite caissettes en ivoire, richement taillée. Se saisissant de sa plume, il se tenait prêt.
"Nom et prénom... A tous les deux..."
L'orc grommela son identité, il n'avait aucune raison d'en donner une fausse ici. Le fonctionnaire prenait à coeur son métier ou peut-être était-ce juste la seule chose qui le retenait à la vie, une âme esseulée maintenue dans ce plan par le seul besoin de remplir ses fonctions dans l'administration. Ghar, il avait toujours du mal avec les administrations, pas par manque d'intelligence, mais ça, c'est une autre histoire.
Après avoir noté les informations nécessaires, le fonctionnaire souffla délicatement sur ces deux parchemins, avant d'apposer un sceau en cire rouge, sur chacun d'eux et les ranger sur la pile de parchemins proche de lui. C'était d'ailleurs un miracle quelle ne se soit pas déjà écroulée ou envolée, mais le vent semblait absent en cette matinée, rendant la chaleur plus difficile à soutenir.
Le vieux fonctionnaire sorti alors deux parchemins d'une autre pile, à l'opposée de la première, sur sa droite. Il en tendit un à chacun du duo.
"Avec ce laisser-passer, vous êtes libre de pénétrer dans le camp. Je pense que le Gouverneur ne vas pas tarder à faire une annonce. Soyez présents, c'est important. Merci."
Sitôt sa voix monotone se sera tu, il baissera à nouveau son regard, absent d'émotion, pour sortir un parchemin vierge et prêt à recevoir le prochain duo.
"Bon ! Bouge ton cul, Lapine.. Dix secondes de plus et je risque de faire une connerie..."
Ghar n'allait pas attendre. Le document en sa possession, enfin inscrit, il se dirigea vers l'entrée du camp à quelques mètres. les Ashnardiens avaient dressé ce camp provisoire, en suivant le code strict militaire. Les palissades étaient dressée, ainsi que les douves creusées, ornées de pals prêts à encaisser l'attaque d'un quelconque ennemi. Mais c'était certainement par habitude qu'ils avaient fait cela. Quoi qu'il en soit, la brute passa les grandes portes en bois, laissées ouvertes. La poignée de gardes à l'entrée, le fusillèrent du regard, l'espace d'un petit instant, avant de soudainement rabattre leurs regards, tantôt haineux, maintenant lubriques, sur sa nouvelle partenaire terranide.
Au sein du camp, les tentes étaient dressées, ordonnées et alignées. Si les couleurs pouvaient se différencier de façon hétéroclite, pour témoigner de l'appartenance à une quelconque guilde ou même royaume, Ghar avait l'impression désagréable d'être au sein d'un camp militaire Ashnardien. Il l'avait déjà été, en tant que mercenaire et autant dire, qu'il n'aimait pas beaucoup l'Empire, pas pour une question de moral, mais surtout parce qu'ils étaient dangereux à ses yeux.