En un sens, c’était un grand honneur. Akihiro Guramu envoyait rapidement ses «
Anges » contre ses adversaires. Les Anges d’Akihiro, c’est ainsi qu’on surnommait les ninjas travaillant à sa solde, et qui étaient toutes exclusivement des femmes. Le terme de «
ninja » était en soi un abus de langage, la coutume voulant que les femmes ninjas soient appelées «
kunoichi ». Historiquement, les
kunoichi avaient toujours eu une certaine importance au sein des clans de ninjas, mais suivaient un entraînement différent de celui des hommes, un entraînement reposant sur l’art du déguisement, l’empoisonnement, et quelques techniques de
ninjutsu et de corps-à-corps. Elles étaient plutôt vues comme des assassins utilisant la tromperie et les charmes du corps pour tuer leurs ennemis, se déguisant ainsi en voyantes, en diseuses de bonnes aventures, voire en
geishas. Akihiro Guramu avait choisi de constituer ses Anges après avoir entendu parler des exploits d’une légendaire
kunoichi, Mochizuki Chiyome. Elle avait formé son propre clan de
kunoichi, sur ordre de son seigneur, Takeda Shingen, et son réseau avait compté à son apogée plusieurs centaines de femmes. Parmi les autres détails anecdotiques, il était à noter que l’uniforme d’une
kunoichi, qu’on appelait
keikogi, était traditionnellement de couleur violet, mais, avec la pratique, bon nombre de femmes portaient des
keikogi noirs.
Les hommes de Jethro devinrent donc la cible des Anges, mais ils n’étaient qu’un obstacle entre elles et leurs véritables cibles : Jethro lui-même, et la femme qui avait menacé Akihiro Guramu, qu’elles voyaient comme leur seigneur de guerre. Pour elles, Akihiro n’était pas un
Oyabun, mais un
daimyō. Il ordonnait, et elles obéissaient. L’équipe attaquant l’opéra était dirigée par
Rika Mutsuki. La femme venait de Thaïlande, où elle était destinée à devenir une prostituée suçant la queue rabougrie des touristes étrangers dans des hôtels sinistres. Grâce au
daimyō Guramu, Rika avait échappé à un tel destin funeste, et avait été formé dans les cours et les allées reposantes de
Muramasa-jō, le fort d’Akihiro, et dans des sanctuaires ancestraux dans les profondeurs du Japon. Elles communiquaient sans rien dire, uniquement avec des signes.
Les ennemis finirent par les repérer, et plusieurs s’avancèrent dans de grands bureaux administratifs, pointant leurs pistolets et leurs fusils à pompes. Ils avançaient prudemment, quand, brusquement, toutes les lumières s’éteignirent.
«
Putain ! -
Elles ont dû couper le courant ! »
Rika ne dit rien, et ne sourit même pas. Matsuko avait accompli sa mission. Elle dirigeait une escouade ayant filé dans les souterrains pour couper le courant. Elles venaient d’atteindre le générateur de l’opéra. Des lampes-torches jaillirent le long des armes. Ils étaient quatre, nerveux, respirant bruyamment, entendant parfois des bruits de déplacement. Ils regardaient autour d’eux, inquiets.
«
C’est des saloperies de ninjas ! -
Tsss... Ce gros porc de Guramu se croit encore au Moyen-Âge ?! »
Ils entendirent alors un bruit sonore, et tous se tournèrent. Leurs halos eurent le temps de voir une femme dans une tenue noire. Ils allaient tirer... Mais la diversion fut suffisante. Rika bondit depuis son bureau, et lança un
shuriken, qui atteignit la gorge de l’un d’entre eux. Un coup rapide, mortel et efficace. Les autres ennemis se retournèrent, mais une autre
kunoichi les attaqua avec ses
saï, et les planta dans le dos de deux d’entre eux, le sfaisant hurler. Un homme appuya sur la gâchette, tirant sur le plafond. Un quatrième ennemi se retourna, voyant les
saï plantés dans le dos de ses deux alliés, et se reçut un coup de pied retourné qui l’envoya heurter le sol. Il se releva rapidement, et se mit à courir, ouvrant en grand une porte, la faisant claquer contre le mur. Il se rua vers l’escalier de service, paniqué, et heurta, sans s’en rendre compte à temps, un mince filin qui avait été déposé ici pour couvrir la fuite des femmes. Dans un hurlement, l’homme tomba en avant, et on entendit un craquement singulier quand sa nuque heurta l’une des marches de l’escalier. Son corps heurta le mur, disloqué, sous les yeux de deux hommes se trouvant en bas.
«
Putain, elles sont là ! »
Rika se pinça les lèvres, et fit rapidement des signes de ses doigts. Les deux hommes grimpèrent précipitamment, l’un deux portant une Kalachnikov, et se mit à faire feu. Ses balles traversèrent les vitres séparant la grande pièce du couloir, et explosèrent plusieurs écrans d’ordinateurs. Rika et les autres
kunoichi étaient des amies d’enfance. Elles s’étaient entraînées ensemble, s’étaient battues ensemble, avaient tué et fait l’amour ensemble. Elles étaient de véritables camarades, dans le sens le plus strict et le plus fusionnel du terme. Leur credo leur interdisait d’employer des armes à feu. Une balle atteignit malheureusement la jambe d’une
kunoichi, Jin. Jin tomba sur le sol en gémissant, et Rika se pinça les lèvres. Abandonner l’une des siennes n’était pas une option, mais l’un des deux hommes se rapprochait. Elle lança vers lui un
shuriken, mais l’ennemi l’évita, et tira avec son fusil à pompe, un redoutable SPAS-12. Rika bondit sur le côté, s’abritant derrière un bureau.
«
On te tient, salope ! -
’Fais gaffe, il y en a peut-être d’autres ! »
Jin continuait à gémir, en essayant de ramper sur le sol. Les deux tueurs s’avançaient lentement... Quand l’une des fenêtres extérieures explosa brusquement. Ils tournèrent la tête, surpris, en pensant que leur cible avait pu chercher à s’enfuir par là... Et une silhouette jaillit du plafond, avec une sorte de longue cape noire flottante. Elle atterrit devant eux, et son poing heurta le visage de l’un des deux affreux, lui brisant le nez. L’autre se reçut un coup de pied au visage, le sonnant, puis un autre dans le ventre, qui l’envoya s’étaler sur un bureau, le renversant au passage.
Rika en profita pour bondir vers elle, attrapant les
nunchakus de Jin. Kate se retourna à temps, et bondit en arrière, évitant l’attaque, et frappa la femme. Cette dernière para, et bondit en arrière, avant de se mettre en position de combat. Kate se prépara également... Puis la
kunoichi poussa un hurlement, et attaqua, déployant ses
nunchakus.