Artémis sentit un mouvement sur sa gauche et leva les yeux, toujours en train de se laver. Le démon approchait, malgré tout ce qu’elle lui avait déjà fait subir. La stupeur éclaira ses traits, ce qui montra que seule la surprise l’empêcha de se diriger vers lui pour lui porter d’autres coups. Elle le voyait avancer pour la rejoindre, pas à pas, alors que les lances qui étaient profondément fichées dans sa chair tombaient au sol, laissant couler un véritable flot de sang. Au bout de quelques secondes, elles gisaient toutes à terre, indiquant par où était passé le démon pour arriver jusque dans le ruisseau. Il se dressait de toute sa hauteur devant la déesse, son regard vide semblant la fixer. Elle pouvait lire quelque chose dans son expression, mais c’était impossible. Non, aucune créature ne pouvait éprouver cela alors qu’elle était trouée de toutes parts, les globes oculaires arrachés sans aucune pitié. Mais il était de nature démoniaque… Se pouvait-il que… Qu’il puisse éprouver du plaisir à subir toutes ces attaques ? Il suffisait de le voir pour constater qu’il rayonnait presque de bonheur, malgré le fait qu’il se vidait toujours de son sang. Artémis eut peur, alors, de cette créature dont les blessures commençaient à se refermer, mais elle se ressaisit. Non, elle n’allait pas commencer à craindre cet être. Après tout, elle aussi était immortelle, il n’y avait pas de quoi s’alarmer. Il venait de l’enfer, elle de la lune. Les deux êtres se battraient donc à armes égales. Pas la peine de paniquer, ce n’était qu’un défi en plus, après tout. Contrairement à elle, il souriait, comme s’il n’avait aucune peur de la déesse, ce qui pouvait tout à fait être vrai. Pourquoi le craindre alors que lui ne la craignait pas ? Cela ne ferait que lui donner l’impression d’être faible, et lorsqu’elle penserait l’être, elle le deviendrait. Se forçant à sourire à son tour, malgré le fait que son sourire à elle soit moins joyeux que celui du démon, Artémis se redressa aussi, prête à le combattre.
Malheureusement, son adversaire disparut de son champ de vision. La déesse chasseresse se tendit visiblement, cherchant des yeux où pouvait être passé l’autre. Elle leva son arc et sortit une flèche, s’attendant à le voir surgir de n’importe où. Ce n’était pas parce que sa désagrégation était lente que sa réapparition le serait aussi. Il pouvait venir de n’importe où et l’attaquer avec une vitesse bien supérieure à celle qu’il avait montré jusqu’à présent, elle en était consciente. Finalement, il finit par ne plus laisser derrière lui que du sang et des lances tâchées du même liquide rouge. Se demandant si il ne s’était pas tout simplement enfuit, la vierge divinité s’apprêta à avancer pour vérifier si tel était le cas lorsqu’il réapparut. Du moins, elle le pensait, car il se trouvait désormais derrière elle. Lui murmurant des paroles qui la firent frissonner, il eut le temps de reconstituer tout son corps. Artémis songea à ses paroles, se demandant si il avait vraiment l’intention de la toucher. Aussitôt après qu’elle se formula intérieurement cette question, deux bras puissants l’entourèrent. Sans qu’elle n’ait pu protester, les mains démoniaques du prince des ténèbres se mirent à malaxer sa poitrine, qu’elle venait tout juste de laver de l’odeur du démon. Son dos fin et à la peau sensible heurta le torse dur à cause des muscles du démon et elle se sentit emprisonnée. Alors qu’il pétrissait doucement sa poitrine en profitant de ce contact inespéré, son sang se répandait sur la déesse, qui fronçait les sourcils, dégoûtée. Tentant de s’enfuir, elle se heurta aux bras de l’être démoniaque. Sous la colère, elle lui lança, la rage perçant dans sa voix :
- Comment oses-tu… ? Lâche-moi tout de suite ! Cesse de me toucher de tes mains impures ! Ma poitrine n'est pas un défouloir!
Vraiment, la déesse qui incarnait la lune depuis des temps immémoriaux étaient en colère, elle ne concevait pas qu’elle était devenue la proie de ce démon, juste qu’il commettait un affront en la touchant de la sorte. Personne avant lui n’avait tenté de la violer avec quelques chances de réussite, et c’était donc pour elle une expérience nouvelle et particulièrement désagréable que de se retrouver entre les bras chauds et vicieux de cet être qu’elle commençait à mépriser de tout son cœur. Elle lui ferait payer, oui… Fermant les yeux pour se concentrer, elle appela à elle l’esprit du point d’eau, qui se manifesta rapidement. Il avait prit l’apparence d’un centaure et il chargea, les deux cornes qui ornaient sa tête s’enfonçant dans le flanc du démon. Aussitôt, la déesse fit apparaître une dague entre ses doigts experts de chasseresse et coupa le bras droit qui la retenait si profondément qu’il tomba. Profitant de cette occasion, elle se força un passage entre les deux membres, dont l’un recouvrait le sol de sang, et disparut à nouveau pour réapparaître quelques mètres plus loin. Non, elle n’allait pas s’échapper. C’était son territoire, et elle ne l’abandonnerait pas à un tel être. Bien sûr, elle aurait pu appeler des nymphes pour qu’elles viennent l’aider, mais elle ne désirait pas les mêler à sa vengeance personnelle, surtout que le démon risquait de les violer à coup sûr, car elles étaient plus faibles qu’elle.
Artémis soupira et leva les yeux vers la créature démoniaque. Le centaure continuait de le ruer de coups de corne et son bras laissait échapper un flot de sang. Elle releva la dague qu’elle tenait toujours en main, et qui prit la forme d’un katana, arme qu’elle avait trouvé agréable à manier dans le monde des humains. Se préparant en s’étirant légèrement, elle courut à une vitesse impressionnante vers le démon, l’arme dressée vers son cou, prête à le décapiter tandis que l’esprit de l’eau le tenait en respect.
- Meurs! Goûtes à la colère d'Artémis!