La sonnerie retentit avec violence, dans l'ensemble des bâtiments de l'établissement. Le bref silence qui s'en suivit fut rapidement interrompu par le raclement des chaises sur les parquets plus ou moins cirés, et le fracassement des portes qui s'ouvraient dans tous les sens, laissant échapper un flot d'élèves dont l'excitation faisait ployer la raideur d'un éventuel règlement à respecter.
Pam, de son côté, se leva lentement de son siège, prenant le temps de remballer soigneusement ses affaires, et de quitter la salle de classe dans les derniers, comme d'habitude.
Pour elle, la veille du week-end, c'était un jour comme les autres - à peine plus excitant par le fait qu'il signait l'arrêt d'une autre semaine. Pour les autres, le vendredi annonçait les sorties en ville, dans le parc s'il faisait beau, et sûrement dans une ou deux soirées étudiantes organisées au dernier moment. Pour la blonde, c'était surtout l'occasion de se remémorer que ce genre de choses, ce n'était définitivement pas pour quelqu'un comme elle - du moins, pensait-elle, n'ayant jamais vraiment eu l'occasion de tester ce genre de choses et de se forger un avis.
Le vendredi avait donc longtemps été un jour difficile pour la jeune héritière. Depuis qu'elle avait grandi et mûri un peu, ça devenait cependant de moins en moins dur d'accepter le fait que ce genre d'occasion était difficile à saisir de son côté. Pourtant, dés que la dernière cloche du vendredi sonnait et se faisait accompagner par ce flot d'excitation humain, l'étudiante ne pouvait s'empêcher de ressentir une toute petite pointe au cœur, et de quitter la salle où elle se trouvait avec la mine basse.
Lorsque Pam arriva devant son casier, la résignation avait cependant disparue de son faciès, et elle arborait finalement une mine tranquille et reposée, pensant à l'ensemble des choses qu'elle pourrait faire ce week-end - quelques bons sites internet à visiter, des animes sympathiques à regarder... peut-être même se permettrait-elle une sortie de son côté, aussi. Ce n'était pas comme si le manque d'argent ou de temps la retenait dans cette maison, qu'elle ne quittait à peu prés que pour aller en cours ou dans les autres lieux où l'on lui disait d'aller.
Songeuse, sa réflexion l'empêcha de s'apercevoir que quelqu'un s'était arrêtée prés d'elle et de son casier ouvert - ce qui déclencha une petite frayeur quand la porte se referma dans un cliquetis métallique. La lycéenne sursauta, surprise de cette soudaine présence humaine auprès d'elle.
Après analyse de la silhouette qui s'était arrêtée à sa gauche, la blonde laissa finalement un gentil sourire fleurir sur ses lèvres charnues.
« Ah, Saki-san !.. »
Le salut était timide, mais amical, avec moins de recul que celui auquel avaient droit les rares élèves de Mishima qui saluaient la demoiselle. Habituellement, celle-ci les contentait d'un geste de la tête. On se doutait donc bien que la blonde n'était pas forcément très douée pour les interactions sociales - ce qui l'encouragea à ne rien rajouter de plus intéressant, sentant déjà son visage se teinter légèrement.
La jeune fille qui lui faisait face, Saki Nogushi, suivait ses cours dans une classe proche de la sienne. Elles partageaient en revanche les mêmes cours dans le club de cuisine et s'étaient croisées plusieurs fois - et bizarrement, Pam n'aurait pas été capable de déterminer ce qui les avait poussé à entamer leur première discussion. Tout ce qu'elle savait maintenant, c'était que, sans pour autant partager de nombreux moments, les deux adolescentes se disaient régulièrement bonjour au détour d'un couloir de l'établissement, et prenaient toutes deux un peu de temps pour discuter, entre deux intervalles de cours. Ells n'échangeaient que des banalités, mais cela suffisait à Pam pour trouver leurs rares discussions intéressantes. Niveau interactions sociales, elle avait toujours été quelqu'un qui se contentait de peu - par choix ou par dépit, cela aurait été difficile à dire.
« ...Heu, comment vas-tu depuis la semaine dernière ? Je ne t'ai plus vu au club de cuisine... tu es tombé malade ?.. »
Des banalités, une fois de plus, mais que l'adolescente trouvait agréable à déverser - ce vendredi-là, au moins, risquait de se finir sur une note positive.