Folies nocturnes [Pepper]

Depuis mon arrivée au Japon, je n'avais pas eu beaucoup de temps à consacrer à ma chasse aux criminels sur internet, déménager dans un pays étranger est souvent très difficile, il faut le temps de s'acclimater, trouver un emploi, entant que gaijin ce n'était pas gagné, mais heureusement pour moi, Seikusu est l'une des rares villes du Japon à posséder une population des plus hétéroclites, des gens de différentes nations et ethnies se côtoient dans cette grande métropole. Ce que je pensais être une difficulté que de trouver un emploi s'avéra très vite ne pas être un problème, le lycée de Seikusu cherchait quelqu'un pour s'occuper du matériel informatique, la paye était assez minable, mais un travail est un travail et il faut savoir se fondre dans la population, se lier avec la communauté, les chômeurs ne sont pas très bien vu au Japon et certains d'entre eux sont assez surveillé par le gouvernement, qui les considèrent comme des parasites, je n'ai pas trop envie de me faire surveiller par les autorités du pays et encore moins de passer pour un parasite.

Le lycée de Seikusu est un très grand établissement scolaire mêlant modernité et architecture contemporaine, les élèves de l'école sont à l'image de la population, un regroupement de toutes les ethnies possibles et les styles vestimentaires aussi. À plusieurs reprises, j'ai été confondue avec une élève de l'établissement, il est vrai qu'au Japon, les étudiants sont aux études jusqu'à vingt ans pour la plupart, l'âge de la majorité dans le pays, mais les gens ne sont pas trop regardant sur mes dix-huit années, je suis une étrangère, américaine de surcroît, habituellement je passe pour quelqu'un de plus mature que les jeunes de la ville, allez savoir pourquoi. Quoi qu'il en soit, en début de soirée, j'avais reçu un appel par un professeur de mathématiques du lycée, je devais venir m'occuper de deux ordinateurs défaillant dans la salle d'informatique, l'homme en question devait avoir un cours le lendemain dans cette salle, exigeant l'utilisation de ces machines. C'est donc avec la plus grande flemme au monde que je me força à me lever de ma chaise de bureau, mettant de côté ma soirée pizza et cinéma coréen, pour me rendre au lycée, avec un peu de chance ce n'était pas grand-chose et j'aurais fini en même pas 3/4 d'heure.

« Désolée, j'ai été prise dans une foule monstre pour venir jusqu'ici.  »

J'avais une dizaine de minutes de retard sur l'heure que j'avais donné à l'éducateur, pourtant on ne peut pas dire que je ne m'étais pas dépêché, je n'ai même pas pris la peine de m'habiller correctement, j'avais enfilé la première paire de basket à porter, un t-shirt un peu trop grand pour moi, un vieux jean délavé et mon habituelle casquette, sans elle je me sentais totalement nue. Néanmoins, le professeur semblait furieux de me voir arriver en retard avec ma dégaine nonchalante, mais de toute façon, il n'avait personne d'autre à appeler pour ses fichus ordinateurs, il pouvait bien attendre quelques minutes. Il évita de me faire un sermon ou la morale et il avait bien raison, m'indiquant la salle d'informatique, il me passa les clés et partit à toutes jambes en direction de la gare. Si j'avais su que je serais seule dans ce fichu lycée, j'aurais pris la pizza avec moi.

«  Bon les p'tits gars, qu'est-ce qui va pas  ? »

J'avais pris cette manie qu'ont ces gens du métier à parler avec la machine, comme les mécaniciens et les voitures ou les jardiniers et les plantes, mais dans le dernier cas, ne dit-on pas qu'il est bon de parler aux plantes, alors pourquoi parler avec les ordinateurs ne serait pas bon pour eux. La salle n'était pas très grande, de quoi mettre une vingtaine d'élèves maximum, de toute façon il n'y avait que quinze ordinateurs dans cette pièce. Le crépuscule commençait à pointer, m'obligeant à allumer les lumières de la classe d'informatique et à genoux au sol, je m’efforçais de savoir lequel de ces composants informatiques datants de Mathusalem j'allais devoir changer en premier, ces ordinateurs étaient vraiment des plus pourris, pas étonnant qu'ils tombent en panne.

« C’est encore une jeune avachie devant les jeux vidéos et qui ne bosse pas ! Et moi, j’ai un train à prendre !
 -  Oui, oui, Tosuo-senseï, j’ai bien compris le problème… »

La conversation était houleuse, même si Pepper n’était pas la raison de l’ire de Tosuo-senseï. Le professeur de mathématiques était en colère, et Pepper pouvait le comprendre. Suite à un dernier cours d’informatique, des jeunes avaient eu la bonne idée de balancer un virus, ce qui avait surchargé un processeur, et fait griller plusieurs composants de la machine. Le lycée avait alors fait appel à une boîte d’intérim pour faire venir le plus vite possible un réparateur, et on leur avait fourni les coordonnées d’une jeune femme, Axelle Shepard. Tosuo-senseï, qui était à la fois professeur de mathématiques et d’informatique, avait donc pris contact avec elle, désirant qu’elle vienne le plus vite possible pour effectuer les réparations. Il avait en effet besoin des machines pour le lendemain, afin d’assurer plusieurs cours.

