Amertume - PV

Quelques années auparavant, avant d'être aussi assurée qu'elle l'est aujourd'hui, Mary tapinait avec un manque de confiance certain en elle. Le regard fuyant, elle jouait nerveusement avec ses doigts, tirant sur ces derniers en gardant la tête baissée. Elle était l'une des rares filles de joie en ces lieux à se vêtir correctement: ni de décolleté outrageusement plongeant, ni de jupe bien trop courte, elle attirait à elle toujours les mêmes types de profils: des célibataires hésitants, des maris infidèles doutant d'eux, n'osant pas se confronter aux reines de ce palais. Mary les acceptait dans ces ruelles, dans sa piaule, parfois pour coucher mais surtout pour discuter.

Elle s'improvisait psychologue, meilleure amie et facturait la consultation pour quelques pièces à peine. Par pitié, par compassion extrême, Mary les écoutait brasser toute leur misérable et triste existence sans sourciller, sans juger, se contentant d'être là, à l'écoute. D'être bienveillance et disposée à les aider. Elle essuyait excès de colère et de frustration, son corps absorbant coups et blessures. Elle essuyait solitude, manque d'affection, sans jamais faiblir, restant elle même, fidèle à ses principes et ses convictions.

Et une fois le petit matin revenu, Mary ramassait ses affaires pour retourner auprès des siens sans jamais parler de ces soirées. Prenant soin de passer par quelques ruelles sans monde, prenant soin de raser les murs pour ne pas se faire attraper par quelques brigands, quelques personnes malintentionnées, elle était parvenue jusque alors à passer entre les mailles du filet protégeant son dû. Une chance pour cette présumée petite frappe des quartiers peu huppés. Elle n'avait pas eu l'occasion de se confronter à des corniauds, des idiots de première et même si Mary demeurait armée, elle espérait tout au fond d'elle ne jamais devoir utiliser son canif contre quiconque...

Mais la donne allait changer ce soir là. 

Voilà trente ans qu’il parcourait ses rues crasseuses et dégueulasses, il connaissait tous les vauriens de la ville, les dealer, les camés, les putes, les clochards, il en avait coffré la plupart mais  il avait finalement vite compris qu’il était du mauvais coté de la loi pour se faire de l’argent, ce n’était pas en étant dans la police et en étant réglo qu’il allait être respecté et s’enrichir. Il était la loi alors il avait mis son grade au profit de certains criminels pour fermer les yeux sur certaines exactions contre de l’argent, et ça lui était bien plus profitable.

L’officier de police était énorme, son poids faisait s’affaisser le véhicule de patrouille et son sous-fifre devait se mettre à l’arrière car le siège passager n’était pas utilisable, ce deuxième policier était un fidèle de son supérieur, prompte à fermé les yeux et à assurer les arrières pendant ses affaires dépassant le cadre de ses fonctions. L’officier Yotome puisque tel était son nom avait envie de se faire plaisir, cela faisait longtemps qu’il n’était pas aller violenter quelque fille des trottoirs qui ne voulait pas payer la taxe qu’il imposait.

Passant dans les petites rues où la voiture passait difficilement, il aperçu une fille son flair l’informa que c’était une prostitué, elle n’en avait pas vraiment l’air mais il avait appris à reconnaître ce genre d’individu et il arrêta le véhicule de manière à bloquer la rue pour en sortir et s’approcher de la demoiselle :

« Je vais vous demander, vos papiers mademoiselle. Je peux savoir ce que vous faîtes ici, à cette heure ? »

Des questions tout ce qu’il y avait de plus banal mais tout le monde savait dans le quartier que le Porc, joli surnom qui lui avait été donné, n’était pas du genre à faire des contrôle inopiné sans avoir une autre idée derrière la tête, surtout à une femme seule dans une rue déserte.

Encore une qui essayait de jouer la tigresse pour esquiver le contrôle mais ce n’était pas vraiment la bonne stratégie à adopter avec l’obèse qui lui avait demander ses papiers, lui ou son collègue n’hésiterait pas à la descendre si elle bougeait un peu trop, tant qu’elle était chaude il pourrait la sauter. Yotome n’était pas qu’un ripoux, c’était un homme grossier, aussi violent qu’il était laid et gras :

« Être sur la défensive ne joue pas vraiment en votre faveur mademoiselle. Prend lui son sac, voir si elle cache pas un truc. »

Le sous-fifre s’avança pour lui arracher le sac des mains sans aucune sympathie repassant derrière son supérieur pour faire l’inspection et y laisser tomber une dose de drogue sans être vue par la propriétaire. Pendant ce temps là, le gros policier lui pris ses papier et en profita pour la palper et lui retirer son couteau :

« Vous êtes bien armée pour quelqu’un qui rentre du boulot. Rien que pour ça je pourrais vous coffrer vous savez, alors avec les insultes et provocation, vous arrangez pas votre cas. »

« Patron, on a de la drogue  dans le sac en plus. »

L’officier grogna et fixa la demoiselle d’un air dépité, avec le temps il était devenu très bon acteur :

« Vous n’êtes pas vraiment maline. Attirer l’attention alors que vous êtes en possession de produit stupéfiant. Vous n’auriez pas fait preuve d’agressivité, on s’en serait tenu au contrôle de routine mais là. »

Il s’apprêtait à prendre les menottes pour les lui passer avant de se raviser en faisant mine d’avoir une idée sur le coup :

« Après, on est pas obligé de régler ça au commissariat. On peut régler ça ici entre adulte consentant. »