SBAM, fit la barrière magique en m'expulsant sans douceur hors de l'Olympe. Je roule sur les graviers, à la limite du domaine des dieux, déchirant ma fine tunique de voilages en même temps. Toujours la même tunique, soit-dit en passant. Je n'ai à peu près que ça dans ma garde-robe. Garde-robe ravitaillée par mon ombrageux géniteur, évidemment. Je soupire, et je me redresse, époussetant ma robe fichue. Le soleil darde ses rayons brûlant sur ma nuque, alors que je peste entre mes dents.
Pour en revenir à mon expulsion de l'Olympe, c'est très simple. J'ai encore tenté une sortie en douce. Oui, sauf que cette fois, mon très furibond papa m'a prise en flagrant délit. Le pire, c'est que ce n'était même pas calculé. Il a dû se rendre chez la très sage Athéna, pour parler affaires, et c'est en rentrant qu'il m'a surprise en train de batifoler avec un de ces coursiers aux ordres d'Hermès.
Inutile de dire qu'il est entré dans une fureur noire. D'une part, je lui avais désobéi. J'étais sortie du périmètre de sécurité. D'autre part, il croyait que j'étais toujours son innocente petite fille. Ouais, mais non. Depuis quelques temps, je suis une femme, une vraie. En bref, le cocktail des deux n'est pas passé. Si ça n'avait été que l'un ou l'autre, il m'aurait juste punie dans mes appartements. Mais là, sous l'impulsion du moment, il m'a bannie de l'Olympe et de son domaine à lui.
Et je me retrouve à la porte, jetée dehors comme une malpropre. Je vois déjà les yeux curieux des prêtresses qui me regarde en ricanant. C'est toujours bon d'avoir de l'animation ici. Je regrette juste d'en être la star.
Je continue de grommeler entre mes dents en m'éloignant de cette stupide montagne divine. Des champs s'étendent à perte de vue, parfois troublés par des bosquets, des points d'eau, ou même des petites grottes. Aux limites de l'Olympe, plus loin, on distingue le reste des Contrées du Chaos. Ce petit territoire entre les deux est accessible à tous. Mon père n'a pas pu me bannir hors d'ici.
Je commence à marcher vers les Contrées du Chaos quand je trébuche contre une créature. Une petite chose grise, avec deux immenses yeux globuleux. A genoux, par terre, je reste un instant figée, observant la créature qui me dévisage intensément. Elle me dit quelque chose, cette petite bouille presque mignonne si elle n'était pas aussi bizarre...
Et je fais le lien, alors que la créature parle dans mon esprit.
" Le maître arrive... "
Le maître en question, je suppose que c'est l'immense démon au cuir rouge que j'avais rencontré il y a un petit moment. Ar-quelquechose-Malk. Malk, pour faire plus court. Je hoche la tête, et la petite chose grise s'agenouille près de moi, comme pour attendre son maître.
Oui, mais moi, je n'ai pas l'intention de rester à genoux. Pour attendre le puissant démon qui arrive, je me concentre, et fait apparaître tout un tas de coussin, une espèce de tente assez haute (je l'espère) pour contenir la haute stature de Malk, et une sorte d'immense paravent qui me protège des regards indiscrets de mes confrères de l'Olympe. Bon, en fait, ce n'est pas un paravent. C'est plutôt un très grand et très longs mur de roche. J'ai plutôt mal dosé mon pouvoir. Mais l'essentiel, c'est que je ne serais pas ennuyée par les yeux curieux des habitants de l'Olympe. Le mur protège également les ondes magiques. C'est-à-dire que les autres dieux, même s'ils le voulaient (ce dont je doute, vu leur égocentrisme), ne pourraient pas savoir ce qui se passe derrière ce mur à moins d'y venir par eux-même. Et sans téléportations, je vous prie.
Je m'allonge sur les coussins, sans même prendre la peine d'épousseter ma robe. Fichue pour fichue... Enfin. Et j'attends donc mon prestigieux invité, sous l'oeil intrigué du petit Méphite.
« Et bien, mon grand. On n'a plus qu'à attendre ton maître. T'es au courant de ce qu'il veut ? Non ? Tant pis. »