Hélas, l’informaticienne en herbe était en retard, ce qui agaçait l’homme. Pepper, elle, n’était toutefois guère dupe. Elle était dans le lycée depuis suffisamment longtemps pour savoir que Tosuo-senseï couchait avec ses élèves, et qu’il était un redoutable pervers. Pepper connaissait beaucoup de choses sur le lycée, notamment grâce à l’association d’aide aux devoirs. Tosuo-senseï faisait partie des professeurs inscrits dans ce programme, dont le but officiel était d’aider les élèves ayant du mal à suivre le rythme scolaire à faire leurs devoirs, un argument dont l’homme se servait pour coucher avec les jeunes adolescentes du lycée… Et, ce soir, il avait rendez-vous avec l’une de ses élèves, probablement pour se l’envoyer en l’air. Pepper, elle, n’y voyait bien évidemment aucune objection, mais elle acceptait le jeu de l’homme.

*Peut-être que la dulcinée vit à la campagne, après tout, et qu’il doit effectivement prendre le train pour fourrer sa queue dans sa bouche…*

Ce n’était pas Pepper qui le jugerait là-dessus. En revanche, là où elle était plus irritée, c’est parce que, ce soir, l’association organisait une réunion spéciale dans les locaux du lycée… Une réunion à laquelle Pepper comptait bel et bien participer. La preuve, alors qu’elle était là, dans son bureau de permanence, à surveiller Mishima (il y avait toujours des vigiles dans le lycée), sous ses tenues civiles, elle portait sa séduisante et moulante tenue rose de strip-teaseuse. Néanmoins, le boulot était le boulot, et, hiérarchiquement, elle devait se plier aux ordres de Tosuo-senseï.

Elle attendait donc de le voir passer devant son bureau pour rejoindre ensuite la salle d’informatique. Mishima était un grand lycée, le plus grand lycée de Seikusu, un établissement qui partageait ses locaux avec l’université, les deux formant un vaste ensemble scolaire, un grand campus avec de nombreux bâtiments.

Après sa conversation téléphonique avec Tosuo-senseï, elle s’humecta les lèvres, croisant les jambes sur son bureau, observant ses belles bottes roses à talon, des bottes de cow-girl, en attendant que l’homme arrive. Le senseï finit par se manifester, et la salua, la remerciant rapidement, faisant sourire la femme.

*On dit qu’il aime porter une cage de chasteté sur le corps pendant qu’il assure ses cours… Je me demande s’il en a une, actuellement…*

Mishima, un regroupement de pervers en tout genre… Pepper s’humecta les lèvres, puis se décida à aller voir la femme, laissant dans son bureau son chapeau rose de cow-girl. D’une démarche élégante et raffinée, elle s’avançait dans les couloirs du lycée. Bien des gens avaient du mal à se résigner à quitter l’adolescence, car elle était parfois la plus merveilleuse période de la vie, et c’était tout à fait le cas pour Pepper, qui arpentait encore avec plaisir, depuis des années, les couloirs de ce lycée… Ce lycée où elle était clairement passée de l’âge enfant à l’âge adulte, bien loin de son ancienne famille, goûtant à une vie nouvelle, généreuse et riche.

Pepper avançait sans avoir à s’éclairer, tant elle considérait Mishima comme étant son foyer. Elle en connaissait chaque recoin, et chaque pièce était, dans sa tête, rattachée à de magnifiques souvenirs… Y compris la salle d’informatique. Un rectangle lumineux s’échappait de la porte entrouverte, et, en s’approchant, elle eut droit à une superbe vision, qui la fit sourire.

L’informaticienne était penchée vers une machine, la tête près d’un ensemble infernal de câbles et de composants électroniques sortant des entrailles du ventre de la tour informatique… Et Pepper avait une séduisante vue sur son cul. Elle observa ce joli derrière pendant quelques secondes, les jeans ayant toujours eu le don de mouler n’importe quelle tenue, puis se racla la gorge en souriant.

« Salut… Je m’appelle Pepper. Tosuo-senseï m’a demandé de veiller sur toi. Il ne fait pas bon de rester toute seule dans un si grand lycée le soir… »

Une phrase énigmatique, que Pepper agrémenta d’un léger sourire. Cette informaticienne était… Et bien, malgré son côté clairement négligé, elle était super-sexy… Ce qui, à Mishima, était toujours une qualité !

« Tout se passe bien ? »