Elle aurait pu la retenir en ce moment. Cirillia le savait. Il lui aurait juste suffi de se lever, de la prendre par le bras, de lui dire de rester, et peut-être même de l’embrasser. Cirillia connaissait Amalia, elle savait ce que la sorceleuse ressentait vraiment pour elle. Un baiser, et elles auraient fini ensemble dans le lit. Amalia se serait vengée en lui faisant sauvagement l’amour, comme elle aimait le faire, et peut-être même qu’elles seraient reparties toutes les deux ensuite. Pourquoi s’acharner sur cette strige, sur ce combat suicidaire ? Cirillia n’en savait rien. Elle ne devait rien au
jarl, et se moquait éperdument de cette région. La réalité est qu’elle voyait ça comme un défi.
Ciri’ hésita. En voyant Amalia tourner les talons, son regard changea brièvement, ses lèvres s’entrouvrirent, comme pour lui demander de rester... Mais, le temps qu’elle se décide, la sorceleuse était déjà partie. Et il ne restait plus qu’elle. Fermant les yeux, elle se replongea brièvement dans ses souvenirs, et à cette rencontre, il y a de cela quelques années, dans l’église de Sylvandell, où elle avait appris ce qu’elle était vraiment.
« Vous croyez vraiment que vous êtes encore en vie parce que nous avions besoin de vous pour former la Princesse ? »
C’est de cette manière que l’Omniprêtre de Sylvandell avait su lui expliquer que, derrière les subterfuges, il y avait eu une autre raison. Là, dans l’enceinte de l’église de Sylvandell, Cirillia se trouvait en compagnie de ce vieil elfe borgne, après avoir fait perdre à la Princesse de Sylvandell sa virginité. Et, devant elle, l’Omniprêtre l’avait convoqué.
« Je ne vois pas ce que vous voulez dire.
- Vous avez tué un dragon rouge. C’est un exploit autant qu’un crime hautement condamnable ici. »
Ça, Ciri’ le savait, et elle savait aussi qu’elle ne devait sa survie que grâce à la Princesse. Du moins, c’est ce qu’elle avait cru, mais elle-même avait trouvé cette raison discutable. Le Roi de Sylvandell avait ordonné à Alice de la punir, et les évènements s’étaient finalement retournés en sa faveur. Ciri’ avait pris l’ascendant sur Alice, lui avait fait l’amour, et Alice avait insisté auprès de son père pour que Ciri’ devienne sa formatrice.
« Je sais ce qui s’est passé quand vous avez tué ce dragon. Vous avez absorbé son âme, et recueilli en vous de nouveaux pouvoirs, des facultés que vous ne maîtrisez pas bien. Si c’était le cas, nous aurions eu bien plus de mal à vous capturer. »
L’Omniprêtre lui parla du Thu’um.
« Les Korvander sont des descendants d’Erwan Korvander, qui avait la faculté, méconnue, d’être lui-même un Dovahkiin. Le Patriarche a eu une vision vous concernant, Cirillia. Et c’est pour ça que vous êtes en vie. Votre destinée devait vous mener ici, à Sylvandell... »
Ciri’ ne croyait guère au destin... Mais, si ça lui permettait d’éviter l’échafaud, alors elle voulait bien faire une exception.
Les hurlements rugirent dans l’église abandonnée quand le couvercle du sarcophage fut repoussé. D’épais bras violets émergèrent de l’obscurité, et un monstre à la longue gueule en sortit. Il avait de grandes dents, un corps massif, et une longue chevelure flamboyante sur la tête. La
strige venait de se réveiller, et hurla à nouveau, prête à chasser, avant de renifler dans l’air ambiant, et de sentir une présence.
Surprise, la strige se déplaça lentement, quittant la crypte de l’église pour remonter un escalier, et atterrit dans la cour intérieure de l’église, un cloître poussiéreux avec un arbre ayant perdu toutes ses feuilles au centre. Là, la strige regarda nerveusement autour d’elle, sentant une présence proche, et renifla l’air ambiant.
Des bruits de pas se firent entendre dans son dos, et elle se retourna alors.
«
Fus’... Ro’... DAAAH’ !! »
Une puissante onde de choc frappa la strige, et, malgré son poids massif, le Cri la décolla du sol, et l’envoya défoncer un volet fermé dans l’une des dépendances du cloître. La strige roula le long du sol, et Cirillia se rapprocha, sortant de son fourreau sa lame en argent, les runes se mettant à briller sous l’effet de l’onguent magique qu’elle avait appliqué dessus. Les yeux de Cirillia brillaient dans la nuit, l’un des effets secondaires des élixirs qu’elle avait préparé en quittant l’auberge.
