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Le marquisat des Blancpré… -
Les Blancpré n’ont jamais été hostiles à la Couronne, Majesté, mais leur fille souffre d’un mal redoutable acquis à la naissance. Une tare génétique, semble-t-il, qui a considérablement éprouvé l’humeur des Blancpré. »
Comme toujours, le Grand-Duc
Arnaud de Maizière, membre du Conseil royal, et l’un des plus grands soutiens d’Elena, avait eu l’occasion de se renseigner. Cette information était toutefois confidentielle, ce qui expliquait pourquoi Arnaud et Elena discutaient seuls, avec Adamante, dans un petit salon, et non en pleine réunion du Conseil. Les Blancpré avaient payé cher pour assurer la discrétion des traitements, prétextant d’autres personnes malades auprès des apothicaires, et rusant de coups et de manœuvres pour éviter que l’état de santé défectueux de Madeleine ne se sache. Leur plus grand projet était en effet de la marier, mais, si les éventuels prétendants apprenaient un jour son état de santé, sa valeur en diminuerait fortement. Un tel raisonnement était assurément sordide, mais, dans le monde de la noblesse, les sentiments passaient
après le sens du devoir. En l’état, il était clair qu’une famille réfléchirait à deux fois pour épouser une jeune femme malade, et susceptible de transmettre la maladie à ses héritiers.
Arnaud consignait donc cette information à un cercle très restreint. Adamante, la magicienne personnelle d’Elena, sa plus proche conseillère, et son amie d’enfance, avait également pu consulter les recherches des guérisseurs intervenus successivement sur le corps de Madeleine. Leurs rapports étaient soumis au plus grand secret, et n’av aient pas été communiqués au Conseil royal, ou même aux instances administratives universitaires.
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Vous pensez qu’ils sont là pour ça ? -
C’est une hypothèse très sérieuse, mais peut-être pas la seule. Comme vous le savez, le marquisat se situe à un territoire limitrophe, mais fort heureusement excentré du front. Pour autant, les grandes forêts qui entourent le marquisat sont propices à des invasions de monstres à et des actes séditieux. -
La Scoia’tael ? -
Ou des groups similaires. Les rapports parlent du FLT, le Front de Libération des Terranides, un mouvement syndical violent qui a émergé dans le port de la capitale, et tend à se diffuser. -
J’en ai entendu parler. »
La Scoia’tael était une organisation pro-elfique terroriste, militant pour la reconnaissance des droits des elfes et des autres espèces non-humaines. Une organisation raciste cellulaire disposant de plusieurs camps, et assez actif sur Nexus. Le FLT, inversement, abritait essentiellement des Terranides, et était, d’après les informations de la Couronne, soutenu et financé par le fameux « Royaume terranide », diffusant de la propagande sur cet État, et organisant des révoltes.
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De plus, le marquisat a également dû déployer des contingents sur le front, comme tous nos bannerets. Il est donc possible que les Blancpré cherchent à obtenir du financement, ou des renforts militaires. -
Je vois… -
Ou ils viennent pour leur fille. Madeleine est fille unique, elle tient dans son ventre le futur de cette famille. Les Blancpré sont des bourgeois traditionnels. Je ne serais pas surprise qu’ils soient convaincus que leur fille est possédée par le démon, ou ce genre de choses. »
Elena écoutait silencieusement. Elle avait un déjeuner prévu avec les Blancpré, et avait accepté de les recevoir. Mais elle ignorait précisément les motifs de ce déjeuner. Or, elle se doutait bien que les Blancpré n’avaient pas fait le voyage depuis leur marquisat sans raison.
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Et est-ce que tu peux aider leur fille ? »
Adamante haussa les épaules.
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Je dois admettre manquer d’informations précises sur sa maladie. Je ne peux pas te répondre, mais, si besoin est, je peux mettre mes talents à son service, et m’entourer d’une équipe pluridisciplinaire afin de m’épauler. »
La Reine acquiesça doucement, s’humectant ensuite les lèvres.
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Bon… Tu m’accompagnes, Adamante ? -
Si tu veux. »
Pour ne pas inquiéter les Blancpré, la sagesse imposait de ne pas inviter le Grand-Duc également. Elena sortit donc du petit salon. Elle portait une
élégante robe rouge avec une fine cape blanche et légèrement transparente aux motifs pastel. Un autre travail de haute volée de la part des couturiers nexusiens, la Reine portant également de fins gants rouges finement brodés avec des motifs blancs, se mariant à la perfection à sa robe. Adamante, elle, portait une traditionnelle robe violette, avec un décolleté plongeant, mettant en valeur sa magnifique poitrine et son ventre. Une tenue très mélisaine.
Le duo rejoignit ainsi la salle à manger par une autre entrée. Deux gardes surveillaient l’entrée, et une sonnerie résonna à l’intérieur de la salle, annonçant la venue de la Reine. Un serviteur ouvrit la porte, et, quand Elena entra, elle sourit en voyant les Blancpré debout, respectueusement levés à son approche.
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Messire de Blancpré, Madame de Blancpré… Madeleine de Blancpré. Je vous en prie, installez-vous. Je vous prie de bien vouloir me pardonner mon retard. »
Un élan de modestie qui était très protocolaire, mais assez abscons. Elle était la Reine.
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Je vous présente Adamante Mélisi, ma première conseillère. -
Je suis enchantée de vous voir. »
Un serviteur écarta le fauteuil d’Elena pour qu’elle s’installe, tout en préparant ses couverts. Comme tout repas royal protocolaire, il se découpait en une série de plusieurs plats.
«
Je suis très heureuse de partager mon repas avec vous. Avez-vous fait bon voyage ? »