La strige gronda alors, et ne ressortit pas par le volet, mais atterrit sur le toit du cloître, et bondit en avant. Malgré son poids, elle était très véloce, et son prodigieux saut l’amena à s’agripper contre les branches de l’arbre, puis à rebondir vers Ciri’, qui pivota sur le côté, évitant ses griffes. Sa lame relevée, elle l’abattit alors, et l’enfonça dans la chair de la strige, qui hurla de douleur, son sang coulant sur le sol. La bête bondit en arrière, et sa peau commença déjà à se reconstruire.
*
Saloperie !*
Ciri’ serra les dents, et lança alors le signe d’Igni en voyant la strige bander ses muscles. Un rideau de flammes jaillit de sa main pour heurter la strige, mais, malgré les flammes, elle bondit en avant, et Ciri’ bondit sur le côté, évitant sa charge. Le monstre atterrit sur le sol, et rebondit alors sur le côté, son épaule heurtant Cirillia, la couchant au sol. La bête hurla alors rageusement, et approcha ses crocs du corps de la jeune femme... Pour se recevoir un coup de pied en pleine figure, qui la fit reculer.
La guerrière se redressa alors, et la strige, secouant la tête, fronça alors les sourcils, puis rugit à nouveau... Et cracha alors une gerbe de flammes. Cirillia bondit sur le côté, atterrissant contre l’arbre, les flammes venant lécher son épaule. Suite à cette attaque, la strige bondit à nouveau vers elle, se montrant aussi rapide que puissante, et la guerrière bondit encore en arrière, évitant l’attaque, puis, en voyant la strige s’élancer vers elle, abattit son épée du bas vers le haut, touchant sa tête. Sans attendre plus longtemps, Ciri’ bondit en avant, tournoyant sur place, et frappa encore avec sa lame, faisant hurler la strige une nouvelle fois.
«
Fo’... Krah’... Diin’... !! »
Ciri’ lança un nouveau Cri, destiné à geler la strige, et l’air se rafraîchit considérablement autour d’elle. La strige se recouvrit de gel, et Cirillia bondit en arrière. Elle espérait bien avoir gagné quelques secondes... Mais, très rapidement, elle vit le gel se fissurer, se craqueler à hauteur de la strige, puis la couche de givre explosa, et le monstre bondit vers elle.
*
Merde, cette saloperie est increvable !*
La strige la chargea, furieuse, les yeux exorbités, et Cirillia usa de son agilité légendaire pour bondir en hauteur, évitant sa nouvelle charge en la contournant par le haut, puis, dans la foulée, attrapa son arbalète à répétition. Elle s’en servit alors pour canarder la strige avec une série de carreaux, profitant du fait que le monstre soit légèrement à distance. Les carreaux s’enfoncèrent dans la chair du monstre, le long de son flanc, et la bête hurla encore, ne semblant guère plus impressionnée que cela. Elle se retourna de nouveau, dévisageant Cirillia, et bondit sur elle.
De la tête, la strige projeta Ciri contre l’une des dépendances du cloître. Ce fut à son tour de traverser un volet, et elle roula sur le sol, atterrissant près d’une fenêtre. La strige hurla encore, et, le temps que Ciri’ se redresse, le monstre bondissait encore vers elle... Et planta ses crocs dans son flanc. Son armure et ses élixirs la protégèrent, mais, même malgré ça, elle sentit les crocs s’enfoncer dans sa chair, et la douleur rugir. Ciri’ repoussa la strige, mais se tint le flanc d’une main, en sentant le sang en couler abondamment.
«
Aargh... »
Du sang coulait également de ses lèvres. Ciri’ réussit à former avec ses doigts le signe de Quen, et la strige hurla encore, envoyant un sort d’Air qui frappa Ciri’ de plein fouet. Elle passa à travers la fenêtre, lâcha son épée en argent, et roula dans la poudreuse, dévalant ensuite un ravin qui longeait l’église, et termina sa course en faisant une chute d’une dizaine de mètres, l’amenant à s’écraser contre un arbre, arrachant plusieurs branches d’arbres dans sa chute, pour finir par s’écrouler mollement sur le sol, inanimée, et le sang coulant progressivement de sa plaie à l’abdomen...
Et la strige, en hauteur, hurla encore, les dents ensanglantés, tout en s’éloignant, son territoire protégé.